Les fées ont soif / La Bordée : Mots de femmes
Scène

Les fées ont soif / La Bordée : Mots de femmes

En 1978, Denise Boucher écrit Les fées ont soif, marquant ainsi l’histoire du théâtre par sa prise de parole. En guise d’ouverture pour sa nouvelle saison, le Théâtre de la Bordée propose une audacieuse relecture contemporaine de la pièce.

Trois figures féminines: Marie, la mère (Lise Castonguay), Madeleine, la putain (Lorraine Côté), la Statue, la sainte (Marie-Ginette Guay). Elles habitent la scène comme autant de symboles porte-parole, entrecroisant leur voix au cœur de leur discours dénonciateur, dans l’espoir de s’affranchir des étiquettes qui leur ont été imposées. Lors de sa création, à la fin de la décennie 1970, cette prise de parole féminine virulente fut hautement critiquée par la droite catholique de l’époque, qui tenta par tous les moyens de censurer la pièce.

Couleur contemporaine

Depuis sa réputée création, Les fées ont soif n’a jamais été représentée sur une scène professionnelle. C’est donc un contrat considérable qui attendait le metteur en scène Alexandre Fecteau et son équipe de concepteurs. «À cause de ce qui s’est passé lors de la création et parce que c’est une pièce fondamentalement politique et engagée, ça demande un traitement particulier. […] Je l’ai abordée comme une création. C’est une forme qui laisse beaucoup de liberté et je voyais le potentiel d’y mettre ma couleur pour l’actualiser, l’amener vers un théâtre plus contemporain.»

Évidemment, cette tâche d’actualisation se doit d’être abordée avec précautions puisque si le propos de la pièce paraît toujours pertinent, le contexte social et les considérations envers le statut de la femme ont significativement changé au cours des 35 dernières années. Selon Fecteau, il n’en reste pas moins que la problématique de l’égalité hommes-femmes est encore bel et bien ancrée dans l’actualité. «On n’est pas à la même place par rapport à ces idées-là, mais je pense qu’on en a toujours besoin», affirme le metteur en scène. «Il y a un travail à faire pour changer les images négatives qui sont associées au discours féministe, qui pourtant est nécessaire et pertinent. Il y a beaucoup de personnes qui ont besoin de l’entendre, mais qui croient qu’elles ne veulent pas l’entendre.»

Se laisser parler d’amour

Sur la scène, il ne fait nul doute que les spectateurs retrouveront la signature bien particulière de celui à qui on doit Changing Room, avec la présence d’images d’archives et d’écrans vidéo, en plus de quelques interactions avec le public. C’est aussi dans le mouvement plutôt qu’avec des figures statiques que se déploiera la mise en scène d’Alexandre Fecteau. Les fées connaîtront donc un véritable deuxième souffle sur la scène de la Bordée, criant leur soif d’égalité et de liberté. Est-ce la même soif qu’il y a 35 ans? «Je pense qu’aujourd’hui, les femmes n’ont pas soif de révolution parce qu’elles ont vu que ça ne menait pas à grand-chose. Elles ont soif de douceur et de tendresse. On n’a plus le goût de l’affrontement», ajoute Fecteau. Au bout du compte, les fées rêvent toujours de réinventer les rapports hommes-femmes, avec fermeté et intransigeance. Elles parlent à tous, dans l’espoir d’attirer les oreilles et de réveiller les passions. 

Théâtre de la Bordée du 16 septembre au 11 octobre