Université de Foulosophie : un hommage à Sol «totalement libre»
Pour son 17e Symfolium qui aura lieu du 31 mars au 3 avril, l’Université de Foulosophie rend hommage au «clochard céleste» Sol. Un événement qui tombe à point pour souligner son héritage culturel, un peu plus de 10 ans après le décès de son créateur, Marc Favreau.
Menée par diverses personnalités, dont le comédien Stéphane Crète et l’inclassable François Gourd, ex-chef du parti Rhinocéros, l’Université de Foulosophie rend enfin hommage à une personnalité culturelle québécoise, après avoir notamment célébré l’héritage «foulosophique» de l’artiste italien Luigi Serafini (2013), du médecin américain Patch Adams (2014) et des membres de la tribu urbaine de Christinania (2015).
Encore une fois cette année, Didier Lucien prendra part au cabaret hommage, organisé annuellement par cette université imaginaire qui, depuis 1999, propose des «alternatives créatrices aux modèles de société qui règnent sur la terre».
Aux côtés de plusieurs artistes de renom comme Bernard Adamus, Jérôme Minière, Edgar Fruitier, Daniel Heikalo et Marie-Pierre Arthur, le comédien québécois offrira un numéro qui promet d’être éclaté, le 31 mars prochain au Théâtre Rialto. «Avec Sol, il y a la possibilité de créer quelque chose de totalement libre», dit-il. «Y a pas de barèmes, ni de but à atteindre. On n’est pas limités par l’humour, ni par le drame ou la tragédie.»
Devant une liberté aussi totale, Didier Lucien a donc mis du temps afin de réfléchir à ce que représentait Sol pour lui. «Je me suis posé beaucoup de questions sur mon rapport avec Sol, et je me suis rendu compte que le rapport le plus direct que j’ai eu avec lui, c’était par l’entremise de Sol et Gobelet», explique-t-il, en référence à cette émission culte présentée à la télé de Radio-Canada entre 1968 et 1971. «En toute franchise, Sol tout seul, je n’ai jamais été happé par ce qu’il faisait. Ça n’enlève rien à tout son génie, mais c’était pas mon bag à moi.»
Fort de cette réflexion, le comédien a donc misé sur le côté absurde et étrange typique de l’émission qu’il regardait lorsqu’il était enfant. «Je vais partir de la chanson thème de Sol et Gobelet, et je vais la remixer et la tordre jusqu’à en créer une trame sonore de cinq minutes. Après ça, mon idée de base, c’est qu’il y ait des trucs qui sortent de ma tête», dit-il, amusé, refusant d’en dire plus.
Fruitier, un camarade des tout débuts
De son côté, Edgar Fruitier proposera une vidéo plus intimiste, qui sera retransmise au Rialto pendant le cabaret. Sur celle-ci, il compte mettre à profit le nombre incommensurable d’anecdotes et de souvenirs qu’il a avec Marc Favreau.
Dans la même classe que le futur interprète de Sol à l’âge de cinq ans, au milieu des années 1930, le comédien, animateur et mélomane a ensuite perdu de vue son camarade, avant de le retrouver quelques années plus tard, dans le monde du théâtre.
«Les retrouvailles ont été assez particulières… Elles se sont déroulées un peu avant les années 1950, lorsque nous étions en répétition pour Jeanne d’Arc au bûcher. Je faisais partie des paysans qui dansaient en se réjouissant du couronnement du roi», se souvient Fruitier. «Durant une pratique, je me suis retourné et, dans le chœur, il y avait Marc. Pour une raison ou pour une autre, on s’est reconnus tout de suite, même si on ne s’était pas vus depuis plus de 10 ans.»
Quelques années plus tard, en 1956 plus précisément, les deux comédiens ont fait partie de la mythique Boîte à Surprise. Fruitier y jouait Loup-Garou, et Favreau y interprétait une première mouture de Sol, sans Gobelet.
