Coco : Féminin et frontal
Suivant les traces de Frédéric Blanchette, metteur en scène pointilleux qui fut pour elle un mentor, la jeune auteure Nathalie Doummar invente à La Licorne ces jours-ci dans sa pièce Coco un théâtre réaliste et franc, qui ne met pas de gants blancs pour décortiquer une génération au féminin. Entrevue avec cette nouvelle voix de la scène montréalaise.
« Ce sont des filles qui se rentrent dedans, qui se parlent crûment, qui font tout ce que les convenances nous empêchent de faire. » Ainsi Nathalie Doummar présente-t-elle ses personnages. Des jeunes femmes réunies au chalet pour une soirée où les masques tombent pour de bon.
« Je voulais voir un autre côté de la féminité, aller jusqu’aux extrêmes, en quittant les formes sociales convenues, en montrant ces filles-là dans leur vulgarité quand c’est nécessaire, dans une forme d’essentialisme, dans un regard sans compromis. »
Elles sont amies d’enfance, se connaissent depuis assez longtemps pour se parler sans filtre. Leur chalet, c’est leur « sanctuaire de vérités », disent-elles. Très différentes les unes des autres, leurs personnalités s’étant contrastées au fil du temps, elles sont un échantillon coloré de la génération Y. Elles pourraient être ennemies, dans d’autres circonstances, mais Doummar aime ces groupes d’amies que tout sépare mais qui restent ensemble coûte que coûte, parce que le temps les a soudés.
« J’ai moi-même beaucoup d’amies avec lesquelles les relations sont souvent tendues mais avec lesquelles l’amitié demeure forte et fondamentale. Il me semble que c’est essentiel de se permettre de se parler dru s’il le faut. Sinon, on est dans une hyper-conscience de nos relations et dans une réserve sociale qui m’apparaît néfaste. L’incapacité de se dire les choses par peur d’être rejeté, je trouve ça dommage. Ces filles-là se font chier ensemble souvent, se confrontent beaucoup, mais elles restent unies, par instinct, parce que ça leur est nécessaire. »
Le dialogue, rythmé et entrecoupé de flashbacks et de moments plus oniriques, se tisse dans une tension entre l’intime et le social. Ces filles-là sont « lucides au sujet d’elles-mêmes et de leurs travers » mais aussi « capables de se percevoir comme partie intégrante d’une société qui influence ces travers ». « Et ce, même lorsqu’elles font un peu de déni. Elles sont en quelque sorte lucides dans leur déni. »
Bien dans l’air du temps avec ce ton frontal et cette incursion dans l’amitié au féminin, Coco rappelle un peu Table rase, spectacle vu à l’Espace Libre en décembre. Les deux pièces abordent des thèmes similaires et, pour le spectateur assidu de la scène montréalaise, il sera assurément intéressant de croiser les perspectives et les regards de leurs deux auteures, Catherine Chabot et Nathalie Doummar.
Coco, avec une distribution étoilée de jeunes actrices (Anne-Marie Binette, Kim Despatis, Marie Soleil Dion, Nathalie Doummar et Sarah Laurendeau) est mis en scène par un gars. Le comédien Mathieu Quesnel se lance dans cet univers féminin sans retenue. « Il s’est imposé, dit Doummar, à cause de sa capacité à travailler un texte réaliste organique comme celui-là. On cherchait quelqu’un qui allait être dans la direction d’un jeu réaliste, qui allait être proche de nous. Il est très sensible, il a une compréhension parfaite de cet univers. »