Bilan danse 2013 : La danse prend de l'espace
Scène

Bilan danse 2013 : La danse prend de l’espace

Regard panoramique sur les tendances et événements marquants de 2013.

Depuis qu’il a pondu son volumineux plan directeur pour la décennie, le milieu de la danse québécois s’organise pour donner à son art un ancrage plus solide par toutes sortes de petites et grandes actions. Ainsi, le nouveau Profil des compétences des chorégraphes devrait aider à mieux outiller les créateurs et, on imagine, à bonifier leurs productions; l’installation annoncée de l’Agora dans le futur Espace Danse Québec et le partage d’un même espace de diffusion avec Tangente devraient créer un pôle d’attraction pour le public, et l’application Québec Danse, aider les détenteurs de cellulaires à accéder à toutes sortes de renseignements pour mieux goûter aux plaisirs de la danse. On remarque aussi une multiplication des opérations de médiation culturelle pour partager la passion et les bienfaits de la danse avec le grand public. En 2013, on a notamment fait danser des bébés, des aveugles, des femmes violentées et des patients du CHUM, on s’est frotté au mythique Joe de Jean-Pierre Perreault et le grand maître de butô Yoshito Ohno a offert deux ateliers mémorables.

L’image filmée s’impose également de plus en plus comme un moyen efficace de rejoindre le public. Les projections de films de danse se multiplient (une œuvre de Victor Quijada est même désormais offerte sur les vols d’Air Canada) et les chorégraphes s’emparent de ce médium à l’instar de Priscilla Guy, de Claudia Chan Tak, de Sonya Stefan ou de Louis-Martin Charest, qui a créé cette année un vlog sur la cinédanse. Par ailleurs, le mouvement d’intégration des danses urbaines sur la scène contemporaine s’intensifie, comme en témoignent l’évolution et le succès des Quijada, Ismaël Mouaraki, Geneviève Gagné, Emily Honegger, etc., ainsi que l’affluence exceptionnelle à la Tribune 840 consacrée à la question.

En marge de la scène locale, tandis que des danseurs se dressent pour qu’on leur reconnaisse le statut de coauteurs, les techno-chorégraphes Martine Époque et Denis Poulin finalisent CODA, NoBody Danse: Le sacre du printemps, un «film sans corps» réalisé grâce aux technologies de capture du mouvement. De son côté, José Navas a célébré le centenaire du Sacre en solo avec orchestre philharmonique à Bruges, en plus de créer deux ballets sur pointes pour des compagnies canadiennes. Un virage majeur dont on serait curieux de voir les résultats.

En 2013, la fondatrice des Ballets Jazz Eva von Gencsy est décédée; O Vertigo a fêté ses 30 ans; Nyata Nyata, ses 25 ans; La 2e Porte à Gauche, ses 10 ans; et la récolte de prix a été généreuse pour les artistes et travailleurs culturels de la danse.

De ce qui s’est passé sur scène, on gardera le souvenir de l’intensité de Lisbeth Gruwez, de Maria Pagés et d’Anthony Rizzi, du canon hypnotique de Boris Charmatz, des prêtresses de Lémi Ponifasio, de l’énergie furieuse de Louise Lecavalier, du solo hallucinant signé Christian et François Ben Aïm, des images freudiennes d’Aurélie Pedron, des explorations in situ de Peter Trosztmer, d’un grand cru de Piss in the Pool et des propositions de Simon Portigal et d’Hélène Simard, de l’irrésistible humour de Marie Béland, de la fenêtre ouverte par Eve-Chems de Brouwer sur le monde des aveugles, d’Audrey Juteau dansant avec son chien, du talent avéré de Nicolas Cantin et de Michèle Febvre, de l’originalité et de l’intelligence de Chris Haring, du coup de poing dans la gueule d’Ann Van den Broek… entre autres. Et l’on regrettera que les coupes budgétaires aient conduit le Studio 303 à renoncer pour un temps à la diffusion.

Top 5

1. Chorus II (Montréal, arts interculturels)

Cofondatrice de la compagnie Wants & Needs, Sasha Kleinplatz passe dans la cour des grands avec cette œuvre captivante qui exalte l’essence et la beauté d’une masculinité libérée des carcans.

2. Corps de Walk (Danse Danse)

Les Israéliens Gai Behar et Sharon Eyal partent du motif simple de la marche pour transformer les danseurs de la compagnie norvégienne Carte Blanche en androïdes à la gestuelle complexe et envoûtante.

3. Les gestes (Agora de la danse)

Œuvre charnelle et oniriquedans laquelle Isabelle Van Grimde chorégraphie deux musiciennes et deux danseuses augmentées d’instruments de musique numériques aux formes anatomiques qu’elle a contribué à créer.

4. Yellow Towel (Festival TransAmériques)

Dana Michel radicalise sa pratique et dépouille son esthétique dans une quête identitaire performative déroutante où le corps est caché et empêché, le geste, brut et minimal, et le sens, volontairement brouillé.

5. La lanterne rouge (Présentation des Grands Ballets canadiens de Montréal)

Dans cette brillante adaptation du film Épouses et concubines pour le Ballet national de Chine, Xin Peng Wang et Wang Yuanyuan mêlent les styles avec une approche très contemporaine de l’espace et du temps.