Sexe Illégal : Vivre une dernière fois
Sexe Illégal vient tout juste de sortir l’album Rock Danger et présentera la « dernière médiatique » de son spectacle VIVRE! ce jeudi au Théâtre St-Denis. Entrevue-brunch avec ce duo coloré.
Lorsque j’entre au resto, cherchant des yeux Tony Légal et Paul Sèxe, il ne me faut pas plus de deux minutes pour les repérer. Échevelés, munis de lunettes de soleil, les deux humoristes sont en lendemain de veille du blitz de quatre jours qu’a été le Dr Mobilo Aquafest, qu’ils ont co-fondé avec Guillaume Wagner, Adib Alkhalidey et Virginie Fortin. « On vient de passer quatre jours de liberté totale, indique Tony, ça rend ça plutôt triste de se lever le lundi pour aller faire autre chose. » Ce nouveau festival, créé sans prétention mais avec le but avoué de rejoindre un public laissé pour compte par les shows d’humour, a été un franc succès.
un album dangereux
Ce n’est toutefois que la pointe de l’iceberg pour ces joyeux drilles. Ils ont lancé Rock Danger, leur plus récent album, à la mi-mars. L’opus est probablement plus achevé musicalement que ce que bien des fans attendaient, le duo ayant pris le temps de raffiner le matériel le plus possible. Comment travaillent-ils pour la création musicale? « La réponse simple, c’est “Paul fait la musique pis Tony s’occupe des paroles”, mais au final c’est un peu plus compliqué que ça, m’explique Tony. Moi, même si je ne connais rien à la musique, je reçois ses maquettes pis il y en a qui me font tripper, d’autres moins. Il faut aussi que la musique me donne des idées pour des paroles. On est un terreau fertile à deux, t’sais. J’écris pas non plus les paroles tout seul de mon bord, on regarde toujours ça ensemble. »
De son côté, Paul explique : « On travaille beaucoup en impro, en s’enregistrant. Y’a même des tounes sur l’album qui sont des improvisations qu’on a ré-enregistrées presque telles quelles. Pour Désolé, la toune sur le pauvre, c’est une improvisation au piano qu’on aimait bien. » Paul reprend le flambeau : « Le problème c’est que j’avais chanté n’importe quoi… On trouvait le beat le fun, alors on avait gardé ça pour la musique dans le but de récrire un texte éventuellement. Finalement, en écoutant la maquette dans le char avec des amis, tout le monde était comme “Non, les gars, j’pense que c’est vraiment bon!”… Finalement on l’a enregistré de même, pis c’est vrai que c’est une bonne toune! »
Les gars ont complètement auto-produit leur album. La raison en est simple, ils veulent avoir une liberté complète lorsqu’ils travaillent : « Y’a rien qui rentre à la crowbar, c’est hyper démocratique notre façon de travailler. C’est pour ça qu’on voulait pas de producteur, m’explique Paul. » Tony renchérit : « Un producteur ça te laisse pas travailler de façon organique. Ça stresse, ça a des deadline, moi j’en ai pas de deadline. Moi c’est : on est au studio à telle date, je dois chanter telle date. On avait deux sessions de studio, la première on avait peut-être la moitié de l’album prête à être enregistrée, j’ai continué à travailler… On est arrivés la deuxième fois pis il restait trois tracks qui n’avaient pas encore de paroles, on s’est botté le cul et on l’a fait. T’sais, je pense pas que c’est possible de se dire “Hey mon album est prêt en novembre, on va aller l’taper en février”, ça marche pas de même, nous on est trop impatients. »
Autre fait à noter, Sexe Illégal a décidé de rendre Rock Danger disponible en contribution volontaire. On peut donc le payer, selon les choix disponibles sur le site : 0$ (pauvres et enfants), 5$ (sympathique), 10$ (BEN VOYONS DONC T’ES MALADE V’LÀ UN CADEAU : un album de contenus inédits), 25$ (un album de contenus inédits + un email personnalisé de Sexe Illégal), 50$ (l’album inédit + un appel téléphonique), 100$ (album inédit + un appel Skype), 50 000$ (le 1%).
la fin de vivre!
Le duo roule sa bosse avec le spectacle VIVRE! depuis un bon moment déjà, et ils ont fait les choses à l’envers : « On voulait pas faire de première médiatique… Nous autre, les médias on voulait pas qu’ils viennent voir le show au début! On s’est tapé bin de l’impro là-dedans, pis ça a été payant de le roder partout en région avant d’inviter les médias à le voir. » Effectivement, au long des représentations, le duo a modifié le spectacle en y ajoutant des chansons plus récentes, supprimant des numéros marchant moins bien pour les remplacer par du matériel testé sur la route et qui a fait ses preuves.
L’idée de faire les choses à l’envers prend tout son sens lorsqu’on les écoute en parler : « C’est sur que le show va être meilleur que si on avait faite une première médiatique. C’était une question de plein d’affaires… Quand on a parti la tournée VIVRE!, c’était pour vivre, t’sais! On avait même pas les moyens d’en faire une, une première médiatique en louant le Saint-Denis… En voyant que la tournée allait bien, vu qu’on doit toujours trouver le moyen de kickstarter notre prochain projet, on s’est dit qu’on pourrait bien le faire là, maintenant. On l’auto-produit par contre, fait que c’est mieux de marcher en ostie! »
À ce sujet, les gars soulèvent un point important, celui du détachement du public lorsqu’il doit payer pour quelque chose. « Le monde doit se mettre à réaliser que payer un billet, ça fait une grosse différence., explique Tony. Pendant le Mobilo, y’a du monde qui ont réussi à s’en sortir avec un pas pire cachet, t’sais! Nous on auto-produit nos affaires, faque chaque fois que quelqu’un met un 10$ de sa poche, c’est important. On est pas une oeuvre de charité, on veut pas que le monde achète tout ce qu’on fait, mais au moins une affaire, tu comprends? Si on réussit à être sold-out au St-Denis, on va peut-être être capables de ne pas juste se rembourser mais aussi de faire un petit peu d’argent over, mettons que ce serait l’fun. T’sais, si t’aimes pas ce qu’on fait, j’m’en crisse. Mais entre venir voir notre show ou acheter l’album La Voix 4, faut peut-être se poser la question. »
C’est important pour Sexe Illégal de retrouver ce contact plus direct avec le public. Les 18-35 ans sont de plus en plus bombardés de contenus directement sur leur cellulaire, ce qui fait qu’ils ont plutôt tendance à écouter un album sur Youtube au complet plutôt que de payer pour. « C’est correct, que le monde consomme énormément de contenus, mais le virtuel un moment donné ça fait son temps, selon Paul. Il faut renouer ces liens là, artiste-public, si on veut que la culture ça continue d’exister. Sinon, personne va tripper si on fait pus d’humour au Québec dans dix ans parce que personne peut vivre de ça. En enlevant le producteur, nous on coupe un intermédiaire, pis on espère que ça va donner l’impression au public d’être plus près de nous, qu’ils comprendont que c’est directement à nous qu’ils donnent leurs cennes. T’sais, quand t’aimes les bananes, t’as pas le choix un moment donné de payer pour… les bananes ça coûte de quoi! »
Sur ces sages paroles et au son de la chanson-thème d’Indiana Jones (non mais, quelle espèce de resto passe la chanson-thème d’Indiana Jones dans sa playlist? En tout cas.), je quitte les charmants jeunes hommes que sont Tony Légal (Philippe Cigna) et Paul Sèxe (Mathieu Séguin), que je vous invite à encourager en consommant ne serait-ce qu’une affaire, comme ils le disent si bien.