Choisir les études en sciences et technologies : Nouvelles frontières

Choisir les études en sciences et technologies : Nouvelles frontières

Dans sa politique sur les universités parue en février dernier, le ministère de l’Éducation s’inquiétait du manque de relève dans les domaines scientifique et technologique. Ainsi, les jeunes sont trois fois moins nombreux à marcher sur les traces d’Albert Einstein et de Bill Gates que sur celles de Jean-Jacques Rousseau. En toute connaissance de cause?

Seul un finissant sur cinq à l’université est inscrit à un programme en sciences et technologies au Québec. Plus important encore: la proportion de diplômes universitaires décrochés par des étudiants en sciences pures a chuté de 8,1 % à 5,8 % entre 1987-1988 et 1995-1996, selon une étude de 1998 du Conseil de la science et de la technologie. En sciences appliquées, le pourcentage était de 14,2 % en 1995-1996, contre 16,3 % huit ans plus tôt.

Le constat étonne, compte tenu des débouchés qui s’offrent aux disciples de l’éprouvette et du disque dur. "En général, les sciences et technologies présentent de meilleures perspectives d’emploi que les autres secteurs", affirme Wayne Roth, du ministère fédéral du Développement des ressources humaines (DRHC). En guise d’illustration, le nombre d’emplois de professionnels et de techniciens en sciences naturelles et en génie a triplé entre 1971 et 1996, pendant que l’emploi total n’a bondi que de 56 %, d’après le Conseil de la science et de la technologie.

Les programmes liés aux nouvelles technologies de l’information (TI) mènent le bal. De fait, les représentants patronaux crient à la pénurie d’employés qualifiés dans ce domaine depuis plus de dix ans. En 1997, une étude réalisée par le consortium de gens d’affaires Montréal TechnoVision concluait que la demande de bacheliers ou de diplômés du collégial en TI surpassait de trois fois l’offre pour les années 1996 à 2001!

Les économistes du Centre d’étude sur l’emploi et la technologie du Québec (CETECH), rattaché à Emploi-Québec, mettent un bémol à cette insuffisance de main-d’oeuvre. "Elle ne concerne que des professions nouvelles ou très précises, ou survient dans des situations exceptionnelles, comme le bogue de l’an 2000", précise le coordonnateur du Centre, Normand Roy. Les diplômés de cégeps et universités en TI sont néanmoins très sollicités, estime-t-il. Une situation qui risque, selon lui, de survivre à un éventuel ralentissement économique: "Quand on parle des technologies de l’information, c’est un secteur d’activité. Mais il y a aussi des technologies partout! Une personne qui a des compétences en TI peut travailler n’importe où."

Idée de génie
Les professions en génie connaissent aussi une bonne croissance, selon l’économiste. Encore là, certaines spécialisations présentent des perspectives plus favorables: c’est le cas, par exemple, du génie informatique, mais aussi des programmes de génie mécanique, électrique, métallurgique et des matériaux, ainsi que de génie industriel et administratif. Le ministère de l’Éducation, qui suit la trace des diplômés universitaires tous les deux ans, classait ces formations parmi les dix-huit qui offraient de "très bonnes possibilités d’emplois" en 1999.

Au Service de placement de l’École polytechnique, on assure que cette situation est généralisée à tous les secteurs du génie. "L’an dernier, 95 % des finissants étaient placés dans le mois qui a suivi la fin de leurs cours, observe la directrice du Service, Maryse Deschênes. C’est presque le plein emploi partout." Dans les entreprises de haute technologie qui recrutent des ingénieurs, le salaire moyen oscille cette année entre 47 000 $ et 52 000 $, note la directrice. Même le secteur du génie civil, durement touché par le ralentissement des grands travaux au début des années 1990, connaît un nouveau souffle: la diminution importante des inscriptions à ces programmes et le départ à la retraite d’employés expérimentés expliquent ce revirement de situation.

L’industrie de la biotechnologie, en pleine expansion, est également porteuse de promesses pour les étudiants en sciences de la vie, en chimie ou en génie chimique: au Québec, leader canadien en la matière, le nombre de travailleurs de cette industrie a triplé en cinq ans pour atteindre 3000 en 1999. Mais le jeune qui lorgne vers ce type de carrière a intérêt à attacher son sarrau: un diplôme de deuxième ou de troisième cycle est souvent demandé pour y accéder, affirme Normand Roy. Le coordonnateur du CETECH ajoute que "les biotechnologies ne comptent encore que pour un petit volume d’emplois, même si elles se développent rapidement". Un constat confirmé par Wayne Roth, du DHRC.

Purs et durs
Mais on ne se dirige pas en sciences et technologies que pour dénicher un boulot. Chercheur au Centre de recherches mathématiques de l’Université de Montréal, Stéphane Durand a choisi la physique théorique "pour le trip". À ceux que les mystères de la nature passionnent, l’étude des sciences pures offre de quoi assouvir leur soif de savoir, laisse-t-il entendre. Dans le cadre d’un concours international d’affiches sur les mathématiques, dont il a remporté le premier prix, le jeune professeur de physique a d’ailleurs illustré comment la différence entre le pelage rayé du tigre et celui, tacheté, du léopard, pouvait s’expliquer par une simple formule mathématique!

Si, globalement, les sciences fondamentales ne connaissent pas un boum économique comparable à celui de leurs consoeurs plus appliquées, elles constituent néanmoins un investissement avisé, croit Christiane Rousseau, professeure de mathématiques à l’Université de Montréal. "Apprendre les mathématiques à l’université donne des outils, une façon de raisonner. C’est une formation fondamentale sur laquelle on peut toujours construire. En général, les mathématiciens s’adaptent mieux aux autres disciplines que le contraire."

Les théories savantes n’en sont pas moins pourvues d’applications pratiques: des algorithmes mathématiques permettent par exemple de concevoir les horaires des pilotes d’avions, sans la perte de temps associée à la méthode par essais et erreurs. De même, des chercheurs québécois tentent actuellement de décrire les battements du coeur par un modèle mathématique. Ils espèrent ainsi mettre au point un stimulateur électrique pour les personnes souffrant d’arythmie cardiaque.

Quoi qu’il en soit, sciences ou pas, c’est la réussite d’études postsecondaires qui pèse le plus lourd dans la balance de l’emploi, juge Normand Roy. "Quelqu’un qui s’intéresse aux sciences et technologies devrait trouver du travail. Mais, s’il n’aime pas ça, ça ne sert à rien d’aller là-dedans plutôt qu’ailleurs. De toute façon, quand on regarde la situation sur le marché de l’emploi, c’est le niveau d’études qui importe le plus."