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Ward, Nantel et la liberté d’assurance

Non, je ne vous parlerai pas de liberté d’expression. Je laisse cela à ceux qui sont Charlie à temps partiel. Parlons plutôt d’assurances. Non, non, n’arrêtez pas de lire tout de suite, vous allez voir, ça sera peut-être sympathique parler d’assurance. Il faut juste avoir l’esprit ouvert. C’est une forme de liberté d’expression de parler d’argent.

Qu’est-ce qu’un assureur? C’est une société qui accepte de souscrire à un risque en échange d’un montant d’argent. Plus le risque est élevé, plus la somme d’argent exigée en échange de la couverture est importante. Jusqu’ici, c’est relativement simple.

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(Photo: Page Officielle de Guy Nantel)

Quand on est du genre à déjà avoir eu des problèmes ou à être grandement exposé à ceux-ci, les assureurs sont plus frileux avec soi. Prenons l’exemple de l’assurance automobile. Si vous comptez dans votre dossier de conduite 203 accidents responsables, il se peut qu’un assureur refuse de vous assurer. Il vous interdira la liberté de conduire selon son contrat habituel. En somme, le contrat a une espérance mathématique de perte trop élevée. Peut-être qu’un assureur acceptera de vous assurer, mais il vous chargera une surprime importante. Donc, l’assureur est prêt à prendre un risque proportionnel à sa rémunération.

Comme dans le cas de votre assurance habitation, le prix pour couvrir une maison moyenne dans une région donnée peut varier. Pourquoi? On analyse le risque. Par exemple, on débute avec un prix de départ, mais on se rend compte qu’il n’y a pas de clapet antiretour, pas de drain français, que l’électricité n’a pas de système de mise à la terre et que vous avez déjà eu quatre réclamations chez votre ancien assureur. À ce moment, vous êtes plus à risque. Il se peut que l’assureur refuse de vous assurer ou vous exigera une surprime (un montant supplémentaire). Autre possibilité, il mettra des exclusions au contrat. C’est-à-dire qu’il ne couvrira pas certains dommages de diverses natures. Il peut aussi plafonner la couverture pour certains dommages. Par exemple, couvrir un maximum de 5000 $ de bijoux en cas de vol.

Faisons le parallèle avec le cas qui nous concerne. Disons que le Gala Les Olivier s’est assuré pour couvrir le coût des éventuelles poursuites liées  au contenu de celui-ci. Les gestionnaires du Gala Les Olivier optent pour l’assureur offrant le meilleur prix (logiquement) par rapport à la couverture désirée. Si, dans le contrat avec l’assureur, il est écrit que l’assureur pourra analyser le contenu des sketchs, il est normal qu’il y ait un droit de regard sur le contenu. L’assureur confie la lecture des numéros à son avocat dédié à la révision. Pour minimiser son risque, l’assureur relève la liste des séquences pouvant poser un problème. Question de maintenir le prix de base ou la couverture des assurances, les gestionnaires du  Gala Les Olivier demandent aux humoristes de revoir certains passages. Si le Gala refuse, les clauses du contrat peuvent être changées.  Par exemple :

  • Hausse potentielle de la prime d’assurance;
  • Non-couverture en cas de poursuite sur un numéro;
  • Augmentation des restrictions;
  • Résiliation du contrat;
  • etc.

En somme, tout est possible, il faudrait lire le contrat d’assurance avant de spéculer.

Aussi, n’oublions pas que Mike Ward, avec l’histoire de Jeremy Gabriel, peut être considéré plus à risque que d’autres humoristes. Comme dans n’importe quel contrat d’assurance, les personnes les plus à risque payent plus cher. Par exemple, au nom des statistiques passées, je payais plus cher mes assurances sur mon permis de conduire que ma sœur parce que j’étais un homme de 18 ans. Ce n’était pas considéré de la discrimination sexuelle, c’était simplement une question de gestion de risque.

Alors, demander à Guy Nantel et Mike Ward de modifier leur texte, est-ce vraiment une question de liberté d’expression, ou une question financière? Plus la liberté d’expression représente un risque, plus le coût de l’assurance sera élevé.

La véritable question : est-ce que le Gala Les Olivier est trop « cheap » ou « cassé » pour payer la prime d’assurance pour avoir un gala où la liberté d’expression est totale peu importe les humoristes? Est-ce qu’un autre assureur aurait voulu prendre ce risque à un plus faible coût?

La réalité, c’est qu’on n’est pas dans un débat sur la liberté d’expression. On est face à un débat sur la capacité ou la volonté de payer d’un gestionnaire de gala d’humour. Le débat sur la liberté d’expression et sur la liberté d’assurance se confondent. Un humoriste n’a pas de clapet antiretour.

Peu importe la réalité, toute cette saga est de la publicité gratuite pour le Gala Les Olivier. Ça aussi, c’est économique. On est rendu là.

À lire aussi: Simon Jodoin  –  Gala des Olivier, Mike Ward et Guy Nantel: Le coût du risque

À écouter aussi: Pierre-Yves McSween sur le même sujet au 98,5 FM