Electronic City : L’écho des machines
La froideur du 21e siècle est le théâtre d’un rendez-vous qui n’a pas lieu. Entre Tom et Joy, l’écho des discours se multiplie et le monde se fissure.
Au début des années 2000, l’auteur allemand Falk Richter écrit Electronic City, une pièce qui interroge le rapport entre les relations humaines et les relations économiques qui meublent le quotidien. Un conte à l’ère électronique, où deux êtres cherchent à se retrouver au cœur d’un monde informatisé qui se perd entre les chiffres. Cet univers on ne peut plus contemporain n’a pas manqué de happer l’intérêt de Jocelyn Pelletier, metteur en scène et initiateur du projet. «C’est un auteur qui me parle beaucoup, parce qu’il fait un théâtre du "maintenant". Il parle de notre monde à travers des procédés stylistiques empruntés à la fois au cinéma et à la poésie. C‘est aussi ce qui m’intéresse, de raconter une histoire de manière décalée, de s’en éloigner pour faire un commentaire, de l’incarner ailleurs et de différentes manières.»
Créer sur le terrain
Afin de mettre la production en chantier, la compagnie Tectonik_ a pu bénéficier d’une résidence d’une semaine à la Maison de la culture de Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal. Une semaine où se sont dessinés les différents codes de la mise en scène au sein du décor de Marie-Renée Bourget Harvey, processus de création auquel était aussi invité Marc-Olivier Morin, alias Uberko. «C’est la première fois que je fais de la musique pour le théâtre avec les comédiens, on the spot, en répétitions. […] Quand on est arrivés là, je n’avais rien sauf quelques idées. Composer en même temps que les gens répètent, je savais même pas si c’était possible.» Cette première collaboration artistique entre les deux concepteurs a résolument confirmé la cohésion existant entre l’univers ambiant et rythmique d’Uberko et l’esthétique de Tectonik_. «Quand j’y pense, c’est fou en une semaine tout ce qu’on a fait. On a même fait un cover de Eurythmics!»
Cinéma et culture pop
Aux dires du metteur en scène, ce n’est pas surprenant de retrouver le célèbre duo d’Annie Lennox chez Falk Richter. «C’est un auteur profondément marqué par la culture pop, une bonne pop intelligente […] Malgré qu’on fasse un commentaire et qu’on marque un style avec la mise en scène, c’est un gros bonbon dont on regarde toutes les facettes.» L’intrigue d’Electronic City en elle-même est d’ailleurs relativement simple: deux personnes, Tom et Joy, tentent de reprendre contact sans jamais arriver à se rejoindre. Cette relation prendra une tout autre dimension sur scène, alors que les deux amants seront dédoublés, formant un chœur polyphonique de Tom et Joy.
Ce type de structure éclatée, sur lequel se construit la ville électronique, exige en revanche une organisation scénique rigoureuse. «Ça demande beaucoup de timing, c’est découpé au quart de tour», commente Uberko à propos du décor sonore, où différentes ambiances se succéderont comme autant de bulles dont le spectateur entre et sort. «On travaille tous les codes du cinéma, sans la projection», ajoute Jocelyn Pelletier. «Avec la scénographie, on a travaillé avec des modules éclairés aux LED pour créer des effets de mouvements scéniques, des travellings, des plongées et des contre-plongées», le tout sans aucune caméra ou autre appareil électronique (ordinateurs, téléphones, etc.) sur scène. «Le danger était d’être coincés sur scène avec ces technologies-là et finir par faire exactement ce que déplore le spectacle.» Devant les yeux des spectateurs, les couches de superficialité tomberont donc une à une, au son d’une musique de plus en plus organique, pour tenter de retrouver l’humain et donner lieu à la rencontre cruciale.
Et plus, si affinités…
Afin d’ajouter à l’offre culturelle de l’événement, le public pourra profiter de la présence d’Uberko qui mixera live sur la scène, mais uniquement à l’occasion de trois représentations, soit les 14 et 22 février, ainsi que le 1er mars. Dans le même ordre d’idée, le spectacle bénéficiera également d’une première partie les 20, 21 et 22 février: Un une pièce, un numéro de danse chorégraphié par Ariane Voineau et Fabien Piché. De même, le foyer du Périscope sera investi par les œuvres de l’artiste visuel Justin Roy tout au long des représentations, ainsi que par une succession de DJ de Québec (Uberko, Mykalle, Millimetrik) lors d’une soirée de financement festive, le 14 février prochain. De quoi satisfaire les sens des amateurs d’arts multidisciplinaires de Québec.
Du 11 février au 1er mars
Théâtre Périscope