C’est bien connu, au restaurant Les Frères de la Côte, la grande stabilité de l’équipe a contribué à créer un environnement familial auquel clients et employés s’identifient depuis des années. Alors que plusieurs serveurs animent la salle à manger depuis 28 ans, ils sont aussi nombreux à compter au moins dix ans d’ancienneté.
Philippe Dehaye, propriétaire de l’établissement, a toujours considéré que ses ressources humaines étaient la plus grande force de son établissement. Mais à l’été 2017, sa plus grande force est devenue sa plus grande préoccupation. Son restaurant a été touché de plein fouet par la pénurie de main d’œuvre généralisée à Québec, laquelle a affecté durement la restauration. Ce n’est pas un secret : les salaires peu attractifs du secteur combinés aux conditions de travail réputées difficiles refroidissent les travailleurs potentiels.
Mettre les bouchées doubles
« On s’est tous brûlés à donner plus. Mon chef est tombé malade, alors mon souf-chef a pris les commandes. Il a travaillé du matin au soir 7 jours sur 7 pendant trois mois », explique Philippe, qui sans abdiquer de son habituel optimisme a été ébranlé par l’expérience.
Là encore, aucun mystère : pour attirer plus de candidats en cuisine, il faudrait vraisemblablement augmenter les salaires, mais les marges de profits limitées des restaurateurs combinées à l’impossibilité de refiler une facture aux consommateurs accule toute une industrie au pied du mur.
C’est dans ce contexte qu’un scénario de partage des pourboires a commencé à faire son petit bonhomme de chemin. Selon l’Association des Restaurateurs du Québec, 77% des Québécois sont favorables à cette formule, mais pour Philippe elle n’a rien d’attrayant pour des serveurs d’expérience comme les siens.
« Chez nous, les clients indiquent dans le système de réservation qu’ils veulent être servis par telle ou telle personne. Quand on est dans cet esprit-là, c’est difficile de casser le moule et de modifier le système des pourboires. Personnellement, je ne serais pas contre un partage avec la cuisine, mais on a des anciens qui n’ont pas d’intérêt à changer de système. »
Cap sur l’immigration
L’été terminé, la pression sur son établissement a diminué et les horaires de son équipe sont revenus à la normale, mais Philippe appréhende déjà l’été 2018 : « Je veux être prêt. Je crois que la voie de l’immigration est devenue vitale. Oui, il y a la barrière de la langue, mais on finit par faire le tour des bases de la cuisine. »
Avec un nouveau menu et de nouveaux outils de communication à venir, Philippe est passé en mode solution. La semaine dernière, il a reçu en entrevue un candidat syrien en francisation et il a été charmé par la rencontre. « Je connais plusieurs ressortissants syriens à Québec. Ils sont adorables, ils veulent travailler et nous remercier de notre accueil. C’est notre rôle à nous de les intégrer. »
Les Frères de la côte
1129, rue Saint-Jean – Québec
418 692-5445
www.lesfreresdelacoteqc.com
Texte : Héloïse Leclerc