Salut Guy,
je t’écris en réaction à ce succulent texte du Journal de Québec.
Je me permets de te tutoyer car vois-tu, l’oncle de mon amie Valérie est un de tes chums. J’avoue que c’est un peu tiré par les cheveux comme lien de proximité mais si tu savais, j’ai déjà trouvé pas mal pire par le passé pour tutoyer du monde. Pis en plus, de par ta fonction de directeur musical de CKOI, et surtout, de par ta grande influence sur tout l’univers radiophonique du Québec, tu es un peu comme le gars qui me suit dans tous les endroits publics et qui m’impose toujours les mêmes tounes stressantes.
Bref, je lisais cet article du Journal et une vieille question qui me hante depuis des années a refait surface: Pourquoi toi?
Non mais, derrière l’apparente simplicité de ma question, tu te dois de savoir qu’il y a là une profonde réflexion philosophique qui s’y cache.
Tu vois, si je me fie à la réaction générale des gens qui m’entourent, et notamment ma blonde, j’ai des drôles de goûts en matière de musique. En fait, je sais depuis longtemps que ce que j’aime ne plaît pas souvent aux autres individus. Pour dire vrai, ça m’a longtemps fait de la peine et puis, j’ai fini par vivre avec. Je te rassurerai que je me porte bien mieux depuis.
J’aurais beau m’immoler par le feu pour convaincre le monde entier que GG Allin est un des plus grands génies de la musique « pop » contemporaine, je sais pertinemment que mon combat serait perdu d’avance. Du même coup, quand même que j’essaierais de faire lever un party en faisant jouer la playlist de mon iPhone, ça ne serait pas trop long avant que tout le monde sorte dehors pour aller fumer. Y compris les non-fumeurs.
Mais toi, c’est pas pareil. À un moment de l’histoire du Québec, des gens ont conclu que tu avais du goût. Ou plutôt, que tu avais LE goût.
Fouille-moi comment on en est venu à cette conclusion-là mais un ensemble de critères mystiques qui m’échappent complètement ont fait de toi le DJ d’une collectivité. C’est pas rien. Toi, Guy, un homme comme tous les autres, tu as été promu en tant que représentant du plus grand dénominateur commun.
Ça me fascine car dans un monde comme celui de la radio, un univers réputé pour être cruel et sans pitié pour ses artisans, tu es demeuré en poste toutes ces années. J’imagine que c’est parce que tu es excellent. Ici, je ne peux qu’imaginer car je n’ai manifestement pas les mêmes goûts que toi, donc je ne peux pas apprécier ton oeuvre à sa juste valeur. Sincèrement, je trouve ça dommage. Même que, je jalouse énormément les gens qui partagent tes goûts.
J’aimerais ça aimer ce que tu aimes. Me semble que tout deviendrait plus facile. Je n’aurais plus à me taper dix nouveaux disques par semaines dans l’espoir de trouver quelque chose qui me fait tripper. Je n’aurais plus à fouiller pendant des heures afin de découvrir qui a inspiré qui, qui a inspiré l’autre, qui a inspiré un autre… Tu vois un peu l’affaire?
J’aimerais ça aimer ce que tu aimes parce je n’aurais qu’à m’ouvrir les oreilles à chaque fois que la radio joue et tout ce qu’il me resterait à faire, ça serait de me laisser gaver comme un petit bébé. On me fourrerait les oreilles avec ce gruau musical et tout serait beau. Peu importe la texture molle, le choix quasiment inexistant de saveurs et cette impression perpétuelle de déjà-vu, je serais musicalement aux anges car tu connaîtrais mes goûts.
D’ailleurs, sais-tu que je t’admire quand je lis tes grandes révélations comme : « Cet hiver, le magazine Billboard déclarait la mort du rock. C’est une réalité à la grandeur de la planète. Le Québec ne fait pas exception à la règle. »? Ou quand tu nous transmets la Vérité avec un grand v: « Le rock carré est en perte de vitesse partout. Même Nickelback a de la misère avec son dernier CD. Et pourtant, c’est un band qui jouait partout il n’y a pas si longtemps. » J’aimerais ça connaître le monde comme toi tu sembles si bien le connaître. Aussi, j’aimerais ça être dans le même party que toi. Pas en tant que DJ mais juste pour t’écouter parler du « monde ».
Sais-tu quoi Guy? Vite de même, j’ai peut-être l’air amer et méprisant mais tu te tromperais de me voir ainsi. Sérieusement.
En fait, c’est un homme effrayé que tu lis présentement.
J’ai peur que tu aies raison.
Parce que si tel est le cas, ce ne sont pas tes goûts le problème mais plutôt LE goût. Celui du « monde ».
J’ai peur de savoir ce que tu sais.
Le « monde » n’a juste pas LE goût hein?