Le bulletin 2019 des humoristes québécois
De A+ à E, pour échec, on évalue quelques spectacles d’humour amorcés en 2019.
Mike Ward / A+
Sacré spectacle de l’année au dernier Gala Les Olivier, Noir de Mike Ward mérite toutes les fleurs qu’on lui lance depuis sa première montréalaise en avril dernier. Toujours irrévérencieux, l’humoriste le plus polarisant de sa génération revient d’abord sur le scandale judiciaire l’opposant à Jérémy Gabriel et à la Commission des droits de la personne pour ensuite livrer quelques réflexions personnelles sur son autisme, sa dépression et son véganisme. Un spectacle à la fois baveux et intelligent, vulgaire et réfléchi.
Yannick de Martino / A+
Actif sur scène depuis près d’une décennie, Yannick de Martino nous arrivait enfin avec son premier one-man-show, Les dalmatiens sont énormes en campagne, le mois dernier. Et l’attente en aura valu la peine. En plein contrôle de son style d’humour aussi absurde que terre-à-terre, l’humoriste montréalais joue constamment avec les codes de l’humour, mais s’assure de ne pas non plus s’en tenir à une suite d’exercices de style. Bien au contraire, il témoigne d’une belle humanité, en se confiant sur son anxiété avec beaucoup de finesse et de doigté. Une belle leçon d’humour.
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Simon Gouache / A
Fort de ses nombreuses premières parties lors des deux derniers one-man-shows de Louis-José Houde, Simon Gouache fait preuve d’une réelle aisance scénique dans Une belle soirée, un deuxième spectacle qui arrive quelques mois à peine après la fin de la longue tournée de son prédécesseur. Loin d’être essoufflé, l’humoriste montréalais s’analyse de fond en comble avec une touche d’autodérision bien assumée, le tout dans un style de stand-up classique, mais fort efficace.
Rosalie Vaillancourt / A-
Avec son énergie excessive, sa voix aigüe et son humour volontairement immature, Rosalie Vaillancourt a cette capacité (ce don?) assez rare de pouvoir autant séduire que rebuter le public. Comme beaucoup, on avait quelques appréhensions à l’idée de devoir assister à une heure et demie de spectacle de la jeune humoriste. Pourtant, c’est une Rosalie Vaillancourt à l’énergie très bien dosée qu’on a vue au Théâtre Maisonneuve le mois dernier. La comédienne et chroniqueuse radio nous surprend agréablement avec Enfant roi, un spectacle où elle raconte son enfance, ses amitiés et ses amours avec dynamisme et éclat, parfois même avec une touchante sensibilité. Une belle évolution.
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Mehdi Bousaidan / B+
Excellent conteur, Mehdi Bousaidan nous présente le fruit de ses inquiétudes sociales dans Demain, un premier one-man-show qu’il a construit en grande partie en improvisant sur scène durant ses spectacles de rodage. Si plusieurs gags auraient gagné à s’affranchir de quelques réflexions simplistes (notamment en ce qui a trait au portrait superficiel qu’il dresse de nos relations et de nos communications à l’ère numérique), l’humoriste se rattrape avec son charisme fédérateur ainsi que sa mise en scène originale dans laquelle il reprend les codes et l’esthétique de la plateforme Netflix (rebaptisée Medflix). Imaginée avec Gabriel Poirier-Galarneau, cette scénographie lui a mérité deux Olivier plus tôt ce mois-ci, soit ceux du metteur en scène et du concepteur visuel de l’année (un honneur que les deux acolytes partagent avec François Lévesque).
Julien Lacroix / B+
Porté par un engouement spectaculaire généré par ses populaires capsules vidéo et son rodage d’un an partout au Québec, Julien Lacroix est arrivé confiant, mais quelque peu nerveux sur la scène du Monument-National pour la première montréalaise de Jusqu’ici tout va bien en septembre dernier. Toujours aussi drôle (quoique de plus en plus prévisible) dans ses interactions avec le public, l’humoriste de 26 ans présente ici un spectacle dynamique qui, malgré une structure décousue et un concept peu étoffé (on cherche encore un lien pertinent entre le propos du spectacle et la référence au film culte La Haine qui fait office de titre), a tout pour plaire à sa horde de fans gagnés d’avance. Mention toute spéciale au numéro où il nous dévoile les tordantes capsules mode qu’il a filmées alors qu’il était enfant.
