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Pour en finir avec une erreur de logique médiatique

Certains professionnels du monde journalistique doivent apporter un correctif à leur argumentaire. Dans le dossier des déficits actuariels, certains font un raccourci intellectuel notoire.  Qui doit payer pour les déficits actuariels des fonds de pension? Et puis la réflexion simpliste arrive. Un spécialiste des communications fait fausse route : « Pourquoi des gens sans fonds de pension devaient payer le déficit de ceux qui en ont un?»

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Voilà, c’est fait. Marquer l’imaginaire populaire par une phrase du genre, est-ce manquer de connaissances ou est-ce manquer de logique? Peu importe la réponse, voilà une erreur à éviter.

Avant d’argumenter davantage, deux petites lectures préalables :

Le déficit actuariel pour les nuls

et

Un vol subtilement négocié

Maintenant, qui sont les parties prenantes? En fait, il y en a plusieurs. Pour le déficit actuariel des employés municipaux, on pourrait compter :

–          Les employés actifs contribuant au fonds de pension : est-ce que leurs contributions actuelles doivent payer un déficit actuariel passé d’employés déjà retraités?

–          Les employés retraités bénéficiant d’une rente supérieure à l’actif de la caisse associé à leur part : On leur a promis un salaire en échange de cotisations. Doivent-ils payer pour les erreurs d’hypothèses actuarielles du passé? En somme, ils sont favorisés par la situation, mais est-ce vraiment leur faute?

 –          Les conjoints survivants bénéficiant de la totalité ou d’une portion d’un fonds de pension d’un conjoint décédé : Un  régime à prestations déterminées permet de léguer une partie ou la totalité de la rente au conjoint survivant. Cette personne bénéficie de la rente du conjoint. Est-ce que les conjoints survivants devraient payer davantage?

–          Les héritiers d’employés décédés bénéficiant d’un actif généré par le fonds de pension : La prestation assurée a pu permettre à un héritier de bénéficier d’un héritage issu des placements effectués avec les prestations de retraite.

–          L’employeur (la ville ou les contribuables fonciers et bénéficiaires des services municipaux connexes.) : Ceux qui ont le fardeau actuel des dépenses de la municipalité ou de la ville ont-ils pris des congés de cotisation antérieurement ? Si tel est le cas, une partie du déficit actuariel est peut-être lié à cette situation. De plus, les citoyens ont bénéficié de services dont une partie du paiement était à faire dans le futur. Est-ce que les élus ont été assez responsables ou informés pour comprendre les implications des décisions sur les engagements futurs de la municipalité ou de la ville?

–          Les paliers de gouvernement bénéficiant d’impôt des prestations de retraite : Les régimes à prestations forcent les retraités à déclarer un revenu de retraite annuellement. En effet, les prestations reçues par le retraité sont imposées. Pour sa part, un contribuable ayant un fonds de pension autogéré peut décider du moment du retrait des placements, et donc minimiser parfois la retenue d’impôt.

 

Certaines questions sont pertinentes :

–          Qui doit payer?

–          Combien?

–          Dans quelle proportion?

–          Qui sera perdant?

–          Qui sera gagnant?

–          Qui doit faire des compromis?

–          À qui la faute?

–          Comment ne pas revivre cette situation éternellement?

–          Doit-on revoir la formule même de la retraite assurée?

–          Que faire pour l’avenir?

–          On pénalise qui au détriment de qui ?

–          Les hypothèses actuarielles futures exigent-elles une augmentation drastique des contributions?

–          Est-ce que l’on devrait donner davantage de liberté à l’employé pour la gestion de sa retraite? (En comprenant qu’il y a un risque important de mauvaise gestion individuelle associé à cette mesure)

–          Etc.

En prenant en compte l’intégralité de la problématique, on comprend que la réponse n’est pas simple. Pourtant, certains affirment encore que ceux qui n’ont pas de fonds de pension ne devraient pas payer pour ceux qui en ont un.

Attention, ceux qui payent des taxes ont des services en retour. Le fait d’offrir un fonds de pension aux employés d’une ville est une forme de rémunération. On offre alors l’option à l’employé d’être payé en partie plus tard pour son travail actuel. Dans un monde idéal, la rémunération globale est équivalente, pour une même tâche peu importe la présence ou non d’un fonds de pension.

On ne dit pas en achetant un iPhone : « Les employés d’Apple ne devraient pas être bien payés, puisque je ne suis pas bien payé et que je consomme un téléphone intelligent ». C’est une erreur d’argumentaire importante.

Pourtant, on ne se gêne pas pour dire : « On ne devrait pas payer pour un fonds de pension d’autrui quand on n’en a même pas soi-même ».

Deux erreurs logiques surviennent à ce point :

1)      Ce n’est pas parce qu’un utilisateur n’a pas de fonds de pension qu’il ne doit pas payer la totalité du coût de son service.

2)      Le fonds de pension est un paiement différé d’un frais qui n’a pas été déboursé par le passé.

 Une solution difficile

Il n’y a pas de bonne réponse à savoir « qui devrait payer les déficits actuariels passés? » Cette question générera automatiquement des injustices pour une ou plusieurs parties prenantes. Nous avons collectivement fait une erreur passée et il y a un prix à payer. Par contre, il est du devoir journalistique de bien divulguer l’information et de ne pas jouer le pantin de l’une des parties prenantes. Ce débat de société démontre que la capacité de se projeter dans l’avenir n’est pas chose facile pour un gouvernement. Ainsi, prendre des décisions actuelles pour un futur incertain augmente la volatilité financière du résultat.

Le noir et le blanc ne sont pas des couleurs indiquées pour traiter une réalité complexe. Le gris correspond à un bien meilleur choix. Donc, un peu de gris dans la divulgation de l’information ne ferait-il pas le plus grand bien ?