Portraits de jeunes entrepreneurs : Normand Charpentier

Portraits de jeunes entrepreneurs : Normand Charpentier

Certains indices ne trompent pas. "Quand tu te rends compte qu’en 15 ans sur le marché du travail, tu n’as jamais travaillé plus d’un an au même endroit, tu comprends qu’il vaut mieux fonder ta propre compagnie!" Avec sa grande gueule et son caractère bouillant, Normand Charpentier est plus à l’aise dans le rôle de dirigeant que dans celui de dirigé. Il y a quatre ans, il fondait, au coeur du Village, Arobas.net www.arobas.net, une entreprise de branchement Internet.

"J’avais des contacts, mais pas un sou!" Qu’à cela ne tienne, il réunit trois associés, puis se lance dans la grande aventure, découpant, photocopiant et collant des flyers dans la ville. "Au cours des quatre premiers mois, nous étions sur le bord de la faillite et deux des associés nous ont revendu leurs parts." Aujourd’hui, le président d’Arobas.net supervise une douzaine d’employés et transige avec plus de 2000 clients, établis un peu partout en Amérique du Nord.

"Au début, nous avions ciblé la clientèle gaie, mais nous nous sommes presque plantés à cause de ça, révèle l’entrepreneur. Le gai moyen n’est pas différent des autres clients, il préfère s’abonner à Internet par l’entremise d’un gros fournisseur. Les gais d’affaires se sont joints à nous; mais les autres, les jeunes gais qui n’ont jamais été gênés de se promener dans le Village avec leur chum parce qu’on leur a ouvert la voie, n’ont pas été solidaires pour deux sous!" Arobas.net fait un peu de tout: branchements résidentiels et commerciaux, support technique et conception de sites. "Les clients n’ont qu’à expliquer ce qu’ils veulent sur Internet, et on le fait! C’est ça, l’avantage de faire affaire avec une petite entreprise, on est flexible! Nombreux sont les entrepreneurs qui m’appellent pour me parler des idées saugrenues qu’ils ont et je les encourage toujours à poursuivre leurs recherches…"

Son travail de président, il le décrit… comme celui d’une mère de famille! "J’aimerais pouvoir prendre du recul, faire un plan pour les prochains mois, mais je n’ai jamais eu le temps de faire ça. C’est, malheureusement, les demandes des clients qui nous mènent." Qu’est-ce qui, selon lui, est la qualité la plus importante pour réussir? "Ça prend du guts et des contacts! Il faut être capable de se tenir debout, de prendre des décisions difficiles, de se fâcher." Malgré son caractère excessif – "épouvantable", confie-t-il -, Normand Charpentier est avant tout un passionné. "Ce que j’aime le plus dans mon travail, c’est de jouer la comédie! En affaires, quand tu ne sais pas faire quelque chose, il faut que tu fasses semblant de le savoir, et très bien. Quand j’engueule un fournisseur, c’est une forme d’improvisation! Je joue au comédien avec mon associé, mes employés, mes clients. J’aurais peut-être dû me lancer en théâtre, mais je tenais trop à mon confort…"

À la lumière de son expérience, Normand Charpentier conseille aux entrepreneurs en devenir de choisir avec soin leurs futurs associés. "Un associé, il faut évaluer ça comme un conjoint parce qu’une association, c’est un peu comme un mariage!"

Mieux vaut éviter les conflits internes quand on doit, comme Arobas.net, lutter contre des géants. "Bell et Vidéotron baissent tellement leurs prix qu’il devient impossible de faire des profits. Les grands essaient d’écraser les petits et je reproche aux clients qui font affaire avec ces grosses entreprises de se laisser entourlouper par leurs campagnes de marketing. Heureusement, il y en a qui ont compris qu’il vaut mieux faire une différence en encourageant un plus petit."

