Dave St-Pierre : En quête d'une danse indépendante
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Dave St-Pierre : En quête d’une danse indépendante

Ces jours-ci, Dave St-Pierre gueule. En quête d’une plus grande indépendance, le chorégraphe est prêt à lutter fort pour se débarrasser des contraintes imposées par les subventionnaires, les diffuseurs et l’Union des artistes. Parcours du combattant.

À la recherche de nouvelles manières de travailler, Dave St-Pierre alimente de brûlants débats depuis quelques semaines dans le milieu de la danse contemporaine. «Le monde change, dit-il, et l’Union des artistes (UDA) et le Conseil des arts sont restés coincés dans une autre époque. Il est aujourd’hui possible, pour des artistes qui font des œuvres numériques sur Internet, d’échapper complètement au contrôle des diffuseurs traditionnels et des organismes subventionnaires. La liberté de création est à son paroxysme, et c’est à ça que j’aspire. Mais je ne peux pas y arriver en me laissant envahir par les tâches d’administration et les structures de production imposées par ces organismes.»

Son prochain spectacle sera un duo. Pour l’instant, fini les pièces de groupe (sauf celles qui sont déjà créées et qui continuent de tourner en Europe). Elles nécessitent des heures de répétition, mais surtout des heures de paperasse et le respect de toutes sortes de conditions que le brûlant chorégraphe juge contre-productives et artistiquement limitatives. Il veut tenter l’expérience d’une création réalisée de manière autonome, sans que des revenus publics ne lui soient versés directement, en travaillant avec des interprètes non membres de l’UDA, qu’il paiera convenablement, mais avec qui il compte travailler de manière plus souple.

Son premier combat? Il a l’impression que l’UDA cherche à défendre les artistes sans connaître leur réalité. «Un syndicat artistique me semblerait utile dans le contexte d’une grosse production commerciale où les artistes crèvent de faim pendant que les producteurs encaissent les profits. Mais en imposant à peu près les mêmes règles à tous, en ce qui concerne par exemple les contrats et la rémunération des artistes, l’UDA ne prend pas en considération les petites compagnies à qui les subventionnaires n’offrent presque rien, mais à qui on demande pourtant de payer, par exemple, des assurances pour chaque interprète. Je crois à la nécessité des assurances et d’un bon salaire pour chaque danseur mais, si ces règles-là étaient plus souples, je pourrais souvent faire travailler plus de monde et créer des œuvres plus fortes.»

Jouissant d’une enviable réputation internationale, St-Pierre a la chance de travailler avec de nombreux théâtres européens qui soutiennent sa création. Mais il a refusé récemment quelques offres de coproductions parce qu’étaient ouvertement réclamées des œuvres «moins risquées», «plus consensuelles». «Le contexte actuel est impossible à vivre, dit-il. Je me bats contre des producteurs, qui se battent contre des subventionnaires, qui se battent contre le gouvernement. De haut en bas, les intervenants de cette chaîne obéissent à une mentalité de plus en plus commerciale et ne pensent qu’à la rentabilité immédiate des œuvres, ce qui conduit à une attitude de prudence, à une absence de prise de risques. Je voudrais me sortir de cet engrenage.»

Il n’est pas le seul à hurler. Partout, les artistes du spectacle vivant s’inquiètent de devenir de stricts «administrateurs» de «produits culturels». Mais, las des discours qui «tournent en rond», il ne croit même plus à la force des revendications de groupe, à travers lesquelles, dit-il, se reproduisent les mêmes mécanismes que dans l’institution. Il lui est évidemment impossible de fonctionner complètement en dehors du système établi mais, petit à petit, en tirant des revenus de son travail de pédagogue et d’autres sources, il tente d’être moins dépendant des subventions. Une vaste entreprise. «Je suis de plus en plus persuadé, conclut-il, que la danse contemporaine s’en porterait mieux.»