Destination quartier : Saint-Laurent / Beaubien: le terrain de jeu de Martin Juneau
Vie

Destination quartier : Saint-Laurent / Beaubien: le terrain de jeu de Martin Juneau

Avec quatre commerces dans le même quadrilatère, le restaurateur Martin Juneau redonne vie à un secteur longtemps oublié.

Autrefois désertée, voire malfamée par endroit, l’intersection Saint-Laurent et Beaubien est devenue l’un des coins les plus courus de Montréal en moins de cinq ans. À quoi doit-on une telle métamorphose? À l’arrivée progressive de jeunes entrepreneurs audacieux et visionnaires. Les instigateurs du mouvement sont sans équivoque le restaurateur Martin Juneau et son partenaire d’affaires Louis-Philippe Breton qui ont ouvert le Pastaga (6389, boul. Saint-Laurent) en décembre 2011, alors qu’il était encore dur d’imaginer le moindre potentiel à ce segment de la Main. «Quand on est arrivés dans le quartier, se remémore Martin, il n’y avait rien. Il y avait des locaux abandonnés, des crack houses et seulement une galerie [Yves Laroche].»

Avec son décor épuré, sa cuisine à la fois surprenante et réconfortante et son envieuse sélection de vins nature, le Pastaga est rapidement devenu un incontournable restaurant de quartier et de destination, attirant les Montréalais du secteur et d’ailleurs. «Je crois que les restaurants ont le pouvoir de changer un quartier. Le plus beau compliment qu’on pouvait me faire au début était de me dire que depuis que j’étais arrivé, il n’y avait plus de places de stationnement!», se rappelle Martin en riant.

Amis de longue date, Martin et Louis-Philippe ont travaillé ensemble dans les cuisines du premier resto de Martin, la feue Montée de lait, puis dans celles du Newtown où il était devenu chef exécutif. «Si je suis le visage de l’entreprise, Louis est la colonne vertébrale, compare-t-il. On se complète ensemble, là est notre force.» À la suite du succès du Pastaga, c’est un petit local coin Beaubien et Saint-Dominique, autrefois occupé par une fruiterie, qui a attiré l’attention du duo.

Les habitants du quartier – dont Juneau a longtemps fait partie – ne s’identifiant pas à certains de ses commerces, Martin et Louis-Philippe ont eu l’idée d’ouvrir une petite épicerie qui répondrait vraiment aux besoins de la communauté. Une communauté riche et colorée, car bien qu’on pense d’emblée aux Italiens en raison de la proximité de la Petite-Italie, le secteur est encore plus fréquenté par des populations latino-américaines.

C’est ainsi qu’est né Le petit coin (45, rue Beaubien Est) au début de l’année 2015. Dans le petit espace rassembleur, on trouve de tout, des avocats au foie gras en passant par les préservatifs. Les essentiels, quoi. Comme promis, c’est le quartier qui décide des produits qu’on retrouvera sur les étalages. «Il n’y a rien de plus beau que de se faire dire par un résident du coin que sa vie a changé pour le mieux grâce à mes commerces», se réjouit Martin. S’il était maire, on saluerait la tenue de ses promesses. Et c’est un peu ce qu’il rappelle en déambulant dans la rue, saluant les uns, serrant la main des autres.

La famille a continué de grossir durant l’année alors que Martin et Louis-Philippe ont mis au monde le Cul Sec (29, rue Beaubien Est) – un bar à vin suivant le principe de caviste qui n’a rien de moins que révolutionné les habitudes de consommation des buveurs de vin environnants – et ont donné un toit à Monsieur Crémeux (43, rue Beaubien Est) – leur sympathique camion de crème glacée – un peu plus loin sur la rue, à côté du populaire Moustache café (35, rue Beaubien Est). «C’est très drôle d’avoir le Moustache à côté de Monsieur Crémeux, dont le logo est un cornet de crème glacée à moustache qui fond!», remarque Martin, amusé. «C’est un logo de Jason Cantoro, un artiste hyper en demande sur la scène d’art contemporain de Montréal, qui est dans notre réseau. Car c’est aussi ça, la richesse du quartier, les liens qui se tissent entre les gens, autant avec les artistes, que les fournisseurs, etc.»

Oui, le coin Saint-Laurent / Beaubien est aujourd’hui devenu un fleuron commercial du Mile-Ex, appellation que Martin préfère à Petite-Patrie, qu’il trouve trop vaste. «Le Marché Jean-Talon, qui est le cœur d’où on est situé, donne lieu à une belle culture, estime-t-il. Plein de petits commerces ouvrent autour de lui, c’est un peu tentaculaire.» Martin et Louis-Philippe sont d’ailleurs étroitement impliqués dans l’Association des gens d’affaires du Mile-Ex, un conseil citoyen prenant des décisions pour le développement économique du quartier conjointement avec l’Arrondissement. Leurs quatre établissements leur donnent un poids considérable lors des prises de décision, les rendant ainsi très influents.

Alors que les artères commerciales de Montréal les plus connues connaissent pour la plupart des jours très sombres, de petits bouts de rue comme celui-ci sont pour leur part en plein essor. «C’est vraiment stimulant de faire partie de cette période de transformation, reconnaît Martin. Les gens croient que c’est la Main le cœur du quartier, mais pour moi, c’est la rue Beaubien, car c’est là que les gens vivent. En été, les fenêtres du Cul Sec, du Gus (38, rue Beaubien Est) et du Notre Dame Des Quilles (32, rue Beaubien Est) sont grandes ouvertes, on entend les clients rire lorsqu’on se promène. Et c’est ça que devrait être un quartier, selon moi», conclut-il.