Loin d’être obnubilé par ses profits, Normand Charpentier a le coeur sur la main et croit en l’importance de la solidarité. Les employés qu’il embauche sont rarement des cracks informatiques; ce sont beaucoup plus souvent des chômeurs en quête d’un gagne-pain. "J’aime ça, aider les jeunes. Je les brasse, je leur fais peur. Ce que je leur demande en échange, c’est de se montrer, à leur tour, solidaires. C’est une leçon que j’ai apprise: si quelqu’un t’a aidé, il faut ensuite que tu aides quelqu’un d’autre…"


Pierre-Mathieu Fortin

Pierre-Mathieu Fortin a fait la connaissance de ses futurs associés dans les couloirs gris de l’UQAM. Dominic Turmel, Vincent Morisset et lui ont été parmi les premiers étudiants à sortir de l’établissement un diplôme en multimédia en main. Ensemble, ils ont fondé Bongolem – en hommage à la légende du Golem et surtout "parce que c’était le nom le moins cool qu’on pouvait trouver" -, une entreprise de conception de sites Internet. En fait, Bongolem www.bongolem.com a vu le jour quand ces trois tripeux de cinéma se sont fait offrir de réaliser leur plus grand fantasme: concevoir le site d’Ex-Centris www.ex-centris.com en collaboration avec Daniel Langlois.

"Tout un défi pour trois ti-culs sans portfolio!" lance en souriant Pierre-Mathieu Fortin.

"On a immédiatement laissé nos jobs steady pour se lancer dans cette aventure, qui a débuté lorsqu’un ami, webmestre pour Ex-Centris, m’a confié que Daniel Langlois cherchait des créateurs pour réaliser la cinquième version de son site Internet. Je lui ai référé mes deux amis et, deux semaines plus tard, on rencontrait Daniel Langlois dans la superbe salle de réunion d’Ex-Centris! Quand un multimillionnaire, un mécène comme lui, t’offre du travail, tu es fou de joie!"

Les trois jeunes hommes ont conçu le site en moins de deux mois et demi, travaillant sept jours sur sept, en moyenne douze heures par jour. "Nous voyions Daniel Langlois environ une fois par semaine, cinq à dix minutes; mais il nous donnait du feedback régulièrement et savait exactement ce qu’il voulait. Il a été emballé par ce que nous avons fait, assez pour nous confier la conception du site Web de Media Principia (www.mediaprincipia.com), sa boîte de production de films. Pour Ex-Centris, le mandat était de plaire à tout le monde, d’être simple et efficace. Pour Media Principia, on a pu être un peu plus fous…"

"Que Daniel Langlois nous embauche alors que nous n’avions rien à montrer, rien fait encore, pour nous laisser représenter sur Internet ce qu’il avait mis des années à bâtir, c’était une grande faveur, poursuit-il. En même temps, c’était aussi un bonbon empoisonné, parce qu’on savait qu’une fois le site en ligne, tous les médias électroniques allaient l’examiner et nous tomber dessus!"

Une crainte qui s’est révélée sans fondement: Bongolem a récolté deux trophées – un Boomerang et un MIM d’or – pour souligner la qualité du travail accompli. "Ces prix donnent de la crédibilité à notre compagnie. C’est bien qu’ils n’aient pas été remportés par une grosse entreprise, mais par trois gars, animés par une passion commune." Pierre-Mathieu Fortin se décrit comme un gars d’équipe, qui a du plaisir à coordonner le travail de gens qu’il respecte. Au fil des contrats, ainsi que lors de son passage chez BCE Média, il a tissé un réseau de contacts qui s’est révélé très utile. "Les contacts, c’est extrêmement important, mais il faut être prudent: ils peuvent te propulser autant qu’ils peuvent te détruire." Les compagnies-citron seraient rapidement démasquées dans le petit milieu du multimédia québécois…

Une bonne formation constitue aussi un plus. "Mais attention, la formation ne donne pas le talent, nuance-t-il. La formation offre une méthode de travail, ce qui est essentiel, mais il faut magasiner et non investir des sommes exorbitantes dans des cours bidon."

Les qualités indispensables pour se lancer en affaires dans ce domaine sont, selon lui: la polyvalence, le calme, la confiance en soi et l’imagination. "Il faut être capable de prévoir ce qui s’en vient, tout en restant original." Et il faut savoir dire non. "Si un contrat est une plaie, l’argent ne vaut pas la souffrance mentale que cela implique!" Ceci dit, Pierre-Mathieu Fortin ne dédaigne pas les clients corporatifs. "C’est bien d’avoir des projets alimentaires, s’ils nous permettent de réaliser ensuite des projets plus artistiques…"

Plus cigale que fourmi, Pierre-Mathieu Fortin accorde peu d’importance aux questions monétaires. "On n’est pas là pour faire la passe, mais pour être fiers de nos réalisations, conclut-il en riant. Il y a tellement de baby-boomers qui auraient voulu être des artistes… Moi, je n’aurai jamais de regrets: je fais ce dont j’ai envie. L’argent, c’est un outil, et non une fin…"