Scène

Beu-Bye 17 : Tout est dans la manière

Le traditionnel Beu-Bye s’installe pour une 4e édition à La Bordée. Cette année, la corrosive rétrospective jongle habilement avec l’actualité régionale et les nombreuses têtes de Turc politiques. 

C’est d’abord ce qui fait l’originalité et l’efficacité du Beu-Bye : un angle très local où les personnages et les sketchs sont inspirés des gros titres qui font jaser la ville de Québec. L’année 2017 semble d’ailleurs avoir été généreuse en matériel pour la joyeuse équipe de comédiens dirigée par Lucien Ratio, qui assure encore une fois la mise en scène. Dans l’arche d’une imposante structure à trois paliers, magnifiée d’éclairages colorés, les temps morts sont rares. Les personnages se succèdent avec fluidité, autant que les éléments de décor, les perruques et les nombreux costumes.

La très grande majorité des blagues visent droit au but, tant dans les courtes scènes que dans les performances musicales, agrémentées des guitares de Mathieu Campagna, trônant au sommet du décor. Du pastiche des Backstreet Boys en ouverture, jusqu’au troublant duo country xénophobe, en passant par l’incontournable Despacito (renommé Dubois-Nadeau), les numéros musicaux ont su apporter du rythme à l’ensemble de l’oeuvre, avec une interprétation vocale surprenante.

Les comédiens ont revêtu le même ensemble que les Backstreet Boys. lors de leur marquant passage au FEQ. (Crédit Vincent Champoux)
Une scène, une pose et des costumes qui rappellent le passage des Backstreet Boys au Festival d’été de Québec (Crédit Vincent Champoux)

Étoiles du match

Parmi les bons coups de la soirée, le sketch sur la nouvelle mairie de Montréal, où Denis Coderre fait appel à Batman et Robin pour trouver l’identité du saboteur de sa campagne politique, nul autre que Valérie « Catwoman » Plante. Aussi incontournable, le très récent pseudo-scandale de la cigarette au Théâtre du Trident a été habilement brodé au spectacle; un clin d’oeil accueilli par une salve d’applaudissements spontanés de la part du public. Impossible de passer à côté de la sortie du placard très médiatisée d’Éric Duhaime, citée à quelques reprises au fil de la soirée. Ce dernier fait aussi l’objet d’une scène savoureuse où on imagine sa rencontre avec Saint-Pierre aux portes du paradis. Si tous les comédiens arrivent à nous surprendre avec de solides interprétations et de grands défis d’imitations, l’étoile du match revient sans doute à Jean-Philippe Côté, fin caméléon pour qui l’expérience en improvisation est une clé essentielle à la création de personnages si cinglants.

Du rire et des hommages

Sur le ton du recueillement et de l’hommage, le tragique événement de la mosquée, survenu en janvier 2017 a été souligné parallèlement à l’interprétation d’un classique de Tom Petty, Free Fallin. Le décès de Patrick Bourgeois, chanteur des BB, est aussi mis en lumière, grâce à quelques références musicales mélodiques ou encore à l’insertion efficace de paroles du mythique groupe québécois. Du début à la fin de la soirée, le public est tenu en haleine grâce à un spectacle bien ficelé par une équipe qui semble avoir appris de ses expériences passées. Nicola-Frank Vachon, Joëlle Bourdon, Philippe Durocher, Ariane Bellavance-Fafard, Nicolas Létourneau, Jean-Philippe Côté, Lucien Ratio et leurs auteurs invités nous donnent une belle leçon de fin d’année. Il n’y a pas de limite aux sujets dont on peut rire sur scène. Tout est dans la manière et cette année, l’équipe du Beu-Bye a visiblement trouvé la bonne.

Jusqu’au 30 décembre à La Bordée