Scène

Le Songe d’une nuit d’été : Célébrer le rêve

La saison hivernale du Théâtre du Trident s’ouvre sur un audacieux croisement entre les arts du cirque et l’œuvre la plus éclatée de William Shakespeare.

Au sein d’une forêt magique, un puissant philtre d’amour commandé par le roi des fées sème la confusion la plus totale dans la romance entre deux couples d’amants, Dimitrius et Héléna, ainsi que Lysandre et Hermia. Célèbre conte shakespearien, Le Songe d’une nuit d’été raconte la rencontre improbable d’une pléiade de personnages légendaires, dans un enchaînement de quiproquos rocambolesques.

«La pièce peut sembler très hétéroclite à la première lecture. En la lisant, je me suis dit qu’on ne doit pas se battre contre le foisonnement de la pièce», explique le metteur en scène Olivier Normand, s’attaquant pour la première fois à Shakespeare avec l’intention d’en offrir une relecture hors du commun. «Quand Anne-Marie Olivier m’a proposé de monter la pièce, c’était à condition d’utiliser le texte comme un matériau avec lequel on peut travailler. J’ai une bonne liberté et je pense qu’on doit se la donner. Ce n’est pas une pièce de musée. C’est simplement un langage que j’essaie d’amalgamer avec les autres.»

Photo : Stéphane Bourgeois
Photo : Stéphane Bourgeois

L’originalité et la pertinence de la production résident d’ailleurs dans la présence acrobatique des artistes de Flip FabriQue, mieux connu dans la capitale pour la production circassienne estivale Crépuscule, aussi mise en scène par Olivier Normand. Voie d’accès efficace sur une dimension spectaculaire des arts de la scène, le cirque captive rapidement l’attention du public, créant systématiquement un rapport très physique au spectacle. Cet aspect très organique en faisait donc un apport de choix pour le metteur en scène, déterminé à surprendre les attentes des spectateurs les plus avertis.

Néanmoins, au sein de l’imposante distribution de 14 artistes, les acrobates seront loin d’être un simple agrément. Présents tout au long des cinq actes, ils feront intrinsèquement partie de l’univers onirique et fantaisiste déployé sur scène; tantôt des doubles immatériels des protagonistes, tantôt une véritable incarnation poétique du désir, au cœur de la mythique forêt qui enveloppe Le Songe.

Photo : Stéphane Bourgeois
Photo : Stéphane Bourgeois

Au confluent du rêve

Désireux de mettre au premier plan un jeu plus physique, le metteur en scène a fait appel aux services du chorégraphe et interprète Alan Lake. Si ce dernier avoue ne connaître que très peu l’univers théâtral de Shakespeare, le décloisonnement des disciplines artistiques l’intéresse hautement. «J’aspire à une collaboration qui fusionne les arts de façon moins sectionnée. On dissocie trop danse et théâtre: il faut des metteurs en scène audacieux qui vont vouloir collaborer avec des chorégraphes. Le mouvement, le geste, peut être présent tout au long d’une pièce, ça permet d’augmenter le potentiel du texte de la même manière que le texte appuie le mouvement dansé.»

Les deux créateurs partagent une telle affinité que la création théâtrale, acrobatique et chorégraphique semble se faire dans une perméabilité réelle. Malgré tout, la symbiose entre les arts coexistant sur scène demeure la clé d’une telle production, explique Alan Lake. «Je pense que c’est toujours ça, le défi, quoique les paramètres de la pièce me permettent déjà d’aller plus loin que dans une pièce de théâtre conventionnelle. Olivier a la porte d’entrée du rêve: on peut établir une convention qui permet plus facilement de sauter d’une chose à l’autre. C’est plus facile d’injecter le côté acrobatique et dansé dans l’univers du rêve immatériel; de développer un mouvement qui se détache du quotidien.» Le chorégraphe soutient également l’importance de suivre la direction du metteur en scène, courroie de transmission entre les interprètes et les concepteurs du projet, dont fait également partie Josué Beaucage, responsable de la composition musicale omniprésente qui habite le récit.

Photo : Stéphane Bourgeois
Photo : Stéphane Bourgeois

Olivier Normand, quant à lui, se considère davantage comme le capitaine d’une équipe effervescente, soudée par l’interdisciplinarité. «C’est assez clair depuis le début, la manière dont je veux que ça s’influence, l’un et l’autre. Le mélange des disciplines, en répétition, c’est vraiment l’fun. Mais le local de répétition, c’est un vrai bordel! (rires) On est 14. Y a un mât chinois, une fosse de réception, et moi je suis assis dans le mur pour essayer de voir tout ça.»

Au carrefour des époques, des disciplines artistiques et des langages scéniques, cette audacieuse production incarne, à sa manière, un tournant pour la scène théâtrale institutionnelle; une ouverture franche à la nouveauté et au choc des idées.

Du 17 janvier au 11 février
Au Théâtre du Trident