Scène

Montréal Complètement Cirque : une édition survoltée

Cette année, le festival se poursuit au-delà du 16 juillet, date de fin initialement prévue. Retour sur nos trois spectacles préférés.

Cette édition 2017 du festival Montréal Complètement Cirque était attendue, notamment en raison du 375e anniversaire de la ville qui se tient cette même année. Si la programmation extérieure gratuite nous a peu surpris, les spectacles en salle ont mis le niveau très haut, montrant que, définitivement, Montréal est la capitale du cirque. Voici notre trio de tête:

Il n’est pas encore minuit, compagnie XY

Christophe RAYNAUD DE LAGE/WikiSpectacle
Christophe RAYNAUD DE LAGE/WikiSpectacle

Ils sont 22 sur scène. C’est que la Compagnie XY travaille autour de la force du nombre: ici, pas de filet ni de tapis, ce sont les acrobates qui se surveillent mutuellement et se rattrapent pendant les figures. Leur sécurité, c’est cette large gang de circassiens qui s’étale sur toute la scène. Le plateau est en effet bien occupé, et dans toutes les directions: les artistes de XY se spécialisent dans la voltige.

Numéros de main à main, colonnes, pyramides, bascules et portés se succèdent dans une ambiance de fête, entre bagarre et fou-rires. Il y a très peu d’accessoires et de matériel de cirque sur scène. La plupart du temps, ce sont juste ces corps qui sautent, tournent, courent, se grimpent dessus et escaladent. Aux numéros comiques s’alternent des images plus poétiques. Un show qui valait bien d’être le spectacle révélation de la Biennale de Lyon!

On en a plein la vue tout au long du spectacle, au point parfois que les figures se perdent au milieu du trop-plein d’action sur la scène et que l’on ne sache plus où regarder. L’ambiance générale est à la joie, avec une musique swing en fond et des pas de danse lindy hop qui viennent faire la transition entre deux acrobaties de ces circassiens en costumes rétros. Une heure d’un ballet effréné. On garde l’œil sur cette compagnie française!

Tabarnak, par Cirque Alfonse

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La marque de fabrique de cette compagnie de Lanaudière est de s’inspirer du folklore québécois. Après Timber et Barbu, le Cirque Alfonse s’attaque dans Tabarnak à l’univers religieux. Dès le début du spectacle, les deux religions du Québec sont évoquées: le catholicisme et le hockey. Les bancs en bois figurent aussi bien les bancs de messe qu’un vestiaire de hockey du passé.

Du folklore, il y en a en veux-tu en voilà. L’ouverture se fait sur un numéro de gigue assis, sur musique traditionnelle. S’ensuivent des danses en carré – faites en patins à roulettes, s’il vous plaît. Avec trois musiciens sur scène, on profite en live de musique électro-trad, tantôt guitare électrique et tantôt orgue. Quelques chants traditionnels et chansons à répondre viennent également s’insérer entre des numéros d’acrobaties.

Dans un décor un peu fouillis et plein d’objets, se succèdent main à main, balançoire russe, perche traditionnelle, barre russe, courroie aérienne, spinning meteor… Parmi ces disciplines, plusieurs sont nouvelles pour la compagnie circassienne. Si certaines allusions à la religion sont peu subtiles (la scène du baptême voulue comique), d’autres sont poétiques et bienvenues, comme ces numéros d’acrobatie qui s’inspirent du sonneur de cloches, de la figure christique, de derviches tourneurs, ou ces encensoirs qui virevoltent dans un ballet à plusieurs.

Vice et Vertu, par Les 7 doigts de la main

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C’est sans conteste la pépite du festival. Si le 375e de Montréal n’a pas financé que des bonnes idées, celle-ci mérite le coup d’œil. Vice et Vertu sort des sentiers battus en amenant le spectacle au public. La foule se tient debout alors que les numéros sont joués sur des scènes tout autour d’elle. Puis on est emmenés dehors, pour un spectacle en plein air devant gradins.

La troisième partie nous conduit sous le dôme de la SAT, où des projections vidéo et audio nous transportent dans la Main des années 1920, sur le Mont-Royal aujourd’hui, sur le Pont Jacques Cartier, tandis que les acrobates évoluent au milieu du public. Si cette mise en scène a ses inconvénients (notamment pour les plus petits qui ne voient pas toujours bien l’ensemble, ou pour ceux qui ont du mal à rester debout longtemps), elle est éclatée et originale.

Toute l’équipe porte de beaux costumes d’époque, qu’ils incarnent policier, chanteur, effeuilleuse ou journaliste, de même que certains spectateurs qui se sont pris au jeu et sont venus habillés façon années folles. Les petites histoires fictionnelles des personnages se mêlent à la grande histoire de Montréal, et on suit le combat pour l’accès au droit de vote des femmes, le combat religieux contre le « vice », la corruption politique et policière…

Dans cette création multidisciplinaire, le théâtre se mêle à la jonglerie, à la danse, au main à main, au burlesque, au mât chinois, à l’acrobatie… Mention spéciale au numéro de diabolo, manié avec une incroyable virtuosité. Vice et Vertu est original, inventif et festif, et célèbre l’esprit de Montréal comme jamais.

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