« Pour moi, tout parti politique n’est au fond qu’un mal nécessaire, un de ces instruments dont une société démocratique a besoin lorsque vient le moment de déléguer à des élus la responsabilité de ses intérêts collectifs. Mais les partis appelés à durer vieillissent généralement assez mal. Ils ont tendance à se transformer en églises laïques hors desquelles point de salut et peuvent se montrer franchement insupportables. À la longue les idées se sclérosent, et c’est l’opportunisme politicien qui les remplace. Tout parti naissant devrait à mon avis inscrire dans ses statuts une clause prévoyant qu’il disparaîtra au bout d’un certain temps. Une génération? Guère davantage, ou sinon, peu importe les chirurgies plastiques qui prétendent lui refaire une beauté, ce ne sera plus un jour qu’une vieillerie encombrant le paysage politique et empêchant l’avenir de percer. » – René Lévesque, Attendez que je me rappelle…, 1987, p. 290
Après des mois à tenter d’ouvrir une fenêtre électorale (après deux blitz d’annonces économiques et un débat sur la « laïcité »), les sondages d’opinion sourient enfin au gouvernement de Pauline Marois. Le Québec se dirige donc, irréversiblement, vers une campagne électorale printanière. L’Assemblée nationale faisant relâche pour deux semaines, la plupart des commentateurs et des analystes anticipent, suite au dépôt du second budget Marceau (exercice pour la forme, sans réels crédits), le déclenchement de nouvelles élections dans la deuxième semaine de mars. Comme il arrive bien souvent dans pareille situation, les projets de loi qui étaient à l’étude au moment de la dissolution de la Chambre « meurent au feuilleton », détruisant ainsi des mois – voire des années – de préparation, d’études et de réflexion. C’est notamment le cas du projet de loi sur le droit à « mourir dans la dignité », piloté par la ministre Véronique Hivon et qui a fait l’objet d’un travail trans-partisan exemplaire, dont on aimerait qu’il inspire plus souvent nos élus, porté par les gouvernements successifs de Jean Charest et de Pauline Marois. Alors que le projet arrivait enfin à son terme, ce dernier passera visiblement à la trappe, le calendrier étant bousculé par la volonté du gouvernement d’en découdre au plus vite avec le PLQ et de déclencher une élection au moment où Philippe Couillard peine encore à définir les contours de son discours politique.
Le spectacle partisan auquel se sont livrés cette semaine les élus des deux côtés de la chambre était plus qu’affligeant et nous rappelait avec encore plus d’acuité la vétusté de notre système parlementaire. On a pu voir le leader du gouvernement nous exposer à quel point il était outré de l’attitude de l’opposition qui refusait de précipiter l’adoption du projet de loi, échouant du même coup à nous expliquer pourquoi son parti tient à dissoudre la chambre à ce moment-ci, alors qu’aucun blocage parlementaire, qu’aucune nécessité politique (sinon son propre profit électoral) ne justifie la précipitation à vouloir aller se soumettre au suffrage des électeurs. Pire, le Parti Québécois contrevient à l’esprit de sa propre loi sur les élections à date fixe, loi adoptée sous le principe que les élections « appartiennent à la population » et qu’elles doivent « servir l’intérêt démocratique, pas l’intérêt du parti au pouvoir » (dixit Bernard Drainville, 2012).
En situation minoritaire, il était fort à parier que le gouvernement aurait tôt ou tard été renversé par les partis d’opposition, ou contraint à déclencher un scrutin devant un blocage parlementaire persistent. Or, nous sommes loin de nous trouver présentement devant un tel cas de figure : la CAQ de François Legault stagne à 15%, alors que le PLQ, miné par le départ de Fatima Houda-Pepin et le manque de résolution de son chef, tire de l’arrière dans les sondages. Aucun des deux partis d’opposition n’a d’intérêt, à ce moment, à forcer la tenue d’un scrutin printanier. Le gouvernement avait donc le devoir moral de respecter, sinon la lettre, du moins l’esprit de sa propre loi et, plutôt que de chercher à chauffer la fournaise de la locomotive électorale, travailler à faire adopter les importantes pièces législatives (mourir dans la dignité, création de l’inspecteur général de Montréal) qui attendent encore d’être sanctionnées. Mais qui se soucie encore de morale politique, alors que la majorité est à portée de la main?
