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La Dictée pour les nuls

Pour avoir déjà folâtré avec le milieu de l'éducation, j'observe la situation de loin en riant un peu dans ma barbe. C'est cette satanée dictée qui m'amuse le plus.

Une dictée par semaine. Pourquoi pas. Laver le cerveau des enfants. Les obliger à développer des réflexes orthographiques, des automatismes syntaxiques.

Mais non! J'ai tout faux! On parle de dictée diagnostique!

Pensons-y un peu. Si quelqu'un allait de façon hebdomadaire visiter son médecin, serait-il pour cela en meilleure santé? Non. Ce n'est pas la visite chez le médecin qui donne la santé, c'est l'exercice, les bonnes habitudes de vie, une alimentation saine.

Pour le français, c'est la même chose. Si la dictée diagnostique peut, à l'occasion, permettre de déceler certains troubles plus ou moins faciles à corriger, ciblant des difficultés particulières, son abus n'apportera rien de plus que la répétition nauséeuse d'un travail ennuyant.

Il y a toujours une poignée de pédagogues pour vanter les mérites de cette fameuse dictée, qui devrait régler tous les maux. Dans les faits, elle ne permet de vérifier les capacités de l'enfant que dans une situation aseptisée, généralement complètement déconnectée de son expérience de vie, le plus souvent vécu comme une autre tâche écrasante. Or, l'apprentissage, celui qui reste longtemps imprégné dans la mémoire, ne peut se faire qu'à condition d'être motivé de façon intrinsèque. C'est la seule clé.

C'est pour cette raison que la réforme Marois, inspirée en grande partie de la pédagogie par projet, proche des expérimentations pédagogiques de Freinet, était particulièrement intéressante. Malheureusement, elle a subi la même défaite que subira la stratégie des dictées de la Ministre Courchesne. Parce que la motivation ne doit pas être ministérielle, elle doit émaner des enseignants eux-mêmes, et bien sûr des enfants.

Si on dit de la réforme Marois qu'elle est un échec, c'est parce qu'elle n'a jamais véritablement été appliquée. Théoriquement, oui, mais pas dans les faits. Je le sais, j'y étais. Au pire, on a fermé la porte de la classe pour continuer de mettre en œuvre les mêmes pratiques. Au mieux, on a réussi à créer une espèce de magma pédagogique innommable où chacun y est allé de son propre ingrédient, détroussant à la va-vite quelques théories pédagogiques alternatives.

Le problème, c'est que plusieurs enseignants ont continué de croire à l'inébranlable efficacité de leurs méthodes antérieures (dont la dictée), engoncés dans une routine annuelle de laquelle ils ne voulaient pas déroger. Beaucoup d'entre eux n'ont fait qu'ajouter quelques projets de leur cru à un plan de cours presque inchangé, tuant du coup l'intérêt même du projet qui devrait normalement permettre à l'enfant de s'épanouir en se consacrant à ce qui le passionne. Au lieu de cela, on lui a fait faire des maquettes avec des rouleaux de papier de toilette, des jeux de rôle où il devait se prendre pour un palefrenier de la Nouvelle-France, un faux journal qui n'aura jamais sorti de la classe pour trouver des lecteurs, etc.
Si on dit de la réforme Marois qu'elle est un échec, je le répète, c'est parce qu'elle n'a jamais véritablement été appliquée. Ou parce qu'elle l'a été par une bande de ploucs mollassons qui n'y croyaient pas. Trop d'enseignants n'avaient pas la motivation intrinsèque pour la mettre en oeuvre.

Comme quoi tout est une question de motivation.