15 ans d'arts visuels

15 ans d’arts visuels

En 15 ans, le milieu de l’art à Montréal est devenu presque méconnaissable.

Voir fait son apparition à un moment de grande ébullition dans le milieu des arts montréalais. Après la fermeture de la très réputée Galerie Jolliet, l’année 86 annonce une belle croissance du milieu. Le Centre d’artistes autogéré Skol ouvre ses portes et trois autres nouveaux espaces pour l’art contemporain apportent une bouffée d’air frais: René Blouin, Chantal Boulanger et Christiane Chassay lancent leur galerie qui ont défendu des artistes marquants de notre contemporanéité.

Chantal Boulanger changera de direction à la fin de 92 pour devenir la Galerie Jean-Claude Rochefort qui, malheureusement, cessera ses activités en 97. Il faut dire que les années 90 ne furent pas toujours très favorables au marché. On se rappellera parmi plusieurs autres fermetures, celles des galeries Branda Wallace et Michel Tétreault, entre autres. Néanmoins, en 1991,la Galerie B-312 est venue s’ajouter au réseau montréalais des centres d’artistes fermement implantés dans notre paysage artistique.

La fin des années 80 fut aussi bonne pour les revues. En 87, ETC Montréal et Espace voient le jour et suivent d’une année la naissance de Ciel variable, qui deviendra CV photo en 92. Malheureusement, le Québec verra aussi disparaître cette année-là l’un des plus grands théoriciens et critiques d’art de son histoire: René Payant. Il meurt juste avant la publication de son ouvrage – Vedute – qui va amplifier l’impact de sa pensée sur toute une génération. La décennie qui suivra verra aussi la disparition de plusieurs autres grands personnages de l’art québécois: Pierre Ayot (en 95), Pierre Granche (en 97), Serge Lemoyne (en 98), Jean McEwen, juste après qu’il eut reçu le prix Borduas en 99.

Durant les premières années de Voir, Montréal a vu un mini-boum des institutions culturelles. Le Centre canadien d’architecture dirigé de main de maître par Phyllis Lambert ouvre ses portes en 89. Nous nous rappelons tous y avoir vu la formidable expo La Pelouse en Amérique (98). Ce lieu se trouvera complété en 91 par une installation de Melvin Charney qui réalisera aussi les sculptures de la place Berri.

Le Musée des beaux-arts (MBA) s’est trouvé agrandi par un tout nouveau pavillon en 91, qui sera inauguré par une rétrospective marquante de Jean-Paul Riopelle. Le MBA nous a aussi offert durant tout ce temps des expos majeures comme Les Années 20, Cosmos, Pipilotti Rist, Hitchcock…

Au printemps 92, après de multiples tergiversations, le Musée d’art contemporain (MAC) déménage enfin au centre-ville. Le public a apprécié. Le MAC quitte l’inaccessible Cité du Havre et s’implante vraiment dans le rythme de la vie montréalaise. On se souviendra des expos Pour la suite du monde, Louise Bourgeois, Andres Serrano… Sur le nouveau bâtiment, une nouvelle enseigne trône: une Voie Lactée, une bouche signée par la photographe Geneviève Cadieux qui a marqué ces dernières années avec des rétrospectives au MAC et au MBA. Elle s’est de plus fait connaître à l’étranger avec, entre autres, sa participation à la Biennale de Venise en 90.

Michel Goulet, qui lui aussi a représenté le Canada à Venise, est également à l’honneur. Pour la place Roy et le belvédère du parc La Fontaine, il reçoit des commandes de sculptures publiques.

La vie culturelle à Montréal n’aurait pas été la même sans Les Cent jours d’art contemporain. Bon an, mal an, Claude Gosselin a été, avec cet événement parrainé par le CIAC une des forces de la vie culturelle d’ici. Tous se rappellent Lumières en 86 ou Stations en 87 (à laquelle a collaboré le galeriste Roger Bellemare qui a par ailleurs rouvert sa galerie l’an dernier) et le retour de cet événement en 89 puis en 91… Depuis 98, la Biennale, toujours organisée par Gosselin, a pris la relève.

Il faut aussi dire l’importance d’événements comme Le Mois de la photo qui, depuis 89, a constitué un outil privilégié pour réfléchir le médium photographique. Et il ne faudrait pas oublier Artifice en 96 et 98 avec David Liss et Marie-Michèle Cron qui réussirent à montrer de l’art contemporain a un plus large public.

En 15 ans, l’esthétique a bien changé aussi. Des excroissances poussaient alors un peu partout sur les tableaux, les sculptures ou sur les murs des galeries. L’esthétique de la table dominait avec des pièces de Goulet, Pellegrinuzzi, Branco…. Il y a 15 ans, tout le monde parlait de l’impureté – à cause du Français Guy Scarpetta – et de l’hybride. Et les installations d’Alain Paiement émerveillaient. Elles resteront d’ailleurs comme un moment fort de cette époque.

Maintenant, l’esthétique relationnelle – due au Français François Bourriaud – est visible dans n’importe quelle intervention. Les projections vidéo sur grands écrans prolifèrent, et le micropolitique remplace le poétique comme outil d’intervention dans le quotidien… Quinze bonnes années, en somme.

1-Michel Goulet pour Lieux communs: inauguration de la Place Roy
(8 novembre 1990) Photo: jean-François Leblanc/ Agence Stock
2-Geneviève Cadieux pour l’exposition au Musée d’Art contemporain (8 avril 1993) Photo: Gilbert Duclos
3-Pipilotti Rist pour L’Art au tournant de l’an 2000 (4 mai 2000)
Photo: Benoit Aquin