Juste une p’tite nuite : un cirque pour Les Colocs
Après Beau Dommage, Robert Charlebois et Luc Plamondon, c’est donc aux Colocs qu’est consacré le nouveau spectacle de la série Hommage du Cirque du Soleil, présenté dans l’amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières. On se demandait comment l’univers du groupe allait être représenté dans la création de la compagnie circassienne, dont les créations ont un côté bonbon un peu trop sucré depuis son rachat en 2015 – on se souvient notamment du fastidieux Crystal.
Arrêtons tout de suite le suspense : contre toutes attentes, Juste une p’tite nuite réussit à entraîner son public (les 3 500 places du bel amphithéâtre) dans une ambiance tantôt nostalgique et tantôt survoltée, et surtout émue au souvenir du grand Dédé Fortin. Aux manettes, la même équipe que pour les précédents spectacles de la série Hommage, Jean-Guy Legault et Jean-Phi Goncalves à la mise en scène et à la musique.
Certes, la tentative de donner un côté un peu grunge dans la scénographie échoue un peu, les costumes et la déco trop propres et colorés semblant plus sortir d’un clip de pop que d’un party de ruelle désaffectée. Mais on y retrouve bien l’atmosphère festive propre aux Colocs et à leurs concerts énergiques, l’envie d’être jeune et fou pour toujours, même si ça dure juste une nuit.
27 artistes se partagent ici la scène dans des tableaux qui reprennent 14 des chansons les plus connues du groupe (Julie, Tassez-vous de d’là, Dédé, Juste une p’tite nuite…) L’équipe est constituée de jeunes acrobates, certains sortant tout juste de l’école mais présentant déjà des numéros de haut niveau.
On apprécie notamment la variété des disciplines représentées. Du numéro de corde à sauter survolté (surtout quand la corde est enflammée) à celui, très technique, de main à main ou encore des sauts depuis des balançoires russes pour atterrir sur des draps tendus, on en voit de toutes les couleurs. Petit bémol : le groupe de danseuses, s’il amène parfois des interludes vitaminés, n’est pas vraiment nécessaire. L’œil du spectateur se perd en effet parfois dans la pléthore d’actions aux quatre coins de la scène.
Mais si le rythme va souvent vite, il sait ralentir pour des moments d’émotion, comme cette belle performance de mât chinois au son de Belzebuth. L’émotion, on l’a aussi vivement ressentie lors du superbe numéro sur lampe acrobatique qui mettait si bien en valeur la chanson Répondeur. Un public rivé au faisceau lumineux, les paroles au bord des lèvres, la larme au coin de l’œil. Un contraste entre détresse et lumière qui reflétait bien la personnalité du chanteur du groupe. Finalement c’est comme ça qu’on apprécie le mieux les chansons : avec moins de lumières, de couleurs et d’artifices.
C’est que la musique est très bien utilisée dans ce spectacle, où les chansons originales ont été reprises – à part quelques retouches subtiles ici et là. La voix de Dédé Fortin résonne, claire et forte dans l’amphithéâtre ouvert sur le fleuve. Le chanteur décédé est là furtivement, dans la voix mais aussi via cette chemise carreautée qui se promène d’interprète en interprète au fil des numéros, pour le personnifier.
Les numéros ne sont pas toujours reliés aux chansons, le lien avec le cirque est parfois un peu forcé et la qualité des tableaux est inégale. Mais la magie opère malgré tout, surtout dans les numéros les plus simples et mélancoliques – une atmosphère plus émouvante peut-être amenée par le fantôme de Dédé. La finale sur la chanson La Comète, le numéro de balançoires russes pendant lequel les spectateurs retenaient leur souffle, clôt le spectacle sur une note festive.
Un spectacle qui a en tout cas conquis Jimmy Bourgoing, ancien batteur des Colocs et seul membre du groupe présent lors de la première. Trente ans après le succès du groupe, cet hommage montre que le public d’hier ne l’a pas oublié – et que le public d’aujourd’hui les découvre avec bonheur via le cirque.
Juste une p’tite nuite
jusqu’au 18 août à l’Amphithéâtre Cogeco