À peine les lumières fermées, déjà l’atmosphère était à son paroxysme. Dans un bric-à-brac tordu d’antennes, de gadgets et de spots lumineux, les musiciens se sont placés sobrement, et les mains de Daniel Bélanger ont entamé le piano. Un chat de gouttière sur le toit du monde. Le public aveuglé par la scène n’a eu de cesse de s’émerveiller par la suite.
Quelle plus belle manière pour entamer cette rencontre que d’ouvrir le dialogue par ce qu’on fait de mieux? C’est ainsi que Bélanger, qui n’avait pas encore dit un mot après deux tounes, a salué le public comme on salue un ami depuis trop longtemps perdu de vue. Sans faste ni esclandre, qu’une authentique satisfaction d’être ensemble. « Merci de vous souvenir de moi! » a-t-il lancé avec sincérité.
Comme s’il pouvait être oublié. Il y a des cd qui ont ce pouvoir magnétique d’attirer l’œil, la main et l’oreille quand on se penche sur sa discographie personnelle. Ses albums sont de ce nombre, chez moi. Rien à voir, pourtant, avec cette texture que l’artiste arrive à donner à ses tounes sur scène – les nouvelles, et celles qu’on connaît par cœur (Le Parapluie fait office de berceuse à la maison). La puissance de l’habillage musical qui nous est offert en concert et la présence de Bélanger sur scène surpasse en tout point l’expérience que l’on a de ses chansons endisquées. Cette présence particulièrement envoûtante a d’ailleurs été vivement appréciée lors de son interprétation de Te quitter – assis à l’autre bout du monde, je percevais tout de même avec fascination l’émotion qui traversait encore son regard. Si cette forte charge était feinte, elle l’était foutrement bien.
Évidemment, Le Parapluie a permis aux musiciens de se faire valoir – suscitant les applaudissement nourris des spectateurs – et au chanteur de se payer une dérape mémorable – il y est allé d’un solo de « marmonage » qui a eu tôt fait de dérider l’auditoire. Quant à sa délicieuse choriste, c’est particulièrement lors du premier rappel qu’elle a touché, alors qu’elle a fait de L’échec du matériel, avec le chanteur, un canon touchant donnant à entendre la justesse de sa voix.
Bref, entouré d’une belle équipe, Bélanger est à son meilleur, instituant un peu plus cette stature de légende qui fait de lui l’un des représentants parmi les plus dignes de la chanson québécoise.