Entre autres : La peur comme moteur
Scène

Entre autres : La peur comme moteur

Née d’une collaboration entre les finissants du Conservatoire d’art dramatique de Québec et Alexandre Fecteau, la pièce Entre autres résonne si fort avec l’actualité qu’elle constitue le point d’orgue de la saison du Théâtre Périscope. 

Fidèle à sa démarche artistique articulée autour du théâtre documentaire, Alexandre Fecteau a demandé à cette cohorte de jeunes comédiens de se prêter à son propre jeu. À la fois auteurs et acteurs, les étudiants ont dû mener des recherches approfondies sur différents thèmes qui ont soulevé les passions des Québécois au cours des dernières années. La cueillette d’entrevues qui s’en suivit découle donc de quatre axes de travail distincts : la religion catholique, les groupes anti-immigration, le féminisme et la crise climatique.

Fort bien remaniée depuis ses représentations scolaires, la pièce décortique ces sujets fondamentaux  sous forme de making of, alors qu’on suit les protagonistes au fil de la création du spectacle. On s’identifie d’ailleurs rapidement à la quête de ces créateurs en perte de repères qui mettent en scène leur vertige face à ces enjeux complexes qui nous dépassent bien souvent.

crédit : Dimitri Lavoie

Au cours d’un marathon de trois heures, les enquêtes s’enchevêtrent et les entrevues se matérialisent devant nos yeux. Ces entretiens se font systématiquement avec des représentants d’opinions et d’expertises différentes, voire opposées. Ainsi, les témoignages des climato-pessimistes se superposent à ceux des activistes écologiques et la parole est donnée autant aux leaders de La Meute qu’à ceux qui tentent de freiner les manifestations de ces groupes de droite. Toutes ces personnifications sont faites dans le respect et la justesse, tant et si bien que l’exercice nous fait douter de nos propres opinions et certitudes.

 

À échelle humaine

Outre l’aspect documentaire qui constitue le coeur de l’oeuvre, le metteur en scène fait aussi valoir l’humain derrière la création et instigue une interactivité constante avec les spectateurs. À ce chapitre, la mise en scène quadrifrontale, à la manière d’un ring de boxe, s’avère fort efficace pour créer la communion autour de sujets qui rassemblent autant qu’ils divisent.

crédit : Dimitri Lavoie

L’audacieuse équipe de création d’Entre autres dresse indirectement un portrait socio-politique de sa ville et élucide, d’une certaine manière, le fameux « mystère Québec ». C’est là l’une des grandes qualités du spectacle : offrir non seulement des réflexions, mais aussi des pistes de réponses très concrètes à ces questionnements qui se multiplient immanquablement au fil de la soirée. L’instant d’une scène, un moment clé de la deuxième moitié de la pièce, on comprend que tous ces enjeux (féminisme, religion, radicalisation, climat), bien que traités en silos, sont intimement connectés.

Ce tour d’horizon ne se termine toutefois pas sur une note particulièrement positive. Il s’avère que s’informer sur le monde qui nous entoure n’est pas une démarche exempte d’angoisse. C’est sur une confession de peur que l’équipe conclut cet échange théâtral. Une peur qui, plutôt que de paralyser, se veut un moteur d’action, de mouvement collectif contre ces murs qui s’érigent de plus en plus haut entre nous et les autres. Une peur qui est le moteur d’une pièce importante, portée par une brillante relève d’artistes.  

Jusqu’au 11 mai
Au Théâtre Périscope
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