Scène

Le cas Joé Ferguson : Faire parler le drame

Isabelle Hubert et Jean-Sébastien Ouellette refont une nouvelle fois équipe pour donner naissance à une pièce interrogatoire qui n’a pas peur de brasser nos valeurs.

Le cas Joé Ferguson est une pièce dont le point de départ n’a rien d’ordinaire. Originaire de New Richmond, en Gaspésie, l’auteure Isabelle Hubert assiste à des funérailles dans son village natal. Face au columbarium, elle s’interroge sur l’identité des morts, dont les urnes se côtoient immanquablement. « Je me suis demandé : si dans cinquante ans, je me retrouve à être la voisine d’urne de Paul Bernardo, est-ce que ma famille va être confortable avec ça? » Rapidement, une histoire se dessine : l’exposition des cendres d’un criminel au cœur d’une petite communauté rurale sèmerait la commotion. Les villageois seraient-ils tentés de vandaliser la mémoire du défunt? Pourrait-on éviter d’identifier l’urne? Comment réagirait la mère de ce criminel? Autant de questions s’avéreront être un moteur de création.

 

En ville comme à la campagne

Le travail d’écriture de la pièce s’est échelonné sur presque dix ans, alors que les questions, les idées et les personnages se développaient peu à peu, dans un coin de la tête de l’auteure prolifique. C’est sur l’invitation d’Eudore Belzile (directeur artistique du Théâtre Les gens d’en bas) qu’Isabelle Hubert termine sa pièce, juste à temps pour sa création au Théâtre du Bic, à l’été 2016. « C’était à la fois excitant et super paniquant, parce que moi ça me prend du temps écrire. (rire) […] On était super fiers de la production, mais dans un processus idéal, il aurait fallu qu’on aille le temps de faire des labos. »

Cette chance se présente, alors qu’Anne-Marie Olivier inscrit la pièce à la programmation automnale du Théâtre du Trident. Perfectionnistes, Jean-Sébastien Ouellet et Isabelle saisirent donc l’opportunité de réécrire certains passages du texte et de la mise en scène, pour ainsi arriver à ce qu’ils désignent comme une « refonte » plutôt qu’une reprise.

 

Zone grise

L’histoire demeure néanmoins la même. Dans un village, un jeune homme assassine la directrice de l’école primaire avant de s’enlever la vie. Ne reste de ce drame que les cendres du meurtrier au cimetière. Au milieu de la communauté sous le choc, une jeune étudiante en criminologie débarque pour poursuivre ses recherches portant sur l’impact des crimes graves dans une population rurale. À la recherche de témoignages, la protagoniste donne à la pièce des airs d’intrigue policière, où le public tentera à son tour de retrouver toutes les pièces du casse-tête, mais surtout d’aller au-delà des faits divers.

Les comédiennes Joëlle Bond et Valérie Laroche (Crédit photo : Stéphane Bourgeois)
Les comédiennes Joëlle Bond et Valérie Laroche (Crédit photo : Stéphane Bourgeois)

« Mon but était de parler de nuances, de compassion et de pardon, explique l’auteure. Ma propre expérience de vie de village n’est ni noire ni blanche. J’adore venir d’un village et je déteste venir d’un village. Je voulais parler de cette dualité-là, qui éclabousse tous les domaines de la vie. » Si chacun de ses personnages entretient un rapport différent avec la ruralité, c’est qu’Isabelle Hubert cherche aussi à multiplier les points de vue possibles sur ces situations qui touchent aux fondements moraux humains.

Le cas Joé Ferguson se veut ainsi un appel à la reconnaissance de la souffrance, en opposition à la pensée manichéenne qui amène le public à condamner promptement les criminels. « C’est trop facile de dire : ce sont des méchantes personnes. Il faut essayer de comprendre ce qui pousse quelqu’un à commettre l’impardonnable. Il y a beaucoup de monde qui pense que ça existe du monde méchant. Moi, je suis convaincue du contraire.  »

Du 31 octobre au 25 novembre
Au Théâtre du Trident