Harold Rhéaume / L'Éveil : Kaléidoscope verdoyant
Scène

Harold Rhéaume / L’Éveil : Kaléidoscope verdoyant

Harold Rhéaume s’allie à sa grande chum Marie-Josée Bastien et à l’éternel rebelle Steve Gagnon, celui qui nous a offert Fuck you, pour un spectacle de danse-théâtre qui explore l’éveil sous toutes ses formes.

Sur scène, un tapis de gazon bien vert, mais qui évolue avec les éclairages d’Antoine Caron au gré des tableaux. Un décor épuré, naturaliste et design à la fois, qui évoque le printemps, cette envie de se déchausser et marcher pieds nus, mais aussi le texte de l’allemand Frank Wedekind paru en 1891. L’Éveil du printemps leur a servi de base, d’inspiration première, même si les mots et les détails de l’histoire ont été évacués par le trio. Le grand thème de la version originale, l’adolescence et ses tourments, n’a toutefois pas été écarté. Du moins, pas complètement comme l’explique Rhéaume. « Notre de départ ce n’est pas l’adolescence, mais plutôt le sentiment adolescent.  Cette espèce de fièvre intérieure qu’on peut ressentir à cet âge-là. On a l’impression qu’on est invincible et qu’on peut tout faire. On est partis de cet état-là. »

Le projet, et de manière hyper concrète et terre-à-terre, est né d’un retour de services.  « Quand moi je suis revenu en 2000 j’ai donc retrouvé Marie-Josée [NDLR : qu’il avait connue aux auditions du Conservatoire d’art dramatique] et on a commencé à travailler ensemble sur des productions qu’elle mettait en scène. Elle m’engageait comme chorégraphe à l’intérieur d’une pièce de théâtre. […] C’était toujours le texte qui primait. J’avais ce fantasme-là de rendre la pareille à Marie-Josée et que ce soit moi qui puisse lui faire une invitation pour collaborer à un show de danse. » Cette fois, donc, la femme de théâtre s’associe avec son semblable Steve Gagnon pour de l’écriture, mais aussi l’élaboration de la dramaturgie de L’Éveil.

L’exercice de création bidisciplinaire va au-delà du cercle des concepteurs. Avec son nouveau spectacle, Harold Rhéaume donne du travail à des danseurs (ça va de soi), mais aussi à des acteurs. « Des fois, on va très loin dans une scène parlée y compris avec les danseurs, d’autres fois on est complètement dans le mouvement abstrait avec les comédiens qui dansent. Honnêtement, les trois comédiens sont tellement bons. Ils plongent sans aucune pudeur, c’est beau à voir. L’inverse a été plus difficile parce que le danseur est moins habitué de parler et c’est quand même un art de maîtriser le verbe! » Au générique : Jean-François Duke (instigateur de La petite scène), Gabriel Fournier, Odile-Amélie Peters, André Robillard, ainsi que Claudiane Ruelland et Ariane Voineau qui nous ont sciés en deux l’hiver dernier dans St-Agapit 1920.

Sans parler, bien sûr, des vidéos d’Elliot Laprise (Changing Room) qui servent pour des apartés ou comme microscope, mais aussi de la musique de Josué Beaucage. Un collaborateur de longue date. « Chaque tableau, chaque carte postale, a son univers musical. Des fois, on part de quelque chose de très minimaliste uniquement au piano, d’autres fois c’est plus rythmé et urbain avec beaucoup de bass. On se promène dans plusieurs univers musicaux qui viennent supporter l’action ou la contraster. »

 

Harold le défonceur de portes

C’est du déjà-écrit : Harold Rhéaume privilégie une danse émotive et il a toujours un discours lucide en entrevue. Surtout lorsqu’il est question de développement de public et des préconceptions que le public entretient avec la danse. Il travaille fort depuis longtemps, notamment avec des spectacles de rue, pour amener du nouveau monde dans les salles de Québec. La masturbation intellectuelle? Très peu pour lui. « Moi je ne veux pas oublier que ce que je suis en train de préparer va être présenté devant public. Je me suis déjà perdu dans des à faire à moi, tout seul. Ça m’est arrivé de me dire : « c’est pas grave si les gens comprennent pas, moi je trippe » et à chaque fois j’ai été déçu quand je présentais ça parce que la rencontre se faisait pas. »

Harold Rhéaume (Crédit: Daniel Richard)
Harold Rhéaume (Crédit: Daniel Richard)

En plus d’être un artiste sensible, unique, Harold Rhéaume est aussi un savant homme d’affaires qui a su survivre aux intempéries financières. Cette année, sa compagnie (Le fils d’Adrien danse) célèbre ses 15 ans d’existence. Un exploit pour ce bâtisseur de la scène d’ici qui a choisi Québec au profit de Montréal contre vents et marées à l’époque. « C’est un choix. Y’a des chorégraphes qui misent sur leur carrière, sur leur ascension. Moi j’ai plus travaillé sur l’essor d’un milieu. Je crois que ça vient de ma famille, du côté communautaire qu’on a chez nous. […] Au lieu d’être partout dans le monde, j’ai décidé d’investir localement. »

Avis aux fans : Harold Rhéaume dansera à nouveau, une première depuis trop longtemps, le 29 septembre au Théâtre Périscope et en duo avec Lydia Wagerer dans le cadre d’une activité-bénéfice.

 

Du 29 septembre au 10 octobre

Théâtre Périscope