Scène

Yannick De Martino : Savoir sauter dans le vide

L’humoriste Yannick De Martino a beau faire encore partie de ce grand bassin qu’on qualifie de «relève» de la scène québécoise, il sait exactement où il s’en va, une improvisation à la fois.

Au cours des six dernières années, Yannick De Martino a travaillé d’arrache-pied pour faire son chemin sur la scène professionnelle. D’abord gagnant du concours En route vers mon premier gala (2011) et ensuite sacré révélation de la première édition du Festival ComediHa! (2015), il accumule maintenant les étoiles sur son parcours. Son style absurde et décousu fait de plus en plus d’adeptes partout où il passe, tant dans le cadre de grands galas estivaux que dans les bars et les salles régionales où il présente actuellement ses textes.

Joint au téléphone quelques heures avant le dernier spectacle d’une mini-tournée abitibienne, l’humoriste de 28 ans valorise énormément ces premières étapes de rodage, qui façonnent petit à petit son premier one-man-show. «Y a des gens qui se déplacent simplement pour le mot humour, sans te connaître. […] Ça crée des situations où tu dois te débrouiller. Ça rend ton matériel blindé, de jouer dans certaines situations difficiles.»

Photo : Michel Grenier
Photo : Michel Grenier

Évoluant sans avoir emprunté la voie plus traditionnelle de l’École nationale de l’humour, Yannick De Martino n’est pas plus conventionnel dans sa manière d’écrire. Si la plupart des auteurs s’installent derrière le clavier pour écrire leurs blagues avant de les tester devant public, ce dernier choisit plutôt de faire l’inverse, prétextant une mise en danger essentielle qui motive son urgence d’écrire. «L’endroit où j’écris le plus souvent, c’est sur scène. La majorité de mes idées viennent de moments où je suis en danger: tu peux pas te permettre d’avoir cinq mauvaises idées pour finir par en avoir une bonne. En rodage, je pars avec des idées, mais les blagues ne sont pas écrites. Je pense qu’il faut que je sois le premier surpris de ce que je viens de dire.» Si cette approche provoque de belles surprises, elle comporte aussi son lot de risques. L’improvisateur se compte toutefois assez chanceux à cet égard. «Les fois que ça arrive, c’est que je ne suis pas la bonne personne devant le bon public. Comme William Deslauriers devant des fans d’AC/DC. Par exemple, c’est arrivé qu’on ne me dise pas que le public allait être des enfants. Je dois avoir environ deux jokes qui conviennent aux enfants.»

Au fil de ses improvisations scéniques, quelques petits spectacles ont déjà permis au public d’apprivoiser l’univers loufoque du jeune humoriste. Après Moralement gris et Brouillon, De Martino a tout récemment présenté Triptyque au Lion d’Or, un concept alignant trois spectacles consécutifs d’une heure chacun, tous mis à la rigoureuse épreuve du rire et des applaudissements. C’est d’ailleurs à la conceptualisation, au «contenant», que réfléchit actuellement Yannick, avant même de commencer à créer la courtepointe de numéros qui tisseront son futur one-man-show. Rien ne presse, puisqu’entre-temps, les projets ne manquent pas.

Tel que vu à la télé

Bien que l’humour demeure une discipline qui se vit avant tout sur les planches, il semble quasi inévitable, pour toute une génération de nouveaux artistes, de se faire voir sur une multitude de plateformes de diffusion. Les sketchs télévisés et le web sont-ils devenus une toute nouvelle manière de faire de l’humour? «Le divertissement est partout. Il faut que tu convainques les gens de se déplacer pour venir te voir. Internet, je le vois plus comme un outil. […] En faisant du web, t’as pas à attendre que la télé te dise oui. C’est une liberté incroyable à faible coût, mais sans les réactions spontanées du public. Des fois, ça me rend fou de regarder aux 30 minutes les gens qui commentent ton statut.»

Issu du milieu de l’improvisation, l’humoriste s’inscrit néanmoins dans cette mouvance et satisfait sa passion pour le jeu à travers des sketchs massivement partagés sur le web, où il donne notamment la réplique à ses collègues Rosalie Vaillancourt et Julien Lacroix. On peut également le voir en action dans Ça ou ça, projet de podcast coanimé avec Mehdi Bousaidan où chaque invité est contraint de choisir entre deux options inusitées. C’est d’ailleurs l’un des concepts que Yannick trimballera sur la route, en plus de présenter ses numéros lors des principaux galas humoristiques estivaux. D’un festival à l’autre, habillé de désinvolture, Yannick De Martino et ses réflexions un brin décalées risquent encore une fois de dérouter le public… à son plus grand plaisir!

16 juin, gala de Phil Roy au Grand Théâtre de Québec
17 juin, spectacle solo suivi du podcast Ça ou ça à la Maison Chevalier
Dans le cadre du Festival ComediHa!