Electronic City : Le rythme effrené du moment
Scène

Electronic City : Le rythme effrené du moment

Il y a beaucoup d’audace dans cette proposition de mise en scène, signée Jocelyn Pelletier. Sur scène, quatre hommes et quatre femmes prêtent leur voix au texte de Falk Richter, écrit au début de la décennie 2000, à l’ère de la paranoïa technologique.

Ils interprètent tour à tour Tom, homme d’affaire pris d’une crise d’angoisse dans le couloir de son hôtel, et Joy, caissière paniquée devant un lecteur infrarouge en panne. Deux moments-clés vécus par chacun des deux personnages, qu’on revivra à répétition tout au long de la représentation. Deux moments qui seront fragmentés, puis mitraillés des didascalies narratives projetées par le choeur de comédiens.

Dans ce flot de texte presque ininterrompu, quelques séquences retiennent l’attention par les puissantes images qu’elles évoquent. Le tout découle avant tout d’un minutieux travail de chorégraphie des corps dans l’espace scénique qui, superposé à la trame sonore urbaine d’Uberko, insuffle tout le rythme et le dynamisme nécessaire à un tel spectacle. Ainsi, des jeux d’ombres, de récurrences, de synchronisme et d‘asynchronisme s’articulent au sein d’un décor multifonctionnel d’une apparente simplicité, qui découvre peu à peu son potentiel ludique au fil des fragments, au grand plaisir du public. À ce même chapitre, les éclairages découpés au couteau de Jean-François Labbé demeurent une des grandes forces d’Electronic City, dessinant tantôt des atmosphères surréelles troublantes, servant tantôt de guide pour le spectateur à la recherche de repères concrets.

Par ailleurs, si Electronic City commence en lion et se termine avec tout autant d’effervescence, on peut reprocher au spectacle les quelques longueurs qui s’étirent entre les deux, alors que le discours aliéné des personnages commence à stagner et que l’intrigue est doublée par le tournage d’une série télévisée. Peut-être est-ce à cause de la timidité soudaine de la musique et des signes lumineux, le rythme semble s’alourdir, et ce malgré tous les efforts déployés par l’énergique distribution, armée de mots et de micros.

Au centre de cet océan de codes, le public pourrait rapidement se perdre à tenter de faire des liens cohérents entre toute les informations lancées par le choeur narratif. Au bout du compte, même si on ne saisit pas tous les éléments de ce récit mis en abyme, Electronic City arrive certainement à induire chez le spectateur ce sentiment de confusion et de tension qui habite les personnages uniformes de Richter, dans une histoire qui ne commence, ni ne se termine bien.