La fille qui s’promène avec une hache : Pas un conte pour tous
C’est un texte à la fois rude et touchant que présente le collectif KILL TA PEUR. Un projet qui a fait bien du chemin depuis l’écriture de ses premières lignes, sur les bancs du Conservatoire d’art dramatique de Québec.
Ici, la fiction n’est pas si loin de la réalité. Entre 2001 et 2002, dans un petit village de région, les jeunes traînent entre la cour d’école et la cour à scrap. Isolée et enragée, Cindy-Lou tente de se défaire du destin auquel elle semble liée : celui de demeurer une moins que rien au milieu de nulle part. Sa fougue n’a d’égale que la haine qui s’abat quotidiennement sur elle, puisqu’elle est l’étrangère, l’inconnue, la « demi-squaw » de sa communauté.
Sur scène, les graffitis, les détritus ainsi qu’une sombre forêt se partagent l’espace dense, transformant complètement les lieux. Dès les premiers instants, on sait qu’on aura droit à un thriller psychologique des plus cinématographiques, notamment grâce aux éclairages angoissants finement conçus par Keven Dubois et agrémentés par l’environnement musical vibrant de Vincent Roy. L’enfance aride à la campagne se dévoile sur fond de découverte d’amour et de sexualité, de violence et de naïveté sur les visages des huit protagonistes, à la manière d’un film de la série Contes pour tous qui aurait tourné au cauchemar.
Malgré que l’histoire prenne du temps à se déployer concrètement sur scène, on s’attache rapidement aux personnages colorés écrits par Gabriel Cloutier Tremblay et Léa Aubin. Cette dernière campe d’ailleurs efficacement le personnage central, alors qu’elle partage la plupart de ses scènes avec Olivier Arteau, tout aussi impressionnant dans un rôle plus nuancé. D’ailleurs, l’impressionnante distribution ne manque pas de rythme, enchaînant tout aussi bien les courtes scènes en duo que les choeurs scandés à l’unisson, rappelant quelques fois certains passages de l’oeuvre de Michel Tremblay. La complicité qui unit les comédiennes et comédiens de la pièce est principalement ce qui donne de la force et du souffle à cette œuvre collective, qu’on traverse comme une crise d’adolescence fulgurante.
Saluons également l’audace de s’attaquer à la complexité de sujets tels que notre relation à l’autre, à l’étranger et à l’intolérance qui s’en suit parfois. Au-delà des chicanes de la cour d’école dont on rit doucement avec nostalgie, l’histoire racontée sur scène fait écho aux conflits de toutes les communautés, urbaines ou rurales, passées ou présentes. De beaux moments et des images fortes sont amenés par la mise en scène, figeant un portrait prometteur de la créativité des jeunes artistes d’ici, qui n’ont pas peur des mots pour exprimer les angoisses les plus poignantes.
Les spectateurs ayant grandi dans les petits villages les plus éloignés du Québec sauront sans doute reconnaître que la caricature n’est pas si loin de la réalité. Même si les temps et les moeurs y ont très peu changé au cours des quinze dernières années, il reste toujours ceux qui rêvent, ceux qui partent et la certitude qu’ils s’en sortiront.
La fille qui s’promène avec une hache
Jusqu’au 24 novembre à Premier Acte
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