Phil Roy : éternel adulescent
Scène

Phil Roy : éternel adulescent

Près de 100 spectacles de rodage plus tard, Phil Roy repart sur les routes du Québec avec Monsieur, un premier one-man-show dans lequel il aborde son laborieux passage à l’âge adulte.

Quand on le rencontre dans un café du Village à Montréal, Phil Roy a des papillons dans le ventre. Dans quelques heures, il montera sur la scène de L’Olympia pour l’avant-première médiatique de Monsieur, un spectacle qu’il peaufine depuis près de deux ans. «Je suis nerveux parce que j’ai beaucoup d’amis qui vont être assis dans la salle», précise-t-il. «Durant tout mon rodage, j’ai insisté pour que mon monde proche ne vienne pas me voir. C’est ma mère qui me disait qu’elle aimait mieux me laisser créer et voir le résultat final, plutôt que de voir le chemin.»

S’il apparait logique, le chemin qui a mené l’humoriste de 28 ans à cette tournée est plus embrouillé qu’on ne pourrait le croire. Même s’il a rapidement tiré son épingle du jeu suite à son passage à l’École nationale de l’humour au début de la décennie, le Lavallois d’origine, également collaborateur à l’émission ALT diffusée à Vrak, a eu son lot de doutes et d’hésitations lorsque la boite de production Phaneuf l’a approché. «On m’avait offert mon premier one-man-show en 2013, et tout le monde me disait que c’était ben trop tôt. Mais j’étais un jeune coq et je me disais que ces gens-là étaient tout simplement jaloux parce que mes affaires allaient bien. C’est un peu plus tard que j’ai commencé à stresser et à comprendre que c’était pas mal plus big que ce que je pensais. En gros, j’étais pas du tout outillé pour ça, et ça commençait à paraître… Le soir où on a déchiré mon contrat, je braillais», confie-t-il.

Ce n’est que quelques mois plus tard, à l’automne 2015, que Phil Roy a accepté de se donner une seconde chance. «Quand Phaneuf m’a approché à nouveau, je leur ai proposé un deal : je fais huit shows au Petit Medley et si, à la fin de tout ça, j’hésite encore, je veux que vous me promettiez de me câlisser patience!» raconte-t-il, en riant. «Tout de suite après le premier show, j’ai su que c’est ça que je voulais faire dans la vie.»

Au centre de ce changement d’opinion : une conversation avec son ami François Bellefeuille. «Ce qui me faisait le plus peur avec le show, c’était de partir sur la route pis de me ramasser tout seul dans mon char à traverser le parc des Laurentides. Je déteste être seul, pis anyway, j’ai même pas de char!» blague-t-il. «C’est Bellefeuille qui m’a fait voir les choses d’un autre œil. Il m’a dit de m’entourer de mes amis pour ce show-là. T’sais, un one-man-show, c’t’une job qui s’apprend sur le tas, fait que pourquoi ça serait pas moi, le tas?»

Crédit : Sarah Dagenais
Crédit : Sarah Dagenais

Entouré d’Olivier Gaudet-Savard à la technique, de Pierre-Luc Beaucage à la direction de tournée et de l’humoriste Guillaume Pineault, qui assurera sa première partie, Roy se servira à bon escient de son expérience en rodage. «J’ai récemment compris qu’un spectacle solo, c’est pas quelqu’un tout seul sur une scène. Au contraire, c’est un dialogue avec le public», explique-t-il. «D’ailleurs, mon public est pas mal plus large que ce que je pensais. Je m’attendais à du début vingtaine, max trentaine, à l’image de ce que je représente à la télé, mais finalement, c’est beaucoup du 40-50 ans. Même qu’à Laval, y a une madame de 67 ans qui est venue me parler. Elle venait me voir en show avec sa fille de 15 ans qui, elle, ne me connaissait pas du tout.»

Moins trash, plus adouci

Sans s’être entièrement assagi, le Montréalais d’adoption admet avoir un penchant moins exacerbé pour l’humour trash, qu’il cultivait davantage auparavant, notamment aux lundis de l’humour qu’il animait au bar Le Jockey. Il refuse toutefois d’admettre que la croissance de son public y est pour quelque chose, préférant en appeler à une évolution naturelle.

«J’ai dû désapprendre beaucoup dans les dernières années», explique-t-il. «Quand je suis sorti de l’ENH, je revenais d’une grosse tournée avec les finissants, où tout était booké et payé, autant notre gaz que notre bouffe. On était dans une ouate qui a pas de bon sens, et toutes nos salles ou presque étaient pleines. Bref, pendant quatre mois, on était Louis-José Houde! Un soir, si ça rit pas dans une salle quand tu te montres la bedaine, c’est pas grave parce que les autres étudiants de ta cohorte, eux, ils ont trouvé ça drôle. Mais la fois d’après où tu reviens à la même place en solo, disons que tu trouves ça pas mal moins l’fun quand personne rit dans la salle. J’me rappelle d’avoir fait la première partie d’un show de Luc Langevin à Amos et de traverser le parc des Laurentides en remettant mes numéros en question. Cette fois-là, je suis revenu direct chez nous parce que j’avais pas de cash pour rester à l’hôtel.»

L’exercice d’écriture qu’il a fait suite à quelques épisodes similaires l’a amené à filtrer et à resserrer ses textes. «J’ai pris chaque numéro et j’ai fait l’exercice de les réduire à une seule phrase. Je me suis demandé si j’avais le goût de me promener partout au Québec pour les dire, ces phrases-là. Est-ce qu’elles me représentent? C’tu pertinent? Est-ce que j’assume ça? Si la réponse était non, je tassais ça. En fin de compte, ça s’est adouci, oui, mais c’est surtout meilleur. Le show est à 100% comme je voulais qu’il soit.»

Amoncèlement d’anecdotes et de réflexions sur sa longue transition de l’adolescence à l’âge adulte, Monsieur tient son origine d’un constat bien personnel : «Moi, quand j’avais huit ans, j’pensais qu’à 28, je serais comme mon père et que j’aurais trois enfants, un chalet, une piscine hors terre… Autour de moi, la plupart de mes amis d’enfance ont ça et sont épanouis là-dedans, mais moi, c’est pas ça qui m’appelait. Ça m’a amené à me demander si moi, malgré tout, j’avais le droit de me faire appeler monsieur même si ma job dans vie, c’est de conter des jokes.»

Fouillant dans son passé pour mieux analyser son présent, Roy aborde sa relation avec ses parents, tout en s’interrogeant sur ce qui, à l’aube de la trentaine, le définit comme un adulte : «J’me rends compte qu’il y a de plus en plus de pubs qui commencent à s’adresser à moi, genre des pubs de char, d’assurance… Peu à peu, je deviens le public cible de ces compagnies-là, même si, à la base, je ne sais même pas encore qui je suis.»

Bref, avec Monsieur, l’humoriste explore les questionnements identitaires inhérents à un typique premier spectacle d’humour, comme l’avaient fait à leur manière les Louis-José Houde, Martin Matte et André Sauvé il y a quelques années. Mis en scène par Réal Béland, ce spectacle lui permettra de sortir officiellement du cercle de la relève pour faire son entrée dans celui bien plus restreint des gros canons de l’humour québécois.

Tranquillement, l’adulescent devient le monsieur qu’il souhaitait.

À la salle Albert-Rousseau de Québec – 31 janvier, 1 et 3 février
À L’Olympia de Montréal – 10 février
Autres dates

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