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Appâter le touriste

Parfois j'ai l'impression qu'on ne sait plus quoi inventer pour appâter le touriste en hiver. Le maire de Sainte-Rose-du-Nord semble compter beaucoup sur le film Le Bonheur de Pierre pour attirer cet animal étrange qu'est le touriste dans le décor de la perle du fjord. Je ne sais pas pour vous, mais c'est rare que j'ai le goût de voyager quand je viens de me taper un film. Plus souvent qu'autrement, je ne remarque même pas à quel endroit on a fait le tournage. Et l'inverse est aussi vrai. Quand il me vient l'envie de faire un voyage, je ne vais pas au cinéma ou au club vidéo pour le préparer. Parce que le cinéma joue tellement de subterfuges, créant un lieu fictif en intercalant par montage des millieux totalement étrangers, que les spectateurs ont cessé de croire aux endroits qu'il voit à l'écran.

Mais ce n'est pas tout. À Percé vient d'avoir lieu une nuit du cinéma, un événement qu'on dit inédit parce qu'extérieur. On a projeté, semble-t-il, des films sur le mur de La Neigère, un bâtiment historique témoin de la conservation des morues pêchées à une autre époque. Si je ne me trompe pas, c'est un endroit qu'on peut visiter, du moins en saison estivale. La structure en bois y est d'ailleurs remarquable.

Or, voulez-vous bien me dire quel est l'intérêt d'aller se geler le cul en pleine nuit pour voir un film? Ce n'est certainement pas l'intérêt pour le film lui-même qui peut pousser quiconque à le faire. On se souviendra de l'écran de neige du Festival Regard, concept sans doute intéressant, curiosité anecdotique, mais qui n'offre ni la qualité visuelle d'un écran, ni le confort – même piètre – d'un auditorium. Se battre avec des inconnus pour garder ses orteils au bord de la cuve où flambe quelques bûches, et passer plus de temps à regarder la flamme s'approcher dangereusement de ses bottes pour ne pas passer au feu plutôt qu'à voir les films présentés…

Toutefois, les organisateurs de Regard ont prouvé depuis longtemps que le court métrage était au centre de leurs préoccupations, et les guidis touristiques comme l'écran de neige sont venus une fois l'événement consolidé, alors que les salles étaient déjà pleines à craquer et qu'il fallait trouver "autre chose" pour porter le court métrage. Quand Percé annonce que sa nuit du cinéma est un prélude pour la mise sur pied d'un festival de cinéma, on est en droit de se demander ce qui importe le plus: le tourisme ou le cinéma?

Parce que si c'est le tourisme, il faudrait plutôt faire un festival du touriste et offrir à qui veut bien se présenter de vivre des expériences pas toujours agréables mais mémorables. Quelque chose comme des gentils organisateurs en bottes de ski-doo. Ça n'empêcherait pas de faire une projection sur un mur de La Neigère. Mais ça permettrait de ne pas se perdre dans la masse de tous les festivals de cinéma qui fourmillent dans le sucre de la culture québécoise.