Hier soir avait lieu l'événement du Théâtre CRI pour célébrer la journée internationale du théâtre. Si on ne peut pas parler d'un succès "retentissant" – au sens où il est difficile de se faire entendre dans l'aire de restauration de Place du Royaume – la performance collective aura toutefois suscité beaucoup de curiosité au sein du public improvisé.
En tout, on estimait hier soir la participation de plus de 75 amateurs de théâtre – dont plusieurs artisans très impliqués dans le milieu, parmi lesquels Guylaine Rivard (instigatrice du projet), Dany Lefrançois, Martin Gagnon, Émilie Gilbert-Gagnon, Josée Gagnon, Josée Laporte, Moïra Sheffer-Pineault, Martin Giguère, Benoît Lagrandeur, Dario Larouche, Éric Chalifour, Pierre Tremblay, Jérémie Desbiens et bien d'autres…
Au son du magnifique brigadier – ce bâton immense utilisé pour frapper les traditionnels coups de théâtre en début de spectacle – qui avait été fabriqué pour l'ouverture officielle de la salle Pierrette-Gaudreault, tous les participants se sont immobilisés. Déambuler parmi eux donnait comme un flashback de Cashback.
Malheureusement, les textes qui ont été lus ensuite étaient difficilement audibles, étant donné le lieu choisi par les organisateurs. Pour corriger ce problème, voici les mots qui ont été déclamés.
Proclamation du Théâtre CRI et des artisans participants (10 lecteurs)
"Vous venez d'assister à une performance théâtrale organisée pour souligner la journée mondiale du théâtre. Cette courte présentation nous a permis de faire un moment d'arrêt sur le théâtre. C'est notre façon à nous de rendre hommage aux artistes de cette discipline.
Plus particulièrement, nous voulons saluer le travail remarquable des professionnels qui ont choisi d'oeuvrer ici, en région (comédiens, metteurs en scène, concepteurs, décorateurs, bisouneux, costumiers, compositeurs, coiffeurs, chorégraphes, régisseurs, techniciens, auteurs, graphistes, gestionnaires, comptables, responsables des communications), des dizaines de postes essentiels au développement de cette formidable discipline. C'est d'ailleurs grâce à tous ces artisans si le théâtre d'ici se distingue sur la scène régionale, provinciale et nationale. Bravo aux compagnies de théâtre, Les Têtes-Heureuses, La Rubrique, le théâtre CRI, le 100 Masques, le Faux Coffre, Les Amis de Chiffon, le Mic-Mac. Bravo aux collectifs d'artistes, aux Ghislain Bouchard, Hélène Bergeron, Daniel Danis, Serge Potvin, Lyne L'Italien, Hélène Soucy, Monique Gauvin et tous les autres passionnés qui produisent, chaque année, un nombre important de créations des plus originales. Nous voulons partager ce moment avec vous, cher public, en vous remerciant et en vous rappelant le rôle majeur que vous jouez sur notre évolution."
On aura aussi fait la lecture du texte écrit par Robert Lepage et qui a été lu un peu partout dans le monde pour souligner la journée internationale de théâtre. (30 lecteurs)
"Il existe plusieurs hypothèses sur les origines du théâtre, mais celle qui m'interpelle le plus a la forme d'une fable:
Une nuit, dans des temps immémoriaux, un groupe d'hommes s'était rassemblé dans une carrière pour se réchauffer autour d'un feu et se raconter des histoires. Quand tout à coup, l'un d'eux eut l'idée de se lever et d'utliser son ombre pour illustrer son récit. En s'aidant de la lumière des flammes, il fit apparaître sur les murs de la carrière des personnages plus grands que nature. Les autres, éblouis, y reconnurent tour à tour le fort et le faible, l'oppresseur et l'oppressé, le dieu et le mortel.
De nos jours, la lumière des projecteurs a remplacé le feu de joie initial et la machinerie de scène, les murs de la carrière. Et n'en déplaise à certains puristes, cette fable nous rappelle que la technologie est à l'origine même du théâtre et qu'elle ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme un élément rassembleur.
La survie de l'art théâtral dépend de sa capacité à se réinventer en intégrant de nouveaux outils et de nouveaux langages. Sinon, comment le théâtre pourrait-il continuer d'être le témoin des grands enjeux de son époque et promouvoir l'entente entre les peuples, s'il ne faisait pas lui-même preuve d'ouverture? Comment pourrait-il se targuer d'offrir des solutions aux problèmes d'intolérance, d'exclusion et de racisme, si, dans sa pratique même, il se refusait à tout métissage et à toute intégration?
Pour représenter le monde dans toute sa complexité, l'artiste doit proposer des formes et des idées nouvelles et faire confiance à l'intelligence du spectateur capable, lui, de distinguer la silhouette de l'humanité dans ce perpétuel jeu d'ombre et de lumière.
Il est vrai qu'à trop jouer avec le feu, l'homme prend le risque de se brûler, mais il prend également la chance d'éblouir et d'illuminer."
Ce fût une très belle expérience qui, je dois l’avouer, m’a troublé par son niveau de stress. Je dois admettre que j’étais très fébrile dans les minutes qui ont précédé cet arrêt (jambes molles, manque de salive, etc.). Peut-être parce que je n’étais plus dans le « confort » de la scène où les spectateurs restent sagement assis à écouter (ou faire semblant), ce qui leur est présenté…
Enfin, je voulais ajouter un petit correctif à ce billet comme quoi Georges-Nicolas Tremblay n’était pas de la partie étant soit à Montréal ou en tournée autour du globe… mais il sera de retour dans la région sous peu, entre autre pour une activité de création « De la création en danse? » ainsi que pour chorégraphier la prochaine opérette de la Société d’art lyrique du Royaume.
En effet, George-Nicolas n’était pas présent. Je ne sais pas où j’avais la tête…
En cette soirée du 27 mars, privés du mouvement, marqués du digne sceau d’un code-barre (le nouveau logo du Théâtre CRI), il m’a semblé que nous étions tous soudainement devenus des objets de consommation. Le Théâtre nous aura permi d’être solidaires des centaines de mannequins de vitrine, figés dans le temps, qui peuplent cette place du royaume de la consommation.
Pendant nos 5 minutes d’immobilisme, j’ai pu entendre quelques réactions:
-« Hey là, j’trippe pas pantoute men; chèque, j’pense que j’allucine…«
-« Y’a pas juste eux autre, y’en a d’autres là-bas, r’garde y’en a de plus en plus partout!«
-« J’aime pas ça c’qui s’passe icitte, viens-t’en, on s’en va!«
Les consommateurs se sont fait imposer le rôle de spectateurs. Observer une performance visuelle ne fût pas trop souffrant pour eux mais, en tant que rois du royaume, ils n’ont pu accepter de se fare taxer d’un texte.
Il est difficile de prendre un temps d’arrêt dans un univers qui demande à tout et à tous de fonctionner toujours plus vite.
Le théâtre a été mis sur la place publique.
Merci au Théâtre d’avoir poussé un CRI à Saguenay!!!
Sur son blogue, le metteur en scène Dario Larouche revient sur l'événement Un moment d'arrêt