Bienveillance : La bonté avec un grand B.
«Entre la bonté et moi, il y a une autoroute de campagne, devant un verger rempli de pommiers.»
Bienveillance est une petite municipalité rurale, calme et paisible. Pourtant, l’air y est plutôt lourd pour Gilles Jean (Emmanuel Bédard), un avocat retournant à son village natal pour y rencontrer le triste destin de son ami d’enfance, Bruno (Eliot Laprise). Le jeune fils de Bruno est dans le coma à cause d’une ambulance arrivée trop tard sur les lieux. Les poursuites sont en cours, mais Gilles Jean se trouve du «mauvais» côté de la justice. Au cours d’un repas interminable, s’opposent les démons intérieurs d’un individu au drame d’une famille entière. Comment fait-on pour être fondamentalement bon?
C’est une histoire des plus banales, un fait divers anodin dont se sert habilement l’auteure Fanny Britt pour construire des personnages savoureux, noués dans un conflit dramatique en crescendo qui se dévoile peu à peu au spectateur. C’est véritablement le genre de texte qui nous reste au cœur; Marie-Hélène Gendreau l’a bien compris, laissant toute la place aux répliques colorées de l’auteure avec une mise en scène sobre, ponctuée des savants jeux d’éclairages de Sonoyo Nishikawa.
À la fois narrateur et protagoniste, Emmanuel Bédard livre avec froideur et finesse les réflexions et soucis de l’avocat antipathique, dont le malheur finit immanquablement par nous toucher. Soulignons également la performance flamboyante de Lorraine Côté dans le rôle de la mère de Gilles, pilier du récit qui décoche au moment juste, les vérités qui fracassent les non-dits.
Bienveillance est une pièce bien ficelée, qui nous remet efficacement en pleine face la question de notre propre degré d’humanité et de notre empathie individuelle. L’individu s’oppose à la collectivité, en perspective avec la question délicate des classes sociales, ainsi que la sempiternelle opposition entre urbanité et ruralité. Malgré une finale quelque peu précipitée (et un étrange personnage de père fantôme rappelant Hamlet), on se laisse entraîner par les mots de Fanny Britt, quelque part entre le conte rural et le théâtre.
Bienveillance – du 12 septembre au 17 octobre – Théâtre La Bordée