Sweeney Todd / Capitole de Québec : Théâtre sanglant musicalement affuté
On le connaît surtout tel qu’il apparaît dans le film de Tim Burton. Ce mois-ci, le public de Québec s’apprête à découvrir Sweeney Todd sous un tout nouveau jour, dans sa première mondiale francophone.
Après quinze ans d’exil, un barbier revient à Londres auprès de sa famille, pour apprendre que sa femme s’est empoisonnée et que sa fille unique, Johanna, a été enlevée. Assoiffé de vengeance, il s’allie à madame Lovett, une cuisinière en manque de chair à pâté, afin d’égorger de ses mains l’homme qui tient sa fille captive. Cette histoire sanglante aux harmonies lumineuses sera pour la première fois montée en français par Décibel, une jeune compagnie de théâtre musical dirigée par Louis Morin, et mettra en vedette Katee Julien (Mrs. Lovett) ainsi que Renaud Paradis, dans le rôle-titre.
La mélodie du thriller
«C’est une grande histoire de vengeance et d’injustice, affirme avec enthousiasme le comédien. C’est ce qui m’a attiré vers la pièce: son côté très lugubre, sombre et sale. Ça fait changement et c’est un très grand plaisir à jouer». Fait intéressant, il s’agit de la seule pièce du large répertoire de Broadway a avoir été désignée spécifiquement comme un thriller musical. Il va donc s’en dire que Sweeney Todd est un ovni théâtral qui sort des paramètres habituels de la comédie musicale. «On y voit différentes esthétiques se développer, explique le metteur en scène. Il y a de tout: certaines scènes sont plus romantiques, d’autres presque expressionnistes, alors que d’autres sont plus comiques», une complexité qui se retrouve aussi dans la partition musicale signée par l’américain Stephen Sondheim.
Musicalement, la pièce se rapproche davantage de l’opéra et de la musique classique que des mélodies pop plus couramment employées dans la comédie musicale. C’est donc un travail colossal que devaient effectuer les chanteurs et les musiciens. «C’est assez unique comme style d’écriture, indique Guillaume St-Laurent, directeur musical. Sondheim a cette capacité fascinante d’utiliser les thèmes des personnages et de les manipuler à sa guise, à fusionner les mélodies au sein d’une même chanson», au grand plaisir des oreilles du public.
De Fleet Street à la rue St-Jean
En plus de jouer leur première production d’envergure sur la scène Capitole, l’équipe de Décibel s’est lancé un défi considérable: celui d’adapter en français le texte et les chansons de la pièce originale. «Quand on joue dans la langue qui est la nôtre, c’est plus facile de travailler les interprétations et les différents niveaux de jeu, affirme Louis Morin. Ça devient un outil de travailler en français». C’est Joëlle Bond qui s’est prêté au vertigineux exercice, épaulée par Claude Soucy et Renaud Paradis, afin de rendre sur la scène la rime et l’humour très anglais de Sondheim sans sacrifier l’intelligibilité du texte. «Le but c’est toujours que le public ne décroche jamais de l’action, conclut Paradis. C’est un travail de moine de garder le public toujours sur le bout de son siège, en état d’alerte et de curiosité constante.» Les spectateurs ne risquent donc pas de s’ennuyer avec les surprises que recèlent ce thriller musical produit à Québec, un événement théâtral à double tranchant.
Du 28 octobre au 8 novembre
Capitole de Québec
J’étais à la première hier.
J’ai adoré.
Digne d’une production de Broadway.
Vive le talent québécois.