Quant à Philippe Couillard, ses actions des dernières semaines ne font que contribuer à miner sa stature de chef de parti et de premier ministre en attente, lui qui est incapable non seulement d’articuler un message clair et cohérent, mais de servir une réplique crédible et constructive au gouvernement de Pauline Marois. Qu’en aurait-il coûté au Parti libéral de légèrement compresser le temps de parole de ses députés afin de faire adopter le projet de loi de Véronique Hivon? Pourquoi répondre à l’électoralisme du PQ par la petitesse partisane, par des jeux de coulisse parlementaires? Si le parti gouvernemental est incapable d’assumer une certaine posture politique qui dépasse ses seuls intérêts électoraux immédiats, il était du devoir de l’opposition de s’élever au-dessus de la mêlée et de faire adopter ce projet de loi, adoption qui lui aurait permis du même coup de souligner l’électoralisme du parti au pouvoir. Plutôt que cela, Philippe Couillard s’est fendu d’une sortie publique plus que surprenante lors de la présentation du budget Marceau, affirmant que son parti était non seulement prêt à voter contre le budget, mais à renverser le gouvernement et partir en élections! Erreur d’autant plus grotesque que la seule posture politiquement viable était celle de dénoncer, précisément, les velléités électorales du PQ, de tendre la main au gouvernement afin de faire fonctionner le parlement et de se positionner ainsi comme le parti qui représente véritablement les « intérêts » des électeurs, qui sont loin de souhaiter un scrutin hâtif et injustifié, qui nous en coûterait, collectivement, plus d’une centaine de millions de dollars…
Nous vivons dans une petite démocratie. Une démocratie minée par un système bipartisan archaïque et non-représentatif (le gouvernement n’a à peine récolté que 32% des voix), dans lequel deux vieux partis enfermés dans leurs réflexes partisans se disputent le pouvoir depuis plus de quarante ans. Une petite démocratie par la bassesse de ses débats, qui sont bien souvent nourris par le populisme ambiant – est-il besoin de revenir sur six mois de débat sur la Charte pour s’en convaincre? – et dont les élus, manquant singulièrement d’envergure et de sens de l’État, sont prêts à dire tout et son contraire, à fouler les principes de leurs propres lois, afin de maintenir leur formation politique au pouvoir. Où est la grandeur? Où est le désir de se mettre au service de la cité, d’un idéal plus grand qui n’est pas cette version pastichée de l’indépendance nationale, par exemple, que l’on agite comme un hochet afin de rallier les militants en temps d’élections… La crise de 2012 nous avait démontré de façon éclatante, par l’entêtement du gouvernement et l’adoption de la loi spéciale, les limites du parlementarisme britannique tel que nous le vivons au Québec. Nous aurions pu espérer que, fort du mouvement politique et populaire qui avait traversé notre société, le gouvernement Marois aurait tablé sur cet élan afin de transformer durablement nos institutions démocratiques. Au contraire, une fois parvenu dans les banquettes du pouvoir, il n’a fait que chercher à conforter sa position, en employant la panoplie habituelle des artifices partisans (annonces économiques pré-électorales, wedge politic sur la Charte, etc.). Au-delà des transformations cosmétiques, force est de constater qu’il nous faudra encore attendre afin de trouver ceux et celles qui sauront faire revivre notre démocratie et lui insuffler, enfin, un peu de grandeur…
« En situation minoritaire, il était fort à parier que le gouvernement aurait tôt ou tard été renversé par les partis d’opposition, ou contraint à déclencher un scrutin devant un blocage parlementaire persistent. Or, nous sommes loin de nous trouver présentement devant un tel cas de figure : »
(1)
Le reel c’est que l’opposition voulait defaire le gouvernement sur le budget.
Le PLQ s’opposait d’avance et la CAQ avait des exigeance tel que ca revenait a s’y oppose au depart.
C.est as vrai que le gouvernement doit laisser le soin a l’opposition de choisir quand il sera defait.
Evoquer ca a meme pas de bon sens.
(2)
Le reel c’est qu’apres la taxe santé, loi 14 qu’on vidait de sa substance …
loi 60 qu’on egrainerait ….
Je suis tanne du marchandage partisan, de la petite politique, ….
