Constellations: La traversée des possibles
Scène

Constellations: La traversée des possibles

À l’aube de la saison des amours, le Théâtre du Trident présente un texte contemporain à la fois audacieux et touchant. Un kaléidoscope des possibles où le destin n’est que relativité.

Dans un barbecue amical, Philippe et Marianne se rencontrent pour une première fois. À partir de cet événement à la fois banal et déterminant, une quantité innombrable de dénouements sont possibles pour la relation naissante. Amour ou amitié, mariage ou déchirement; ces scénarios alternatifs coexisteraient tous dans une multitude d’univers parallèles. C’est d’après cette théorie scientifique que l’auteur anglais Nick Payne écrit le texte de Constellations, qui s’avère un coup de cœur dramaturgique pour le metteur en scène Jean-Philippe Joubert. « L’histoire est simple et ça lui permet de nous amener dans des dimensions plus grandes, souligne-t-il. Ce que ça influe chez le spectateur c’est un questionnement sur nos propres possibles qui n’existent pas. […] Sur ce qu’on n’a pas fait et qu’on aurait pu faire, sur ce qu’on aurait pu être et ce qu’on pourrait devenir, ainsi que tous les hasards, qu’on ne contrôle pas et qui font ce qu’on est ».

Jean-Philippe Joubert (Crédit: Stéphane Bourgeois)
Jean-Philippe Joubert (Crédit: Stéphane Bourgeois)

« L’histoire est simple et ça lui permet de nous amener dans des dimensions plus grandes. »

Jean-Philippe Joubert

Au fil des répétitions des scènes du quotidien, un total de 45 univers distincts est présenté à la scène, à travers 8 moments de la vie du couple. De ce qui pourrait n’être qu’un exercice de style ludique, émerge une réflexion plus profonde sur les conséquences de nos choix individuels et sur la nature de nos relations interpersonnelles. Autant d’issues possibles, tributaires de facteurs divergents, risquent fort d’attacher le spectateur à cette histoire aussi commune que surprenante.

La principale originalité de la production réside dans la non-linéarité de l’intrigue, exigeant un rythme et une fluidité constante dans l’enchaînement de ses variations. Seuls en scène, deux acteurs se donnent la réplique du début à la fin du spectacle. Sans aucun doute, le défi est de taille pour l’équipe de création, qui s’est néanmoins donné le temps nécessaire à la mise en place de cette structure théâtrale atypique, à laquelle les comédiens ont étroitement participé.

Jouer sur un fil de fer

Au cœur de la salle Octave-Crémazie, le public est convié à partager l’intimité des protagonistes, incarnés par Valérie Laroche et Christian Michaud. Loin d’en être à leur première collaboration, les deux acteurs (ainsi que le metteur en scène) sont issus de la même cohorte du conservatoire. Plus récemment, on a aussi pu voir le tandem Michaud-Joubert au sein de la production de Bousille et les justes, à la Bordée. Déjà complices, les trois artistes ont ainsi pu oeuvrer efficacement à incarner la complexité de la pièce.

Selon Christian Michaud, le texte de Nick Payne requiert un travail d’acteur où chaque nuance s’avère essentielle. «Tu dois être 45 fois un peu différent, précise l’acteur. Mais il faut que le public comprenne bien lorsqu’on vient de changer d’état, d’univers. Il faut qu’on soit clair, mais subtilement.» C’est donc avec une finesse particulière que les acteurs devront moduler les états multiples de leur personnage, tels deux funambules sur un fil droit traversant l’infinité de leur propre possible. «Il faut être clair, dans la mise en place, techniquement. On ne peut pas avoir une fraction de seconde d’inattention. Il faut être constamment présents. C’est vertigineux; oui, le mot est bon. C’est vertigineux.»

Christian Michaud (Crédit: Stéphane Bourgeois)
Valérie Laroche et Christian Michaud (Crédit: Stéphane Bourgeois)

« On ne peut pas avoir une fraction de seconde d’inattention. Il faut être constamment présents. »

Christian Michaud

Sur un plateau de scène très épuré, la mise en scène a été un pari tout aussi exigeant pour Jean-Philippe Joubert. « Ça a été très long faire la mise en place de ça. D’habitude tout est prêt quand on arrive en répétition. Là, je n’étais pas capable de la préparer. […] À toutes les deux pages, il faut que tu repartes à zéro. Tu es toujours entrain de trouver le début du show, ou presque. Le défi, c’est que le spectateur n‘ait pas avoir l’impression de revoir la même scène deux fois ».

Cette création de longue haleine réunira aussi les talents de proches collaborateurs de Joubert, dont le décor de Claudia Gendreau (Mois d’août, Osage County), la musique de Mathieu Campagna et les éclairages chaleureux de Sonoyo Nishikawa. La mise en scène promet de jouer sur les cordes sensibles du public, tentant tour à tour de le surprendre et de l’émouvoir grâce à la proposition originale que constitue Constellations. C’est également une opportunité de voir et d’entendre la dramaturgie contemporaine anglaise se marier à l’accent artistique québécois, dans un élan théâtral qui touche à l’universalité.  

Du 7 mars au 2 avril au Trident