Mehdi Bousaidan : En mission
Scène

Mehdi Bousaidan : En mission

L’humoriste Mehdi Bousaidan désire sensibiliser les gens aux enjeux internationaux dans Demain, un premier one-man-show créé dans l’urgence de dire et d’agir.

Contrairement à beaucoup de ses homologues de la relève, Mehdi Bousaidan a choisi de mettre de côté son matériel éprouvé pour la création de ce premier spectacle officiel, actuellement en rodage partout au Québec. «C’est pas un best of, je repars vraiment à zéro, assure-t-il. C’est un prof qui m’avait dit que l’important en humour, c’est l’urgence d’être sur scène, alors pour moi, ce show-là, il devait arriver maintenant. Je pouvais pas attendre cinq ans avant d’aborder ces enjeux-là, car la situation mondiale est inquiétante en ce moment. On doit faire un check point, regarder où on est rendus collectivement et comment on peut améliorer notre sort. Sinon, on s’en va dans rien de bon.»

Du terrorisme à la guerre en Syrie, en passant par le conflit israélo-palestinien, le mouvement #metoo et la culture des armes à feu aux États-Unis, «ces enjeux-là» sont nombreux. Sans tomber dans la case de l’humoriste militant, l’Algérien d’origine utilise son expérience personnelle, notamment ses voyages et ses rencontres, pour commenter l’actualité.

«J’ai dû trouver un équilibre, car même moi, un spectacle qui parle juste de politique, je trouve ça lourd. Souvent, je vais partir de ma base, de quelque chose que j’ai vécu. Je vais faire 2-3 jokes là-dessus, sur un voyage en Italie par exemple, et après, j’embarque dans les questions politiques, comme la corruption. C’est pas mal ça, mon pattern, explique-t-il. J’ai déjà essayé d’écrire des numéros autrement, en partant d’autre chose que de mon expérience, mais c’était plus dur de développer, et il y avait le risque de tomber dans quelque chose de plus académique. Des fois, je vais même jusqu’à m’imposer un contexte pour avoir quelque chose à dire. Je pense à un numéro que j’avais sur les sports extrêmes, dans lequel je me questionnais sur les raisons qui poussaient les gens à frôler des montages avec des jumpsuits. Je sentais qu’il manquait quelque chose à mon récit, donc je suis allé sauter en parachute pour pouvoir comprendre le feeling. Après ça, je suis retourné écrire et j’ai élargi le numéro sur les gens qui sont à la recherche d’adrénaline. Je pouvais parler en connaissance de cause et m’amuser avec ça.»

Jusqu’à maintenant, cette technique d’écriture fonctionne plutôt bien. L’accueil que reçoit Mehdi Bousaidan dans les petites salles des quatre coins de la province le convainc qu’il est dans la bonne direction. Il constate que les Québécois ont une curiosité et un intérêt marqué pour les enjeux dont il traite, même si les nouvelles internationales n’ont jamais occupé une place prépondérante dans l’actualité de la province. «Les gens sont très ouverts à entendre parler de ça, mais à mon avis, c’est juste normal qu’ils n’aient pas envie de s’informer sur la situation géopolitique en Irak chaque matin, nuance-t-il. Je pense aussi que ce qui m’aide à faire passer mon message, c’est que je suis optimiste. Découragé parfois – comme quand je réalise qu’il y a eu près d’une tuerie par semaine dans les écoles aux États-Unis depuis le début de l’année –, mais généralement optimiste. J’aime l’idée d’aller sur scène et de faire part de mes solutions, aussi extrêmes et absurdes soient-elles parfois. Je veux donner un peu d’espoir aux gens et, surtout, éviter qu’ils partent du show en se disant qu’ils doivent tout arrêter pour s’acheter un bunker.»

L’importance d’improviser

L’essence de ce spectacle passe d’ailleurs par la connexion entre Bousaidan et son public. Comme beaucoup de ses compères du milieu humoristique, le Montréalais se sert de son expérience dans les ligues d’improvisation pour parfaire certains numéros de son spectacle. Actuellement, Demain est constitué de 50 minutes de nouveau matériel et d’autant de minutes de «vieux numéros patchés». D’ici la première en avril 2019, le spectacle sera entièrement composé de matériel inédit. «Les improvisations que je fais sur scène nourrissent mon spectacle. C’est le dialogue avec le public qui me permet d’avancer. Récemment, j’avais un numéro qui parlait d’un voyage au Japon et je trouvais qu’il manquait d’interactions. J’ai posé des questions aux gens, et ç’a donné lieu à des séquences vraiment drôles, notamment un spectateur qui m’a parlé de son expérience au mont Fuji. J’ai réécouté ce bout-là et, rendu chez nous, j’ai cherché un peu d’infos sur l’histoire du mont en question. J’ai complété mon numéro comme ça.»