Serieusement après l’affaire Breton … ou en ecoutant la commission parlementaire on se rend compte que les liberaux meme en voyant les propos de Breton etre corrobore continue …
Je pense que Pauline fait bien d’y aller tout de suite …. quand c’est rendu que l’assemblee nationale se transforme en tribunal.
(3)
Anyway …
Moi je veux un gourvement majoritaire du PQ.
Ceux qui me parlent que les elections ils en veulent pas … moi je soupconne ces gens d’etre partisan de la CAQ, du PLQ ou de QS ….
C’est sur que Legault aura de la misere a recruiter avec la diminution dans les sondages …
Les liberaux devienne le parti des anglo pis de federalistes du statu quo …. avec meme pas 20% du vote des francophones … c’est sur que couillard dans Roberval …
Et Francoise David meme pas capable d’accepter des commentaires sur son blogue et qui tente de limiter les debats a l’interne sur la laicite … c’est sur qu’elle veut pas d,une election sur la charte.
(4) Moi j’invite les internautes a se mefier du spin de ceux qui se presente comme vertueux …
Quand leur parti sera en avance dans les sondage ils nous diront que c’est la le bon moment .
« Le reel c’est que l’opposition voulait defaire le gouvernement sur le budget. »
Le réel, c’est que ni le PLQ, ni la CAQ n’ont intérêt à renverser le gouvernement.
La solution possible ? Voter contre mais avec suffisamment d’absent pour que le budget passe. Tactique utilisée maintes fois dans le passé quand les partis d,opposition ne voulaient pas renverser un gouvernement minoritaire.
Vous en doutez et vous êtes convaincus qu’ils auraient quand même renverser Marois ? Alors pourquoi ne leur laisse-t-elle pas l’odieux de déclencher les élections ?
Cela lui permettrait en plus de ne pas trahir sa promesse formelle d’enlever au PM le privilège royal de choisir seule la date des élections selon ses intérêts bassement partisans. Comme de ne pas trahir ses beaux discours électoraux sur la « démocratie », l’esprit de sa loi 3 et la lettre comme l’esprit du projet de loi 496 présenté par Amir Khadir et adoptée en première lecture le 20 octobre dernier en attendant son adoption définitive.
« Anyway…
Moi je veux un gourvement majoritaire du PQ. »
C’est pas mal évident depuis que je vous lis.
Et malheureusement, il semble que ce désir passe avant tout.
Maintenant que la date des élections est inscrite dans la Loi électorale, le lieutenant-gouverneur a une alternative : ne déclencher les élections que si le gouvernement a été défait. Quoi qu’on pense de la monarchie constitutionnelle, il faut faire en sorte que le lieutenant-gouverneur ne cautionne pas le geste antidémocratique du gouvernement en lui écrivant, ainsi qu’il est proposé dans facebook.com/PasdElectionsAvantLeVoteSurLeBudget .
La première ministre compte invoquer l’éventualité du rejet du budget pour demander au lieutenant-gouverneur de dissoudre la législature. Cette manœuvre est antidémocratique. C’est un abus de pouvoir, puisqu’ainsi le gouvernement retire à la majorité de l’Assemblée nationale son droit de le défaire ou non. Car il est impossible de savoir si le gouvernement sera renversé s’il soumet son budget au vote. Les partis d’opposition peuvent voter contre, pour la forme, tout en orchestrant les absences des membres de leurs caucus respectifs pour que le résultat ne mène pas à des élections générales.
Transmettez cette lettre (voir les coordonnées sur https://www.facebook.com/PasdElectionsAvantLeVoteSurLeBudget/info)
Lettre à l’honorable Pierre Duchesne, lieutenant-gouverneur du Québec
Votre Honneur,
La Loi électorale québécoise a été modifiée le 14 juin 2013 pour introduire le principe des élections générales à date fixe. Elle prévoit que le prochain grand rendez-vous électoral aura lieu le 3 octobre 2016. Cette modification législative n’a pas eu pour effet de retirer le pouvoir qu’a le lieutenant-gouverneur de dissoudre la législature, dans le cas où un gouvernement aurait perdu la confiance de l’Assemblée nationale lors d’un vote important, tel qu’un vote sur le budget.