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Arrivé entre deux époques, celle du boom de l’humour d’observation incarné par Louis-José Houde et celle d’une tendance de stand-up plus absurde menée par François Bellefeuille, Alexandre Barrette n’a jamais été la sensation de l’heure au Québec. À 37 ans, l’humoriste continue son chemin sans trop faire de bruit avec Semi-croquant, un troisième one-man-show qui, d’emblée, se mérite le titre du deuxième meilleur nom de spectacle de l’année (juste après Les dalmatiens sont énormes en campagne). Malgré des parenthèses un peu trop caustiques en regard de son style d’humour généralement plus grand public, Barrette livre ici un spectacle bien rythmé.
Alex Perron / C+
Avec Coach de vie amoureuse, son premier spectacle en huit ans, Alex Perron a trouvé un filon qui lui sied bien. Se réappropriant avec un sarcasme évident les adages les plus clichés des coachs de vie, l’ex-Mecs comiques réussit à fédérer son public autour de phrases aussi creuses et absurdes que «Vise haut, vise grand, vise le bout d’l’a marde!», formule répétée ad nauseam durant le spectacle. S’il peine à nous faire rire la plupart du temps, l’humoriste se rattrape en nous faisant décrocher quelques sourires qui, combinées à une mise en scène assez poussée et originale, font de ce deuxième one-man-show un divertissement convenable.
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Philippe Bond / C
Philippe Bond s’assoit sur sa réputation de bon conteur dans Merci, un troisième one-man-show qui fait suite à son très populaire Philippe Bond 2, présenté en 2014. Autrement, l’humoriste se plaît à enchaîner des anecdotes banales sur sa vie professionnelle et sa nouvelle vie de père. Bref, rien de bien trépidant, mais la fusion entre Bond et son public demeure intacte. D’ailleurs, on se doit de souligner son aisance à interagir avec foule. À cet égard, il est assurément l’un des plus doués du circuit humoristique.
Patrick Groulx / C
Patrick Groulx reste dans les lieux communs de l’humour québécois avec Groulx, un quatrième spectacle en carrière et un premier en huit ans. Au menu : réflexions élémentaires sur la vieillesse, critique acerbe et sans grande envergure des réseaux sociaux, anecdotes sur la vie de papa, retours dans le temps sur certaines conneries/beuveries de jeunesse… Le tout est fait de manière sympathique, et on se doit de reconnaître que l’humoriste n’a rien perdu de son charisme et de son côté attachant, mais l’ensemble manque de raffinement et d’armature.
P-A Méthot / D-
Après avoir frappé fort avec son premier one-man-show Plus gros que nature, qui a dépassé le cap plus qu’enviable des 300 000 billets vendus, P-A Méthot nous revenait en janvier dernier avec Faire le beau, un spectacle bien exécuté, mais impertinent. Ayant récemment subi une opération au coeur, l’humoriste nous raconte ses après-midi à regarder de futiles programmes à la télévision. Puisqu’une opération n’attend pas l’autre, il nous raconte ensuite celle qu’il a vécue dans une clinique de chirurgie esthétique pour se faire enlever un testicule (car, oui, il en avait trois). Puis, il passe du coq à l’âne en nous parlant de zoos, de mariages et de funérailles, avant de conclure en nous interprétant une chanson d’Hubert Lenoir. Bref, voilà un spectacle à la structure défaillante, qui prendrait peut-être tout son sens à l’aide d’une substance hallucinogène au choix.
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Maxim Martin / E
C’est l’histoire d’un gars de 50 ans qui décide de dire tout haut ce qu’il pense, mais qui, à force de dire tout et n’importe quoi, finit par ne rien de dire de très intelligent. Judicieusement intitulé Fuckoff, ce cinquième spectacle de Maxim Martin critique sans grande profondeur les travers d’une société minée par les apôtres du politically correct, tout en versant dans les récits anecdotiques d’un passé de débauche essentiellement constitué d’alcool, de drogue et de sexe. À force de ressasser de telles histoires, l’humoriste finit par dénaturer son message vantant les mérites de sa sobriété et de sa nouvelle vie saine, d’autant plus que ses anecdotes plus actuelles n’ont rien de bien intéressantes. Soulignons aussi le fait que Martin a cette fâcheuse habitude de mâcher ses mots ou de terminer ses blagues à la va-vite, sans trop se soucier des gens en avant de lui. Bref, plusieurs gags tombent à plat.