Brigitte Poupart : Du cabaret au téléthon insupportable
Scène

Brigitte Poupart : Du cabaret au téléthon insupportable

Au Lion d’Or, les Cabarets insupportables de Brigitte Poupart irritaient jadis les yeux et les oreilles tout en provoquant une inexplicable montée de joie. La metteure en scène pousse le concept plus loin avec son Téléthon insupportable, à la fois spectacle-marathon et campagne de financement, le tout retransmis en streaming sur le web.

Brigitte Poupart se passionne pour l’insupportable. Le kitsch, le convenu, le criard, le tape-à-l’œil: tous ces déplaisirs nourrissent son esprit créateur. Le Cabaret insupportable, une formule qu’elle a inventée avec ses comparses de TransThéâtre, mute cette année vers la forme du téléthon. C’est à la fois une véritable volonté de financer la compagnie en récoltant des dons et une boutade à l’égard de l’insupportable et archaïque formule téléthonesque.

«Un téléthon, dit-elle, c’est interminable, grotesque, souvent de mauvais goût; c’est un fourre-tout impossible, un chaos incontrôlé. C’est facile d’en rire, mais surtout jouissif. On va s’en donner à cœur joie.»

Mais, comme les comédiens du NoShow qui officient ces jours-ci au Festival TransAmériques, Poupart veut en profiter pour éveiller les consciences au sujet des conditions de plus en plus dégradantes dans lesquelles se crée le théâtre québécois. Sous-financement et exigences démesurées de rentabilité vont finir par miner le moral des troupes et décourager toutes initiatives artistiques.

«On est pris, s’indigne-t-elle, dans un système où les compagnies de théâtre sont forcées de se comporter comme des PME. La gérance, le profit, la visibilité: ce sont les seules choses qui ont de l’importance aux yeux des organismes subventionnaires. Les projets ne comptent plus, la démarche créative non plus. On nous oblige à avoir des soirées bénéfice, des commanditaires, à diversifier sans cesse nos sources de financement. Je veux bien, mais tout ça gruge beaucoup trop de temps de création. C’était loin d’être la situation aux débuts de la compagnie il y a 23 ans. J’ai décidé d’en rire, de profiter de cette frustration pour en faire un spectacle que j’espère libérateur.»

La cause pour laquelle le téléthon nous invitera à se mobiliser est donc le Théâtre avec un grand T. Et le milieu théâtral va en prendre plein la gueule, si on se fie aux dires de Brigitte Poupart qui voudrait que «le théâtre passe un mauvais quart d’heure» et que règnent l’«autodérision» et la «causticité». «Ce sera pissant», promet-elle.

Le comédien Guillaume Tremblay, par exemple, proposera un numéro dans lequel se croisent son inquiétude devant la disparition des acteurs de théâtre au profit du doublage et un regard cinglant sur la possible infiltration de la publicité sur scène. «J’ai inventé un personnage, l’acteur le mieux payé au Québec, qui s’est mis riche en faisant du doublage. Pendant ce temps-là les acteurs de théâtre crèvent de faim. Je m’amuse aussi avec le house band à intégrer des publicités chantées dans mes numéros.»

Mathieu Quesnel va traîner sur scène son fils Marius dans un sketch sur l’école de théâtre, qu’il faudrait dans son imaginaire «commencer très jeune afin de favoriser des talents hors-norme à la manière de Xavier Dolan». Une manière de se moquer de l’obsession des Québécois pour les prodiges, même si personne ne s’intéresse profondément à leur travail. «Je voulais aller à la limite de quelque chose avec mon fils, pour questionner le renouvèlement des formes, le renouvèlement des acteurs dans le milieu théâtral et cinématographique. On est souvent coincés avec les mêmes visages, mais à d’autres moments obsédés par la nouveauté, peu importe la pertinence et le talent. Je trouve qu’il y a beaucoup de théâtre qui se fait à Montréal, pas toujours essentiel, simplement pour donner du travail aux jeunes acteurs, et il faut parler de cette situation.»

Mais c’est aussi une réflexion sur la formation professionnelle en théâtre. «Y-a-t-il trop d’écoles?, demande Quesnel.  Les écoles proposent-elles des approches assez variées? Presque personne ne sait faire de réflexions de fond là-dessus.»

«Ce sera, dit Brigitte Poupart, une soirée sous le signe de l’amour-haine que nous portons tous au théâtre, objet de nos passions mais aussi de nos frustrations.» Et ça pourra durer longtemps. Le téléthon perdure jusqu’à ce que soit amassé le montant de 5000$. «Ça peut durer 15 minutes comme ça peut durer 7 heures.»

Si vous n’êtes pas parmi les spectateurs dans la salle, vous pourrez visionner le téléthon en streaming sur le web à l’adresse transtheatre.com et faire vos dons via la page http://www.kapipal.com/telethoninsupportable

 

Le lundi 26 mai à 19h30 au Lion d’Or