Tout récemment, la première ministre, l’honorable Pauline Marois, a plusieurs fois fait part de son désir de déclencher des élections bien avant la date prévue par la Loi. Parmi les possibilités qu’elle envisagerait se trouve la voie suivante : invoquer l’éventualité de voir son budget rejeté pour vous demander la dissolution de la législature, et ce, sans qu’elle ait encore perdu la confiance de l’Assemblée nationale.
Cette manœuvre priverait la majorité des membres de l’Assemblée nationale du droit de décider si des élections doivent avoir lieu. Or, la décision de l’Assemblée nationale, combinée à celle du lieutenant-gouverneur, sont les seuls remparts démocratiques évitant le détournement des règles régissant les élections à date fixe.
Les intérêts qui guident la première ministre sont clairs : elle veut profiter de l’avantage que lui donne le choix d’une date, avantage partisan que l’instauration des élections à date fixe devait faire cesser. Le parti gouvernemental ne peut prétendre que son statut minoritaire l’empêche de gouverner. Les 41 projets de loi qu’il a soumis au vote ayant tous été adoptés, nous sommes bien loin d’une paralysie qui serait imposée par les partis d’opposition.
Dans un tel contexte, accepter la demande de la première ministre, alors qu’elle peut encore gouverner, retirerait du pouvoir à l’Assemblée nationale et pourrait semer le doute quant à l’impartialité du lieutenant-gouverneur. En effet, celui-ci accorderait l’avantage au parti gouvernemental sans y être contraint, ni par la Loi électorale, ni par un vote de l’Assemblée nationale.
En conséquence, je vous encourage à ne pas cautionner cet abus de pouvoir du parti gouvernemental. Le lieutenant-gouverneur ne devrait pas porter la responsabilité politique de ce procédé antidémocratique. Ainsi, il devrait refuser de déclencher des élections générales dans ces conditions.
J’ai la conviction que le fonctionnement de la démocratie vous tient à cœur, et j’estime que mes attentes coïncident avec votre rôle, qui est d’être le gardien de la légitimité et de la continuité de l’État. La population québécoise ne doit pas perdre ce qui lui reste de confiance envers la démocratie.
Je vous prie d’accepter, Votre Honneur, l’expression de mes sentiments distingués.
Remarquable intervention de votre part avec ce billet d’une rare lucidité et bon sens, Monsieur Brisson!
La politique ne vous intéresse-t-elle pas un peu? Pour y faire un petit bout de carrière peut-être?
Vous seriez le candidat du renouveau prometteur si vous pouviez alors agir comme vous venez ici d’écrire…
La citation de René Lévesque est tout à fait à propos. Il faut arrêter de voir le PQ comme un parti progressiste ou encore indépendantiste. Il s’agit à la base d’un parti de pouvoir comme l’était avant lui l’Union nationale et comme l’est le Parti Libéral du Québec. Leur nationalisme ne sert que leur maintient ou leur accession à ce pouvoir. Et, avoir les commandes ne sert qu’à gérer un État provincial et ces jeux de coulisse. Tous les gouvernements successifs le font avec une considération variable pour les intérêts de la population, dépendamment de la conjoncture. Leurs intérêts priment la plupart du temps.
Pour le PQ, ça se traduit par une opposition au Gaz de schiste, mais un appui 12 mois plus tard au pétrole de shiste. Ou encore, par une mise de l’avant d’un nationaliste civique ou une version très large de l’identité versus une conception nationaliste étrinquée, voir néo-ethnique (dans le sens où le Nous est tous les Québécois d’avant les années 2000 contre les nouveaux émigrants arabo-musulmans). On est moins dans la nécessité, mais bien dans l’instrumentilisation des problèmes possibles.
« Ceux qui me parlent que les elections ils en veulent pas… moi je soupconne ces gens d’etre partisan de la CAQ, du PLQ ou de QS…. » Ian.
Je vote Québec solidaire. Est-ce que je m’oppose aux élections? Pas vraiment. Bien que je trouve que dans la joute politique, le PQ est très habile, comme l’a été Jean Charest en 2008, je trouve leur politique très dommageable. Elle l’est étant donné qu’elle est faite que pour gagner des élections et non pas pour le bien commun ou les intérêts supérieurs de la nation.
Je vais suivre ces élections. Je vais essayer de participer au débat et essayer de convaincre que les idées et la vision de QS est la meilleure.
Penser que les électeurs en-dehors du PQ ne veulent pas d’élection, il faut vraiment être un partisan du PQ pour penser ça!