Question de garder sa spontanéité intacte, l’humoriste s’assure aussi de ne pas trop scénariser ses numéros, préférant s’en remettre à une suite de mots-clés schématique. «Écrire un numéro en prose, c’est comme le locker de façon permanente, et je n’aime pas avoir l’air de réciter quelque chose par cœur. Ce que j’aime en humour, c’est qu’on sente pas l’écriture. J’aime que la personne jase avec son public sur scène. Ça crée un lien unique, plus chaleureux.»

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photo : Maxyme G. Delisle

Surtout, cette aisance à improviser lui permet de ne jamais refaire le même spectacle. Pour un gars qui avoue «se tanner vite de tout», cette habileté demeure essentielle à l’essence même de ce métier d’humoriste, qu’il a choisi au cégep après s’être rendu compte que «l’impro n’était pas vraiment rentable».

«Les Japonais disent que la perfection est seulement atteinte avec la répétition, mais moi, je préfère constamment essayer des nouvelles affaires sans que ce soit parfait», proclame-t-il, avant de faire un parallèle avec son enfance. «Quand je suis arrivé au Canada à l’âge de cinq ans, on a déménagé chaque année pendant presque une décennie. Je vivais un déracinement constant avec une nouvelle école, un nouvel appart, de nouveaux amis… Autant que ça m’a amené à être super efficace socialement, autant que ça me rend la vie difficile à plein d’autres niveaux, notamment en couple. Après un an, c’est comme si j’attendais de découvrir mon nouveau milieu de vie. Ça m’amène donc à tout renouveler, et c’est sans doute pour ça que j’ai choisi de faire un tout nouveau show plutôt que de continuer à tourner mon vieux stock.»

Cette enfance instable, voire fugitive, a également forgé le caractère de l’humoriste de 26 ans. Au lieu d’attendre qu’un producteur quelconque le découvre, Bousaidan a pris les choses en main, en prenant d’assaut les scènes des bars dès son entrée à l’École nationale de l’humour, en 2011. Conscient du nombre limité de plateformes pour se faire entendre, il a amorcé sa propre soirée d’humour à L’abreuvoir en 2013, puis s’est officiellement lancé avec un premier 60 minutes en solo au Zoofest l’année suivante, fraîchement diplômé de l’ENH.

Plus récemment, sa tournée panquébécoise aux côtés de Julien Lacroix lui a permis de se faire connaître au-delà de la région métropolitaine, à l’instar de son expérience à la télé dans les émissions Med et Code F à VRAK ainsi qu’au cinéma dans De père en flic 2. Cette polyvalence a grandement contribué à son ascension rapide dans le milieu compétitif de la relève. «On est loin de l’époque où tu pouvais faire ton one-man-show pis être juste bon là-dedans. La plupart de mes amis humoristes ont des projets télé ou cinéma et ils ont tous déjà fait de la vidéo ou du montage. On ne peut plus se contenter de faire juste une chose. Moi, idéalement, je ferais un show par année et, après, je partirais sur un autre trip. Je n’ai pas cette mégalomanie de l’humoriste superstar. Je veux juste faire assez d’argent pour être heureux.»

Ambitieux, il désire maintenant ouvrir ses horizons au reste de la francophonie. Ses passages sur scène en Belgique et en France, notamment au Comedy Club du populaire humoriste Jamel Debbouze, ont été plutôt fructueux. «Tous les shows que je fais ici, je veux les faire là-bas. C’est assez simple: tu changes quelques mots, tu adaptes quelques références et le monde est à toi. Je vise pas juste l’Europe, mais aussi des pays de l’Afrique francophone comme ceux du Maghreb. Pour moi, aller là-bas, c’est pareil comme un autre changement d’appart à Montréal. Le bail est fini, on change de place.»

Demain en rodage
Les 12 et 13 septembre au Vieux Bureau de poste de Lévis
Le 21 septembre à la Petite Église de Saint-Eustache
Le 4 octobre au Théâtre Desjardins de LaSalle
Les 5 et 6 décembre au Théâtre Petit Champlain de Québec
Le 8 décembre à L’Anglicane de Lévis

Première de Demain
Le 2 avril 2019 à
 la Cinquième Salle de la Place des Arts