La Trilogie du Futur : inventer le Québec de demain
Scène

La Trilogie du Futur : inventer le Québec de demain

«Puisque le passé n’existe plus et que le futur n’existe pas, autant les inventer», martelait la star internationale du marketing Clotaire Rapaille. Fortement inspirés par cette formule, les metteurs en scène Guillaume Tremblay et Olivier Morin ont imaginé trois scénarios loufoques retraçant les prochaines décennies à venir d’un Québec indépendant. Présentés séparément dans les dernières années, les trois spectacles au dessein prémonitoire seront déployés successivement au Théâtre Aux Écuries.

Rassemblés sous la bannière du Théâtre du Futur, de connivence avec l’auteur-compositeur-interprète Navet Confit, les deux complices prennent un plaisir fou à concevoir «des mondes possibles de demain».

Ironiquement, c’est celui dont il se moque habilement dans Clotaire Rapaille, l’opéra rock qui aura été le fer de lance de ce projet, maintenant appelé la Trilogie du Futur. Dans cette pièce présentée pour la première fois au printemps 2011, le Québec de 2045 «est libre, mais sans grands projets de société», et c’est nul autre que Clotaire Rapaille, hélas sauveur déchu de la ville de Québec, qui est mandaté pour venir faire la psychanalyse du pays.

«Avec la moquerie vient toujours l’amour», rappelle, sourire en coin, Olivier Morin avant d’expliquer plus clairement l’ampleur de cette surprenante source d’inspiration. «Le monde a l’impression qu’on fait référence à Clotaire à la manière d’un Bye Bye, mais c’est pas du tout ça. C’est plutôt le point de départ d’une histoire plongée dans le futur.»

«Clotaire, dans le futur, ça peut être quelqu’un d’autre», poursuit Guillaume Tremblay. «C’est en soi l’archétype de la personne qui arrive de l’extérieur et qui, supposément, est meilleur que nous pour nous dire qui on est. C’est bien beau tout ça, mais est-ce qu’on a fait une introspection avant d’appeler le docteur?»

C’est la mission que les complices ont poursuivie avec panache dès 2011, au lendemain de la vague orange qui a secoué le Québec et qui, du même coup,  a marqué la (première) démission de Gilles Duceppe. «On venait de présenter Clotaire Rapaille au Jamais Lu et on a imaginé le set-up du deuxième spectacle. Ce jour-là, on a callé qu’on en ferait trois», se souvient Morin.

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Clotaire Rapaille, l’opéra rock. Crédit : Toma Iczkovits.

Sacré coup de cœur des médias au Zoofest 2012, ce deuxième volet s’amorce en 2022, alors que Gilles Duceppe revient d’un long exil pour prendre «les rênes du camp du OUI, malgré de terribles menaces d’attentat à la souffleuse».

D’abord intitulé L’assassinat de Gilles Duceppe, le spectacle a changé de nom pour L’assassinat du président suite à un petit scandale, rapidement avorté. «Il y a quelqu’un de l’entourage de Gilles qui a vu ça et qui l’a appelé afin de faire interdire le spectacle. Grâce à nos contacts, on a réussi à lui parler pour lui expliquer notre démarche. Il est finalement venu voir le show deux fois, et on a tout de suite compris que c’était un gars avec beaucoup d’humour. On a quand même décidé de changer le nom pour lui faire amende honorable», explique Olivier Morin.

«De toute façon, c’est mieux comme ça», ajoute Tremblay. «Gilles Duceppe, c’est seulement l’image d’un leader qu’on utilise dans le show. Le sujet, c’est pas lui, mais bien l’affranchissement des Québécois.»

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Gilles Duceppe de passage à une représentation de L’assassinat du président. Crédit : Dominique Bernier.

Le spectacle Épopée Nord utilise également des personnalités publiques de tous horizons (Denis Lévesque et Fred Pellerin entre autres) pour donner de l’ampleur à un futur absurde. Campée en 2035, la pièce jouée au Théâtre d’Aujourd’hui à l’hiver 2015 met en scène des Premières Nations qui «utilisent le clonage pour se reproduire dans un grand dôme perdu au Nord grâce aux profits de Jean Leloup à la SOCAN».

«Encore une fois, c’est pas un show sur les Amérindiens, mais plutôt sur la façon dont les Québécois les regardent», précise Olivier Morin. «Je crois que ce qui traverse nos histoires, c’est cette volonté de soulever toutes les petites failles de notre mémoire collective. En fait, on veut aller au bout de la démarche à Clotaire!»

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Épopée Nord. Crédit : Josée Lecompte.

Si les trois scénarios habitent un certain avenir, la forme qu’ils prennent sur scène renvoie à des modèles de diffusion passéistes. «On commence ça avec L’assassinat dans un style de radioroman des années 1950, puis après ça, on installe un gros tapis rond pour Épopée Nord dans le cadre d’une soirée canadienne acoustique, qui se rapproche du conte. Enfin, on sort l’opéra rock à la Starmania pour Clotaire, et là, ce sont les chansons qui nous racontent», décrit Guillaume Tremblay. «Aux Écuries, c’est la première fois qu’on va avoir un aussi gros tableau pour raconter notre histoire, alors autant en termes de sons et d’espace, on va déployer quelque chose de gros.»

Aussi farfelue qu’elle puisse paraître, la suite d’évènements qui ponctue cette Trilogie du Futur tend à se révéler plus tôt que prévu, comme en témoignent l’élection de Justin Trudeau et «l’autodestitution de PKP», tous deux rapportés dans un des chapitres. «Les jalons qu’on pose dans le futur, c’est une forme de poésie. Le but, c’est de montrer jusqu’à quels extrêmes on peut se rendre si on continue comme ça», analyse Olivier Morin. «On peut voir ça comme une espèce de grosse loupe.»

La Trilogie du futur – Aux Écuries – 31 mars, 1, 7 et 8 avril

L’assassinat du président – Aux Écuries – 28 et 29 mars

Épopée Nord – Aux Écuries – 30 mars, 3 et 4 avril

Clotaire Rapaille, l’opéra rock – Aux Écuries – 5 et 6 avril

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