Odile DuPont: Amour et autres violences
Scène

Odile DuPont: Amour et autres violences

Candidate à la maîtrise en théâtre (c’est ce qu’elle dit pour faire court) et mère porteuse d’un personnage avide d’amour, Isabelle Lapointe brode une spectacle ambitieux autour de son alter-ego ailurophile : Mademoiselle Odile DuPont.

Retour en 2012. On découvre Odile et ses Odettes, concept calqué sur les Clodettes de François, à l’occasion d’une soirée de financement pour le Festival OFF de Québec. Coup de foudre ! En déséquilibre dans ses escarpins noirs, elle brûle les planches d’un Ampli inhabitué à ce genre de concert à la frontière du théâtre. L’ingénue déjà flétrie un brin par le poids de l’âge, la vieille fille pâtie de solitude, révèle l’album intitulé Amour, Fiesta et Chat une dizaine de mois plus tard.

Après une pause qui nous a semblé un peu longue, Isabelle Lapointe replonge enfin, remet son masque. « Ça faisait un petit bout que j’avais pas travaillé sur Odile, j’ai pris une distance d’une année… Je me suis rendue compte que c’est un personnage comme Ulysse, mais qui n’a pas de bout. Elle erre dans le vide. »

Constamment en quête de l’inatteignable lui, Odile DuPont porte en elle une peine latente qui l’a rend curieusement attachante. Ce spectacle, qui « n’est pas une comédie musicale », dissèque l’âme de la belle, analyse la somme de ses expériences. Les chansons, dont quelques compositions encore fraîches, sont assemblées pour montrer l’évolution psychologique de l’héroïne – un peu à la manière du film Accross the Universe. Un exemple qu’Isabelle utilise elle-même. « Ça peut ressembler à ça. […] C’est un spectacle qui hybride le théâtre avec la chanson, un peu comme un drame musical. » Chose certaine : l’ovni scénique sera présenté dans les conditions plus qu’idéales du LANTISS, la salle des merveilles du pavillon des musiciens sur le campus de Ste-Foy.

(Crédit: Jeanne Murdock)
(Crédit: Jeanne Murdock)

Étant donné que je suis aussi étudiante à la maîtrise, Robert Faguy m’a autorisée à m’installer tranquillement, pendant deux semaines, à disposer les éclairages, les décors, toutes ces choses-là. C’est vraiment précieux. C’est rare qu’on peut prendre ce temps-là en musique !

Sans pour autant mettre à profit l’infrastructure high tech du laboratoire universitaire qui l’accueille avec des projections multimédia ultra sophistiquées, Isabelle Lapointe embellit sa proposition des lumières de Geneviève Nadeau. « Geneviève, c’est une fille qui a fait le BAC en théâtre, qui travaille à Thetford Mines. C’est vraiment une demoiselle extrêmement charmante, qui a toujours aimé le travail d’Odile. […] C’est un éclairage qui va faire ressortir le théâtre. L’éclairage d’un spectacle de musique suit la musique, ça met de la dynamique dans le spectacle, mais ça ne vient pas isoler un personnage quand il chante… Nous, on a utilisé le code du théâtre pour créer certains moments où des monologues, par exemple, sont mis à l’avant-plan. »

Le nom de Monika Pilon, comédienne ludique révélée par le Beu-Bye, est aussi au générique, idem pour ceux de 5 danseuses et de trois musiciens. Des joueurs de guitare et de contrebasse qui lui projetteront des répliques entre deux mesures. « Par moments, ils vont devenir méchants, devenir cette figure clichée de l’homme qui maltraite la femme. J’exagère. Je joue beaucoup avec le cliché, c’est très caricatural et c’est ça que je veux. J’ai envie de montrer aux gens cette caricature humaine du rôle de l’homme, du rôle de la femme comme on le perçoit parfois. Les débats sociaux qui ont lieu sur les genres, sur la culture du viol, et cetera… Ça brasse tellement de choses du point de vue : qu’est-ce qu’un homme ? Qu’est-ce qu’une femme ? »

Emballé dans une forme cabaret, l’écrin d’une époque vétuste, cette production « scolaire mais professionnelle » recèle une propos difficile à digérer et, surtout, caché par un amas de paillettes. « De la cruauté et de la violence peuvent émaner de certains propos. On est dans un environnement rose bonbon, mais le propos ne l’est pas toujours… »

Nuancé, bien que cartoonesque à première vue, l’univers d’Odile DuPont se déploie dans en ce lieu méconnu et sans site web fonctionnel qui accueille pourtant quelques-unes des propositions artistiques les plus audacieuses de la ville.

Le spectacle raté de la chanteuse écrapoutie
27 avril à 20h au LANTISS
(Pavillon Casault, Université Laval)

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