Le chef aux talents de peintre
Restos / Bars

Le chef aux talents de peintre

Dans ses assiettes, les oeuvres de Riopelle, Leduc, Lemoyne ou Dallaire prennent vie. Pour Jean-Pierre Cloutier, chef au Restaurant du Musée, les légumes tiennent lieu de tubes de couleurs.

Cela fait maintenant 17 ans qu’il officie en cuisine dans le superbe cadre du Musée national des beaux-arts du Québec. Et après tout ce temps, Jean-Pierre Cloutier se sent toujours aussi inspiré. «J’ai la chance d’être stimulé par toutes les expositions qui roulent au musée. J’aime m’asseoir avec les commissaires responsables des expos pour discuter de ce que je pourrais faire au restaurant afin de faire vivre une expérience complète aux clients. Je m’amuse avec des thématiques en lien avec l’art à l’affiche; par exemple, j’ai travaillé les saveurs mexicaines pour accompagner l’expo sur Frida Kahlo, et celles russes pour l’événement sur les Ballets russes.»

Pour le chef, l’art est une source d’inspiration constante. Non seulement il en est entouré, mais il tient à transposer l’idée des oeuvres dans l’assiette. Jean-Pierre Cloutier ne fait pas que reproduire le visuel d’une toile. «Je m’intéresse aussi à l’histoire de l’artiste, à sa philosophie. Par exemple, il y a un déséquilibre dans les toiles de Jean Paul Lemieux, ses personnages sont décentrés et la ligne d’horizon est lointaine. Il exploite la notion d’infini et je suis parti de ce concept pour créer des plats déséquilibrés.»

Il n’y a pas que le visuel qui importe; le goût des plats inventés par Jean-Pierre Cloutier est lui aussi inspiré des oeuvres qui touchent le chef. «J’ai eu l’idée une fois de créer une recette de perdrix farcie à partir de la toile Espagne de Riopelle. La viande de bois rappelle la thématique des oiseaux chère à l’artiste.» Parmi les peintres qui l’enthousiasment, notons Marc-Aurèle Fortin, Serge Lemoyne et Clarence Gagnon. «Oui, ça va dans des directions totalement différentes! Mais ce sont tous des artistes québécois ou canadiens, qui font partie de la riche collection du MNBAQ.» Et s’il avait un souhait de chef à formuler? «J’aimerais beaucoup collaborer avec BGL [un collectif de Québec qui représentera le Canada à la prochaine Biennale de Venise en 2015].»

Au moment de l’entrevue, Jean-Pierre Cloutier se consacrait à une nouvelle expo à l’opposée des peintres québécois : les miniatures de l’Inde. Pour l’occasion, il se concentre sur les épices et sur les couleurs vives. «Je veux inviter les gens au voyage, interpeller tous les sens. Bien sûr, il y aura du thé au menu!»

L’art n’est pas que sa seule source d’influence. Les produits locaux et la saisonnalité sont aussi au coeur de sa cuisine. «Ma vision de la cuisine, c’est qu’il faut faire preuve de simplicité, se concentrer sur des ingrédients principaux et mettre en valeur leur fraîcheur, sans les dénaturer. Je fais une cuisine de proximité et c’est une fierté d’indiquer sur la carte avec quels producteurs je travaille.»

S’il est un endroit pour bien savourer la cuisine de Jean-Pierre Cloutier, ce serait la terrasse du Restaurant du Musée, l’une des plus belles et des plus méconnues en ville. Si l’automne est clément, on aura jusqu’en octobre pour en profiter.