Scène

Louis-José Houde : Éloge de la lenteur

Quinze ans après son entrée fracassante sur la scène humoristique québécoise, Louis-José Houde propose Préfère novembre, un spectacle «créé dans une urgence raisonnable».

«Ça devient cliché à entendre, je sais, mais c’est l’œuvre qui me ressemble le plus, celle que je trouve la plus honnête», explique l’humoriste de 39 ans à propos de ce quatrième spectacle en carrière, qu’il considère plus près du récit intime de Suivre la parade, son deuxième, que du vigoureux feu roulant des Heures verticales, son subséquent.

L’Apollinarois revendique ici son attachement au mois des morts, celui de l’indolence et du relâchement après l’été qui s’étire. Un paradoxe marqué pour un humoriste verbomoteur à l’énergie scénique bien connue: «C’est dur à croire, mais je suis pas quelqu’un d’euphorique. En m’écoutant parler dans la vie de tous les jours, je me suis rendu compte que j’étais toujours celui qui voulait pas aller à telle place, qui préférait rester chez lui. Je crois que c’est en pratiquant le métier d’écriture que je suis devenu comme ça. À travers les années, j’ai développé une grande capacité de solitude, un grand intérêt pour l’isolement.»

Après une ode à la lenteur en introduction, Houde élargit sa thématique et décortique les raisons qui poussent l’humain à avoir peur de mourir. «Mon constat, c’est que cette peur-là vient probablement d’une peur de pas en avoir assez profité. Mais t’sais, c’est pas si simple que ça, en profiter. Qu’est-ce qu’il faut faire dans la vie pour profiter de tout pis avoir du fun?» demande l’humoriste, avant de poursuivre sur le contenu de son spectacle. «Après ça, je m’intéresse à des sujets plus sociaux, une première dans ma carrière. J’ai même un numéro sur l’eau! Je pensais jamais que ça m’arriverait…»

Bref, Préfère novembre n’est pas le spectacle conceptuel qu’il peut laisser sous-entendre. Loin de vouloir se cantonner à un seul sujet, l’artiste réfléchit aussi à la place des femmes dans sa vie, au célibat «passé 35 ans», à la monoparentalité. Des thématiques somme toute originales dans un style d’humour d’observation aux ramifications souvent redondantes.

«Je voulais que ce soit personnel, mais y a des histoires là-dedans qui m’appartenaient pas à 100%. Y a un numéro, par exemple, que j’ai dû enlever parce que la personne impliquée dans le récit m’a pas donné l’autorisation de le raconter. Je me suis toujours fait un devoir de demander la permission avant de rendre ça public, à moins que ce soit une vieille anecdote qui s’est déroulée y a 16 ans à Alma à deux heures du matin», nuance-t-il judicieusement.

Le plus épuré possible

Comme d’habitude, Houde a fait appel à son fidèle metteur en scène Joseph Saint-Gelais. Fan de stand-up classique depuis l’adolescence, cette époque où il louait en boucle les deux seuls spectacles d’humour américain en VHS de son club vidéo, l’humoriste a encore une fois tenu à ce que le décor l’entourant soit le plus épuré possible. «C’est moi avec un micro pis un rideau d’opéra en arrière. Ç’a l’air de rien de même, mais un rideau de qualité comme ça, ça coûte cher en esti… Pas mal plus que des cristi de ballounes pis des cubes avec des trampolines!»

photo : Antoine Bordeleau
photo : Antoine Bordeleau

Cette recette de spectacle simple, essentiellement axée sur le contenu des blagues et la présence scénique de l’humoriste, Louis-José Houde la répète depuis son tout premier one-man-show, qui l’a révélé instantanément au grand public. Au tournant des années 2000, cette tendance héritée du comedy club new-yorkais n’avait toutefois pas la cote au Québec.

Très précis, voire chirurgical, dans ses études des mécanismes humains, l’artiste s’est rapidement démarqué sur une scène humoristique à bien des égards sclérosée. «Je suis vraiment arrivé dans une transition, alors que l’humour à personnages était encore très fort. Mis à part pour des gars comme Patrick Huard, François Massicotte et François Morency, le stand-up d’observation, c’était relativement nouveau ici, se rappelle-t-il. J’essayais d’amener des nouveaux thèmes… J’avais pas de numéro sur le mariage, mais ça me dérangeait pas de parler de pâte à dents ou de pot de cornichons pendant quatre minutes.»

Repris à plusieurs sauces depuis, ce style d’humour sans artifices est toujours aussi populaire au Québec, autant dans les galas Juste pour rire qu’au comédie club Le Bordel. Copropriétaire de cette salle inaugurée il y a deux ans, Houde se dit plutôt heureux qu’un endroit comme celui-ci existe à Montréal, une ville qui a mis du temps avant de suivre la tendance des soirées d’humour hebdomadaires en vogue dans les banlieues et les régions depuis plus de 15 ans. «C’est un lieu qui favorise l’écoute. On l’a pensé pour qu’il soit physiquement sans failles. Je dis pas que les shows le sont, mais l’endroit, oui!» blague-t-il.

En manque de plateformes et d’espaces de diffusion il y a moins de 10 ans, la relève occupe une place de choix dans la dizaine de spectacles programmés chaque semaine au Bordel. En découle une proximité plus grande entre les générations d’humoristes. «On crée beaucoup de temps de scène, les gens se croisent beaucoup en coulisses. À titre d’exemple, avant Le Bordel, je devais connaître quatre humoristes de la relève au Québec, alors que maintenant, je dois en connaître plus de 50 par leurs noms, explique-t-il. Ce que j’aime tout particulièrement de la relève actuelle, c’est qu’elle tente pas de plaire à tout le monde. Beaucoup de jeunes humoristes ont construit leur public et se louent eux-mêmes des salles de 200, 300 personnes. C’est très différent de mon époque où tu faisais le tour des bars du Québec et que t’attendais pendant sept ans de faire le Saint-Denis. Y a comme un entre-deux qui s’est créé, une classe dans le milieu.»

Visiblement allumé par l’audace de ses collègues, Louis-José Houde se sert parfois de sa tribune au Bordel pour sortir de sa zone de confort. «J’y vais par essai-erreur, et ce que je remarque, c’est qu’avec moi, les gens ont le “honnnnnn!” très facile. À côté, t’as Mike Ward qui peut dire n’importe quelle obscénité et ça applaudit comme jamais, mais moi, je dis que quelqu’un est un peu grasset et les spectateurs sont déçus. On dirait que ça fait trop longtemps que je suis implanté dans le milieu pour changer de style, et de toute façon, c’est pas quelque chose que je voudrais faire, assure-t-il. Par contre, j’ai une anecdote scatologique que j’voudrais enregistrer et crisser dans une voûte pour que quelqu’un la ressorte à ma mort. J’ai 3, 4 numéros dégueulasses de même à mettre dans mon testament.»

MONTRÉAL
Préfère novembre
à l’Olympia
le 29 novembre
les 1, 2, 8, 9, 15 et 16 décembre

QUÉBEC
Préfère novembre
à la Salle Albert-Rousseau
du 21 au 24 novembre