Le Petit Bistro : les petits guerriers de la restauration
Il était une fois…
Lorsque j’ai voulu interviewer Thomas Vallières, propriétaire du restaurant Le Petit Bistro à Montréal, il a lancé la balle à sa conjointe, la comédienne Joanie Poirier. À deux semaines de leur mariage, et à peine deux semaines après un vaste chantier de rénovations qui a donné une seconde jeunesse à l’établissement, sa future épouse m’a raconté leur histoire d’amour et de courage.
« Tom a été ce petit gars qui a travaillé à la plonge, et qui a fait un peu de sous avec la vie de serveur. Un jour, le restaurant adjacent au bureau de son père a été mis en vente. Il a décidé de l’acheter, sans vraiment avoir l’expérience, et il est devenu restaurateur de manière très autodidacte. J’ai été là pour les premiers coups de pinceau… »
Mais pas que. Malgré son désir de garder une saine distance avec le projet, Joanie a compris qu’il viendrait toujours avec son homme, et souvent avant elle. Tout juste diplômée de l’École supérieure de théâtre, et avec sa carrière à mener de front, elle a renoncé à la relation.
D’intenses retrouvailles
Il y a un an, la mort de sa sœur a ramené le restaurateur dans sa vie. « On s’est rapprochés, il m’a beaucoup aidée. Ce genre de deuil nous a permis de nous retrouver dans une vulnérabilité. » Six mois plus tard, Thomas la demandait en mariage.
« Nous en avions parlé par le passé, mais il arrivait toujours quelque chose au restaurant. Cette fois, nous avons eu besoin de ne pas dire non aux étapes de la vie, et surtout de ne pas laisser le restaurant gagner », admet-elle avec une pointe de malice dans la voix. « Il n’y a jamais de moment parfait, alors on a décidé d’aller de l’avant coûte que coûte. »
Peu après la demande en mariage, l’imprévu a frappé à nouveau. Le Petit Bistro allait perdre son chef. Dans le contexte de pénurie de main d’œuvre, le remplacer relevait de la mission impossible. « Les cuisiniers qui ont l’amour de la cuisine cherchent les gros noms de la restauration, c’est difficile pour les plus petites tables de mériter leur place », explique Joanie, la gorge serrée.
Un coup de théâtre
Quand soudain, Thomas a annoncé à sa fiancée et son équipe qu’il allait devenir le chef de son propre restaurant. « Je lui ai demandé s’il était certain qu’il voulait faire ça à quelques semaines du mariage. Il a dit oui, alors moi, ses parents, son équipe, ses petits guerriers, on s’est rangés derrière lui. »
La petite armée a fermé et rénové le restaurant en sept jours. Exit les nappes grises style bistro français, allô bois naturel, plantes, confort et authenticité dans un esprit de partage. En épicurien éprouvé, intuitif et féru du grill, Thomas s’appuie solidement sur ses cuisiniers, plus expérimentés que lui. Tout en conservant quelques classiques du bistro français, il prévoit d’explorer avec eux diverses saveurs du monde tout en partageant avec eux la toque de chef lors d’événements spéciaux.
Plus solidaire que jamais, l’équipe surfe sur une belle vague. Joanie est particulièrement heureuse de voir son homme s’épanouir dans ses nouvelles fonctions, qui comblent son côté manuel et son esprit créatif. « Je pense qu’il a plus de respect pour le métier de cuisinier maintenant qu’il comprend davantage les aléas », souligne-t-elle avec le sourire. « Ils sont donc bien fous, les gens qui font ça comme métier! »
Ils vécurent heureux…
Le mariage, prévu dans deux semaines, aura lieu exactement comme prévu. Joanie éclate de rire : « Le pire, c’est qu’on y arrive! »