FTA / Les particules élémentaires : Misère et miséricorde humaines
Julien Gosselin monte habilement le roman phare de Michel Houellebecq, Les particules élémentaires, et bouscule par la bande nos conceptions de l’Homme et de la sexualité, et propulse les misères affective, sexuelle et existentielle de la civilisation occidentale de l’avant avec brio.
Très fidèle au texte, la version scénique créée par le jeune metteur en scène Julien Gosselin se présente rythmée, structurée et jouissive. L’écriture de Houellebecq fait qu’on peut facilement s’imaginer les personnages travaillés ainsi par un metteur un scène qui capte et saisit l’essence du roman qui met de l’avant Michel Djerzinski, le scientifique quasi asexué, et Bruno Clément, le prof de lettres au passé sexuel douloureux, deux frères aux antipodes mais qui, somme toute, cherchent tout simplement la place qui leur est réservée dans le monde, au moment précis de leur existence.
Julien Gosselin provoque ainsi une mise en scène serrée et structurée, très contemporaine, bien que campée sur une trame temporelle qui s’étend des années 50 jusqu’à 1998, puis dépasse à vive allure le tournant du siècle pour foncer tout droit vers la post-humanité, jusqu’en 2076, dans les dernières minutes du spectacle. Celui-ci chevauche habilement performance scénique, concert rock – avec des acteurs musiciens polyvalents et judicieusement choisis – et immersion audio-visuelle, pour devenir un spectacle-événement riche, multiple, et qui flirte avec l’engagement.
L’écran géant en fond de scène est utilisé avec régularité et ponctue – pour ne pas dire «foudroie» – chaque moment historique, chaque changement de rythme, chaque annonce suprenante ou inaudible. La sonorisation demeure réussie bien que parfois nerveuse et un brin trop serrée, au point où elle coupe parfois trop rapidement la parole aux dix acteurs qui tantôt haranguent la foule, tantôt la charment.
En y pensant bien, il semble quasi préférable de ne pas avoir lu le roman de Houellebecq avant de se frotter aux Particules élémentaires de Gosselin. La mise en scène parvient, en soi, à créer un univers unique et articulé, indépendant du roman sur lequel il est pourtant calqué. Cette Histoire de l’Homme – tous deux avec un grand «H» – nous parvient comme un tout, une bulle d’énergie pure, honnête, où les sexes se mélangent et ne se différencient plus, où l’homme et la femme se fusionnent et s’opposent, où le futur, où «demain sera féminin», où l’Histoire de l’Homme se transformera du tout au tout.
Dernière représentation au Théâtre Maisonneuve de la Place des arts, le 31 mai à 15h, dans le cadre du Festival TransAmériques, fta.qc.ca
Pour relire l’entrevue menée par Philippe Couture avec Julien Gosselin, en Une du 15 mai dernier.
Pour lire la critique de mon collègue Philippe Couture lorsqu’il vit la pièce à Avignon, l’été dernier.