Les sucreries de grands moments
Le Musée du Québec continue de jouer un rôle important dans la vie culturelle d’ici. Notamment par la diffusion de l’art actuel, qu’on pense seulement à l’exposition consacrée à l’artiste montréalaise Irene F. Whittome, mais aussi par les très belles expositions d’art ancien et moderne qu’on a pu voir tout au long de l’année. Encore une fois, il faut le rappeler, fréquenter assidûment le Musée, c’est aussi apprendre et découvrir notre histoire de l’art locale. Une histoire que l’institution écrit à travers une programmation embrassant autant la peinture moderne et ancienne que la sculpture. Ce n’est d’ailleurs pas étranger à l’intérêt que porte son directeur, John R. Porter, pour ce médium. Mais qui s’en plaindra? Sortir des sentiers battus de l’art pictural, cela ne déplaît pas à un public averti. L’exposition sur le sculpteur Henri Hébert en est un bon exemple. Elle a su animer notre curiosité pour ses premières intégrations d’art à l’architecture et sur les débuts de la modernité au Québec.
L’année 2000 a malencontreusement aussi été marquée par la disparition du peintre Yves Gaucher (1934-2000). Ce peintre et graveur a été une des plus grandes figures de l’abstraction au Québec dont il faut souligner le départ. Le Musée du Québec lui consacrait d’ailleurs une exposition importante à l’hiver dernier et a récemment acquis plusieurs oeuvres du peintre, dont Reds & Ps, un tableau monumental de 1992. La femme du peintre a également fait don de plusieurs oeuvres de l’artiste.
En spectateurs assidus, nous avons eu plus souvent qu’à notre tour l’embarras du choix devant des événements d’envergure et des oeuvres parfois exceptionnelles. C’est surtout grâce à l’existence de structures organisées, de résidences d’artistes et d’événements nécessaires à la vie culturelle. Une année sans répit, dont la principale caractéristique aura été de sortir l’art des lieux habituels de diffusion. Cette volonté d’investir la ville et d’aller davantage vers les gens s’est renouvelée d’une manière remarquable cette année. Cela se fait depuis longtemps, dès les années 1960 et 1970, comme l’a bien rappelé l’exposition Déclic. Art et société, présentée au Musée de la civilisation en 1999; les artistes continuent d’intervenir hors des lieux conventionnels, y compris ceux réservés à la sculpture publique. On a qu’à penser aux Rencontres internationales de la Chambre blanche, qui ont permis à plusieurs artistes d’investir la ville. L’art "hors les murs", cet art souvent éphémère, tel que l’envisage la Chambre blanche, a su donner une couleur bien particulière à Québec. Dans cette perspective, l’événement Émergence à l’îlot Fleuri était un des plus intéressants et des plus socialement radicaux, par son encrage dans le milieu communautaire, qui a favorisé la prise de parole des citoyens, tout en proposant des lieux d’intervention fort stimulants pour les artistes et un dialogue entre les gens de différents milieux.
À souligner aussi, l’effort de la première édition de la Manifestation internationale d’art de Québec tenue en octobre dernier. L’événement a permis de présenter de l’art dans des lieux accessibles, différents des espaces codés que sont les galeries, des endroits parfois inusités: la rivière Saint-Charles, que le trio BGL a investie, ou les trois églises de Saint-Roch avec de très belles interventions de Carl Bouchard et Laura Wickerson. Mais le comble de la remise en cause du lieu de diffusion est le projet Atopie textuelle, qui met en circulation des fragments d’une sculpture dont un des buts est de circuler de main en main à travers la planète. L’année 2000 serait incomplète sans l’ambiance festive qu’a su créer encore une fois le Lieu, avec les 11es Rencontres internationales d’art performance en octobre dernier.
Si on retourne loin au début de l’année 2000, on se rappelle que la première édition du Mois Multi, qui reviendra bientôt en février prochain, n’était pas sans intérêt et nous est apparu extrêmement prometteur et stimulant. Et il y a fort heureusement, pour les amateurs d’émotions esthétiques, toujours des artistes qui savent nous faire voyager sur un simple bout de papier. On ne peut envisager l’année qui vient de passer sans revenir encore une fois sur les photographies exceptionnelles que l’artiste Paul Lacroix a présentées au centre photographique Vu en mars dernier. Elles demeurent intactes dans notre mémoire à travers toute la profusion d’oeuvres qui continuent de s’accumuler…