Le Parti Durable du Québec, une formation régionaliste qui a vu le jour au cours des derniers mois et qui est particulièrement sensible au sort des travailleurs forestiers, élargit son champ de réflexion au système de l'éducation. Sébastien Girard propose entre autres de subventionner des écoles désirant implanter des pédagogies alternatives ou nouvelles:
« Alors que le système d'éducation québécois est critiqué et que beaucoup trop de jeunes abandonnent leurs études, il serait temps de se pencher sur une formule différente d'enseignement : les écoles alternatives.
[…]
Il faut leur offrir [aux élèves] de participer à des projets stimulants, qui sont complexes et signifiants et les faire participer activement à leur développement scolaire qui va leur permettre de faire plusieurs apprentissages et en apprécier la valeur. »
Ne décrit-on pas ainsi la pédagogie par projet, fortement inspirée par les pratiques de Freinet, qui teinte justement la récente réforme de l'éducation que plusieurs voudraient mettre à sac?
C'est bien beau, proposer une école "alternative", mais ça ne veut pas dire grand chose. Ça veut dire une école dont la structure pédagogique diffère de la norme.
Et toutes les alternatives ne sont pas bonnes. Il faut savoir de quoi on parle.
Attention, monsieur Caron. Les écoles alternatives, bien qu’il y en ait plusieurs modèles, se regroupent sous un même désir et un même système de valeur, ce qui en fait justement des écoles alternatives.
Et voici ce que ça veut dire:
http://www.repaq.qc.ca/IMG/pdf/Philosophie_de_l_ecole_alternative_quebecoise. pdf
Car oui, il faut bel et bien savoir de quoi on parle….
I
@ Marielle Couture
Le danger qui guette tout projet d’école alternative, fut-il porté par les meilleures intentions, est justement que des personnes parlent à travers leur chapeau et dénaturent la « définition » d’une école alternative.
Il me semble, et vous serez sans doute d’accord avec moi, qu’il est réducteur de restreindre l’école alternative à la pédagogie par projet. Comme le mentionne le document auquel vous faites référence dans votre commentaire, l’école alternative est – et doit être – pédocentrée, et non concentrée sur une recette, fut-elle inspirée du travail d’un grand homme comme Freinet.
Je me permets toutefois de préciser que certaines tentatives d’écoles dites « alternatives » se sont avérées non seulement infructueuses, mais dangereuses. Je me souviens vaguement d’expérimentations d’écoles libertaires qui, si elles ont eu l’effet escompté pour quelques élèves ayant une motivation intrinsèque particulièrement forte, ont percuté le mur de l’obstination de certains enfants qui n’ont tout simplement rien voulu savoir. On ne peut pas demander à tous les enfants d’avoir la maturité qu’il faut pour apprendre par eux-mêmes. Aussi, il y a eu ces écoles encore une fois dites « alternatives », parce que divergeant de la norme, mais contrôlées par des mouvements sectaires ou gnostiques. Malheureusement, les projets les plus intéressants souffriront toujours de ces écarts indésirables.
L’école alternative ne pourra jamais être la norme. Ce qui ne signifie pas qu’elle ne trouvera pas sa place dans notre société, au contraire. Seulement, elle devra toujours être unique, et concentrée sur les besoins des enfants, qui sont tous différents – je vous devine d’accord avec moi en cela, étant donné votre référence…
Ce qui me turlupine dans le programme du Parti Durable, c’est qu’on semble croire qu’une école alternative doit répondre à la pédagogie par projet. Or, la récente réforme scolaire, qui en fait ses choux gras, prouve hors de tout doute que même cette riche pratique didactique ne peut être utile pour tous les élèves – ou par tous les professeurs, peut-être.
Ceci dit, nos lecteurs seront sans aucun doute intéressés par le programme que vous tentez de mettre sur pied dans notre région. N’hésitez pas à nous en faire part.
Le terme « école alternative » porte manifestement à la confusion, confusion qu’entretiennent les défenseurs de cette idéologie en l ‘utilisant eux-mêmes pour désigner leurs idées. À la lecture du document de Marielle, par contre, aucun doute n’est possible : la philosophie qui anime ces orientations pédagogiques est franchement libertaire. Le terme « école libertaire » aurait l’avantage de la clarté.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : elle se veut une alternative à « l’école conçue en fonction d’intérêts étrangers à la réalité de l’apprenant, qui correspondent aux méthodes de production industrielle et au mode de gestion dominant ».
Les libertaires considèrent que le modèle classique de l’enseignement est au service des intérêts de la bourgeoisie exploitante en favorisant la résignation de l’étudiant au rôle social qui lui sera assigné. L’approche libertaire serait plus respectueuse de la liberté de l’apprenant en fondant toute ses orientations sur ses besoins et intérêts exprimés. L’enseignant cesse d’être une autorité qui peut imposer l’apprentissage de connaissances, mais devient plutôt un aide-accompagnant dans les projets d’apprentissage de élèves. Dans ce microcosme, il n’y a pas de compétition, que de l’entraide, pas d’échec, et le mode d’apprentissage change selon le rythme et la personnalité de chacun. Le problème avec un enseignement libertaire dans une société non-communiste, c’est que l’enfant risque d’être démuni une fois confronté au ‘vrai monde’ où la réalité est tout autre.
Le rapport Parent, dont il est question dans le document, soutenait une approche humaniste, c’est vrai, mais cette approche passait, il me semble, par une réappropriation d’un fond culturel commun, notamment au niveau des références historiques, philosophiques, littéraires et scientifiques. Bref, des connaissances qu’on se désole quand elles manquent à nos enfants, comme à chaque fois que l’on entend que « les jeunes ne connaissent pas leur histoire ». Sans vouloir retourner à l’époque des coups de règles sur les doigts, il n’est pas suprenant que plusieurs soient nostalgique d’une époque où l’enseignant inspirait autorité et où les enfants avaient encore la faculté de s’astreindre à des tâches dont ils ne percevaient pas la satisfaction immédiate.
Si la philosophie libertaire de l’éducation comporte des idées très intéressantes qui méritent que l’on s’y attarde (notamment la responsabilité de l’élève dans sa réussite (il est temps qu’on en parle), et l’idée de la participation accrue des parents et autres acteurs sociaux dans l’élaboration des projets de réussites), il faut toutefois voir les limites d’une pédagogie entièrement fondée sur ses principes.