La flûte enchantée : La finesse de l'illusion
Scène

La flûte enchantée : La finesse de l’illusion

Une fois de plus, le Festival d’opéra de Québec s’associe au dynamisme créatif de Robert Lepage et à son équipe pour mettre en scène la pièce de résistance de sa prochaine édition. Sur la vaste scène du Grand Théâtre, place aux envoûtements et à la rocambolesque histoire de La flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart.

Jadis considéré comme marginal, voire vulgaire, cet opéra est aujourd’hui l’un des plus connus du grand public. C’est sans doute en raison du contexte moins guindé dans lequel elle a été créée que la pièce s’avère être une porte d’entrée tout indiquée pour les plus néophytes, tout en demeurant un classique du répertoire lyrique. Avoisinant la parodie, La flûte enchantée s’inscrit dans un univers éclaté qui aura tôt fait d’inspirer le metteur en scène. «Il y a des personnages bouffons extraordinaires dans La flûte, qu’on retrouve peut-être moins dans d’autres opéras. Il y a aussi toute cette fantaisie extraordinaire: plein de sortilèges et plein de prétextes pour des tours de magie, des apparitions, des disparitions ou des transformations», explique Robert Lepage, qui compte bien insuffler à la scène cette magie, qui suscitera assurément l’émerveillement des plus sceptiques.

Si le metteur en scène est reconnu pour ses décors grandioses, son usage des nouvelles technologies et les prouesses techniques que cela suggère, c’est plutôt vers la tradition qu’il se tourne maintenant pour que s’opère le charme scénique. En effet, les jeux d’illusion seront inspirés du black art, une pratique qui remonte à l’âge d’or de l’époque des cabarets, où ont été présentés les premiers grands numéros de magie influents. Ici, la clé réside dans le jeu des ombres et de la lumière, mais surtout dans la précision des mouvements, toujours exécutés sur fond noir. Afin de se prêter à cet exercice vertigineux, il était essentiel de réunir les plus grands experts de chaque domaine, assurant ainsi l’efficacité et la qualité de la production. «On s’est retrouvé avec une équipe très prestigieuse et intéressante qui savait comment intégrer ça dans un spectacle d’opéra. Faire de la magie ou du black art dans un cabaret, c’est une chose, mais essayer d’intégrer ça dans un monde de chanteurs d’opéra, c’est autre chose», précise Lepage.

Trouver le temps d’être audacieux

C’est donc en s’adjoignant une solide sélection de concepteurs et de consultants que l’équipe tentera d’optimiser le temps alloué aux répétitions, toujours animée du désir d’innover dans un domaine aux apparences plutôt rigides et codifiées. Pour le metteur en scène, ce renouvellement passe d’abord par le travail de la présence physique des comédiens et des chanteurs sur les planches, un aspect qu’il trouve un peu négligé en opéra. «Il y a souvent très peu de temps de répétition et les metteurs en scène n’ont pas beaucoup de temps pour faire bouger les chanteurs. Souvent, on voit la bonne vieille technique du park and bark. […] On pense toujours que les chanteurs d’opéra doivent rester statiques, parce que leur art c’est de chanter, mais c’est des gens qui sont de plus en plus aventuriers, qui ont le goût et le courage d’essayer de sortir un peu des sentiers battus.»

Permettre aux artistes de se dépasser demeure un défi fondamental dans la mise en scène opératique. Toutefois, il ne faut jamais sous-estimer le rôle de la musique, qui constitue les racines d’une œuvre lyrique. Avant que décor et costumes n’éblouissent les spectateurs, le nœud doit être solide entre la théâtralité musicale et scénique.

La croisée des chemins

«Il y a deux boss, définit Robert Lepage. Le chef d’orchestre et le metteur en scène. Le pauvre chanteur d’opéra est pris en sandwich entre les deux. Moi, j’essaie toujours de me mettre assez copain avec le chef d’orchestre et j’essaie de faire des propositions qui ne sont pas seulement spatiales, physiques ou chorégraphiques. Je suis responsable de l’espace, mais mes propositions essaient d’être le plus possible en phase avec les idées musicales qui se trouvent dans la partition.»

Selon Lepage, ce retour aux sources de l’opéra peut enrichir concrètement la théâtralité d’une œuvre, lorsque les metteurs en scène se permettent d’aller au-delà de la simple lecture du livret. En quelque sorte, on peut dire que la vive partition musicale de Mozart est une didascalie en elle-même, qu’elle recèle des indications dramatiques intrinsèques à l’histoire racontée. «On se creuse la tête pour trouver des solutions, et on cherche en dehors de l’opéra. En fait, souvent, les solutions sont dans la partition. Il y a beaucoup de sous-texte et d’émotions dans la musique.»

On devine que cette Flûte enchantée sera à l’image de l’opéra contemporain, mais aussi un hybride entre le théâtre et le cabaret, entre les traditions et l’innovation. Au carrefour des époques, une touche de magie pour un opéra résolument abracadabrant.

31 juillet, 2, 4 et 6 août
Grand Théâtre de Québec

Dans le cadre du Festival d’opéra de Québec
festivaloperaquebec.com