Ce qui marque encore et toujours le mélomane, c’est la pérennité du personnage de son ex-camarade, qui est passé de la télé à la scène. «On ne pouvait pas penser qu’un personnage allait devenir aussi important», admet Fruitier. «C’est vraiment un personnage formidable. Par la voie de l’absurde, en voyant les choses totalement à l’envers, il nous montrait ce qu’était la vie actuelle.»
Des échos de Sol en France
C’est notamment cette façon propre à Sol de voir les choses qui a interpellé la comédienne française Marie Thomas à créer un spectacle en son honneur.
Présenté au Théâtre de la Passerelle à Limoges en 2014 puis ensuite au Festival d’Avignon, Comment va le monde? est un «spectacle qui emprunte au cirque un défroqué de clown et au théâtre un verbe». Il sera joué à trois reprises au centre Calixa-Lavallée durant le Symfolium.
«Ce spectacle est un cadeau de la vie pour moi. Les salles sont toujours pleines, et les yeux pétillent», indique la comédienne. «Ce qui me frappe le plus, c’est que les Français qui le connaissent, soit en l’ayant vu sur scène ou en l’ayant entendu sur 33 tours, en parlent comme d’un frère.»
Attirée par «ses textes merveilleux, son langage, ses jeux de mots, sa façon de les recréer et de donner tant d’images en quelques phrases», Marie Thomas amène, pour la première fois, son spectacle à Montréal, la ville natale de Marc Favreau.
«Je vois ça comme un rêve qui se réalise», admet-elle, plus qu’enthousiaste. «C’est le genre d’événement qui n’arrive que quelques fois dans une vie et c’est merveilleux.»
Pellerin, héritier de Sol?
Complété par une soirée d’improvisation de la LIM au Lion d’or, ce symfolium marque, à quelques mois près, le dixième anniversaire de la disparation de Marc Favreau, décédé d’un cancer le 17 décembre 2005.
«Y a pas vraiment eu d’hommage qui lui a été décerné récemment, c’est assez bizarre», admet Didier Lucien. «C’est drôle, mais j’ai pas l’impression que quelqu’un a pris le flambeau. Il était tellement unique! Je crois que son humour absurde a déteint sur les humoristes, mais personne ne semble avoir été aussi loin que lui là-dedans.»
Selon le comédien, il faut plutôt aller voir du côté du conteur Fred Pellerin pour voir des traces de Sol, ne serait-ce que par sa façon de jouer et de déconstruire les mots. «C’est le seul qui me semble avoir autant de plaisir sur scène que Favreau à l’époque», dit-il.
«Du peu que j’ai pu voir de lui, je crois, en effet, qu’il a hérité de quelque chose de Sol», renchérit Edgar Fruitier.
Autrement, le comédien et mélomane ne voit pas beaucoup de traces de Sol dans l’humour québécois actuel. «Cachée derrière les jeux de mots de Sol, il y avait une forte critique sociale que j’aimerais bien retrouver chez ces comiques qui se disent humoristes», critique-t-il. «J’aimerais que ceux-ci se compromettent davantage puisque l’humour, c’est quelque chose qui doit nous gratter l’ego et nous dire des vérités qui font mal. C’est ce que Sol faisait et ce qu’Yvon Deschamps a fait, à sa manière, par la suite.»
De son côté, Marie Thomas voit l’héritage Sol d’une façon plus philosophique et personnelle. «Il a su planter des graines dans nos esprits : celles de fantaisie, d’intelligence, de liberté, de lucidité, de merveille et de rire», énumère-t-elle, habitée. «Il nous a donné la force de garder notre joie et notre innocence à travers vents et marées.»
Symfolium Université de foulosophie
CABARET HOMMAGE À SOL – 31 mars à 20h – Théâtre Rialto
COMMENT VA LE MONDE? de Marie Thomas – 2 avril à 16h et 19h, 3 avril à 16h – Centre Calixa-Lavallée, salle Paul-Buissonneau
LA LIGUE D’IMPROVISATION DE MONTRÉAL – LIM – 3 avril à 20h au Lion d’or