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L’affaire Vahid Rahbani ou quand le théâtre est dangereux

NOTE : Ce texte a d’abord été publié sur une autre version du blogue Parathéâtre

Brève nouvelle publiée par mes collègues du Devoir mardi dernier: « Vahid Rahbani, jeune metteur en scène iranien diplômé de l’École nationale de théâtre de Montréal en 2009 (il a suivi le programme de mise en scène de la section anglophone), vient d’être censuré par le gouvernement iranien.  Les représentations de sa mise en scène d’Hedda Gabler d’Ibsen sont suspendues jusqu’à nouvel ordre, parce qu’on y voit un couple s’embrasser, ce qui est contraire à la morale islamique.  Les autorités accusent le metteur en scène de faire un théâtre hédoniste, qui incite à la polygamie. »

Après le cinéaste Jafar Panahi, condamné à 6 ans de prison et à l’interdiction de tourner pendant vingt ans parce qu’on l’accuse de « propagande contre le pouvoir iranien », et après l’affaire Kazemi, triste épisode de torture d’une photographe dans une prison iranienne, n’est-il pas temps que la communauté internationale se lève pour dénoncer la censure iranienne et défendre la liberté artistique?

La censure dont le metteur en scène Vahid Rahbani est aujourd’hui victime dans son pays natal me semble en tout cas  une occasion formidable pour le Québec de réfléchir et de se prononcer.  Rahbani est tout juste diplômé de l’école nationale de théâtre.  Avant de faire cette mise en scène à Téhéran, il a travaillé un peu à Toronto.  Mais on ne se défait pas si facilement de la volonté de faire de l’art dans un pays où l’art est encore un combat quotidien:  Rahbani a fondé à 19 ans sa propre compagnie de théâtre, se vouant à la création d’oeuvres en persan.  Une mission admirable, un engagement total.

La question de la censure dans une république théocratique comme l’Iran est fort complexe.  Je ne me risquerai pas à en faire ici une analyse;  je n’en ai pas les compétences.  Mais je sais qu’elle s’appuie sur une longue tradition, et qu’il faut des couilles en acier pour oser créer en toute liberté dans ce pays.  Chaque oeuvre est en fait le produit d’un savant calcul permettant de respecter les lois de la morale islamique.

D’un oeil occidental, bien sûr, la situation frise l’absurde.  Regardez la photo (magnifique) du spectacle de Rahbani. Un simple baiser. Mais la morale islamique est claire à ce sujet:  rien ne doit évoquer le plaisir charnel et aucun baiser ne sera toléré chez les couples non-mariés.  Vraiment, comment peut-on tolérer le silence du reste du monde devant une telle situation? En Iran, la communauté théatrale vient de se mobiliser.  Ici, la nouvelle a d’abord été ébruitée sur twitter par le directeur général de l’école nationale de théâtre, Simon Brault, puis relayée par la comédienne Véronick Raymond (sur son blogue), puis par Le Devoir.

Mais outre cela, pas beaucoup de déclarations enflammées, pas d’appel à la révolte, pas de témoignage d’appui au compatriote Rahbani.  Remarquez, ça viendra peut-être…

En attendant, je vous invite à lire ou à relire le plaidoyer qu’a prononcé Jafar Panahi devant ses juges.  Ça se trouve ici.  Un très beau texte.