Briser les tabous : Le web est-il un espace libre?
Au cours de notre entretien, Pellep sera le premier à évoquer la grande et noble idée que le web offre un formidable espace de liberté et une occasion de briser des tabous, de déloger des interdits. «Il n’y a pas vraiment de limites. Il n’y a pas de machine derrière nous qui dicte les règles. On est libres.» Ce à quoi Jay St-Louis rétorque que «si la liberté n’est pas totale, il y a moins d’entraves sur le web qu’à la télé ou à la radio.» Même son de cloche du côté de Gab Roy, qui répète qu’il est «le seul maître à bord» et que personne ne pourra le déloger s’il fait une connerie. Mais puisqu’ils sont à la recherche des clics, lesquels sont garants de revenus publicitaires, ils admettent qu’une grande liberté leur échappe: celle de se soustraire aux lois du marché. «Je gagne ma vie avec Petit petit gamin grâce à la pub, dit Pellep. Garder ma liberté dans ce contexte est un combat, car oui, il arrive que des annonceurs soient échaudés par certains de mes contenus.» Ils admettent que la tyrannie du clic les pousse à se censurer, parfois, à ne pas mettre en ligne ce qui risque d’avoir un succès moindre.
«On est hors des institutions et hors des lois du marché à première vue, dit Gab Roy, mais en réalité, la dictature du marché nous domine complètement. Mon blogue est une grosse partie de mes revenus, alors je mesure ce que je fais, pour m’assurer que les revenus vont suivre. J’ai tout de même plus de liberté que dans un média traditionnel.»
Joseph Elfassi, notamment collaborateur de petitpetitgamin.com et grand idéateur du Showeb, va plus loin en affirmant que le web n’échappe pas non plus au contrôle insidieux des autorités officielles. «La liberté est généralement illusoire. On peut créer dans la mesure où les puissances le permettent. Le cas célèbre de Rémy Couture, qui a été accusé de corruption des mœurs à cause de ses vidéos d’horreur, nous a montré le flou juridique qui entoure tout cela et les dangers de la judiciarisation dans un contexte de contenu web. Tout dépend aussi de la bonne volonté des fournisseurs Internet et des canaux distributeurs: Facebook censure beaucoup de choses et beaucoup d’institutions censurent les interactions des utilisateurs avec elles. Sans compter que le Québec est un tout petit milieu et que les personnes dont on se moque sur Internet exigent rapidement réparation. Tout ça n’empêche pas des gens comme Mathieu St-Onge d’être délirants et créatifs. Mais ça installe des limites à ce qu’il est possible de faire.»
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