Je me soulève : Des mégaphones sur nos coeurs
Scène

Je me soulève : Des mégaphones sur nos coeurs

Mettre la poésie québécoise au centre d’une production théâtrale portée par une équipe de seize comédiens, deux musiciens et une troupe d’enfants. Voilà le pari impressionnant que prennent les sœurs Côté pour appeler le printemps en fermeture de saison du Trident.  

Cette succession de quelque trente tableaux bricolés à partir des paroles contemporaines d’auteurs d’ici nous fait traverser la soirée en un éclair. En mots comme en images, ça parle de territoire, de retour à la terre, de la sauvegarde de notre environnement. De la petite et la grande poésie du quotidien. Ça parle d’amour, de féminité, de féminisme. Je me soulève, c’est surtout un spectacle qui nous invite, entre les lignes, à se réapproprier la vie. Sur scène, des femmes, des hommes et surtout, des enfants. Ils sont là, nombreux, à faire partie des fresques poétiques en faisant ce qu’ils font de mieux : jouer, tout simplement. On a l’impression qu’ils arrivent à symboliser tout le propos de la pièce par leur simple présence entre les voyelles et les consonnes qui la brodent.

photo : Stéphane Bourgeois

Marjolaine Beauchamp, Patrice Desbiens, Catherine Dorion (à qui on emprunte notre titre!), Geneviève Morin et tant d’autres auteurs et autrices prêtent leur poésie à des monologues, des dialogues et des chansons très justement interprétés par une solide distribution. La mise en scène de Véronique et Gabrielle Côté laisse toute la place aux mots pour qu’ils habitent pleinement l’espace et fassent vibrer les spectateurs. Ces mots qui donnent naissance à des paysages qui se dessinent, se déposent ou qui explosent littéralement devant nos yeux. Le tout est accompagné de la musique interprétée en direct par Josué Beaucage et Mykalle Bielinski, qui donne une poussée, comme un souffle d’air chaud au texte, comme pour gonfler les voiles du navire dans lequel tout ce beau monde est embarqué.

Substitués aux habituelles projections, des draps de citations s’étirent, tombent et se déploient au fur et à mesure des tableaux qui se succèdent avec rythme. S’il arrive qu’on s’y perde, à la recherche d’une histoire, d’un fil narratif, il est préférable de lâcher prise et d’ouvrir les oreilles pour recevoir passivement les mots insaisissables lancés comme des confettis par les comédiens.

photo : Stéphane Bourgeois

Somme toute, la pièce agit comme un vent de fraîcheur, une énergie exclusivement positive dans un appel à l’action. Chez les sœurs Côté, on ne se soulève pas contre, mais bien pour quelque chose. Je me soulève tente d’apporter de la lumière dans l’obscurité du cynisme ambiant, et y arrive plutôt bien. On s’attache, sans trop comprendre pourquoi, à cette galerie de personnages et à ce groupe d’enfants colorés qui font bourgeonner le printemps un peu plus vite. À toute fin pratique, cette dernière production du Théâtre du Trident met en vedette des mots d’ici, trop souvent oubliés, qui s’entendent avec le coeur plutôt qu’avec la tête. Malgré qu’on aurait voulu y entendre davantage d’accents, pour mieux représenter la musicalité de notre diversité culturelle, le résultat demeure un tour de force fort bien effectué, une prise de conscience autant qu’une prise de parole.

Du 23 avril au 8 mai 2019
Au Théâtre du Trident