Spécial Rentrée : Les films de l'automne

Spécial Rentrée : Les films de l’automne

top 5

SOLARIS
Seconde adaptation du roman de science-fiction de Stanislaw Lem, après la version-culte d’Andrei Tarkovsky en 1972: Steven Soderbergh s’est attaqué à Solaris. On a des attentes, donc des inquiétudes. Toujours cette même histoire d’un scientifique qui doit découvrir ce qui se passe d’étrange sur la planète Solaris et qui se retrouve nez à nez avec sa femme morte. Un film plus court que celui de Tarkovsky, un tournage de deux mois dont on ne sait rien, une production gardée secrète, sinon que George Clooney a repris le rôle principal et qu’on ne croule pas sous les effets spéciaux. Autre crainte: Soderbergh tourne vite et bien, mais son dernier jet, Full Frontal, n’était pas fort. Espérons que le travail n’a pas été bâclé. Les espoirs sont grands (on parle de 2001: A Space Odyssey), et nous sommes fin prêts à partir en orbite.

Gangs of New York
Ça commence à sentir le réchauffé… Le projet de ce film est dans la tête de Martin Scorsese depuis plus de 20 ans, il le réalise à l’âge de 60 ans et on décale sa sortie tous les six mois depuis un an et demi! Mais cette fois serait la bonne: Marty aura donc fini de se battre pour la longueur du film avec le gros bonnet de Miramax. Vingt minutes de Gangs of New York furent montrées à Cannes, et les critiques restèrent dubitatifs, mais un Scorsese ne peut être complètement raté: on salive à l’idée de sa vision des États-Unis créée dans le sang, le choc de l’immigration par les guérillas urbaines dans le Manhattan de 1863, un Mean Streets en costumes, avec une histoire d’amour et de duels, et Daniel Day Lewis, Leonardo Di Caprio et Cameron Diaz. Impossible d’attendre davantage.

Punch Drunk Love
Ce type ne fait rien comme les autres. Même les histoires d’amour. Pour Punch Drunk Love, Paul Thomas Anderson, génial (ou décrié) réalisateur de Boogie Nights et de Magnolia, a formé un couple avec Adam Sandler et Emily Watson. Et ça fonctionne à merveille. Lui, obsédé par les rabais sur les puddings, et elle, femme d’affaires. Entre la Californie et Hawaii, un service de téléphone érotique et des soeurs étouffantes, une magie amoureuse s’opère: voici la première vraie mise à jour de la comédie romantique américaine depuis des lustres. Prix de la mise en scène à Cannes. Un bijou.

Bowling for Colombine
Michael Moore a encore frappé. Et très fort. Partant de la tuerie au collège de Colombine, Moore s’en prend à l’obsession américaine pour les armes à feu et finit par s’interroger sur le sentiment de peur qui prend la nation américaine à la gorge. Marilyn Manson est brillant, Charlton Heston, pathétique, et les Canadiens forment un peuple fort sympathique! Financé par une boîte canadienne, Bowling for Colombine, premier documentaire à avoir été en compétition au Festival de Cannes, est une grande claque dans le nez. Certaines scènes, dont un montage sur la montée de la violence, donnent envie d’applaudir à tout rompre…

Habla con ella
Ceux qui l’ont vu parlent d’un avant et d’un après Habla con ella… Pedro Almodovar aurait-il réussi à faire plus fort que Todo sobre mi madre? Possible. Deux hommes qui tombent amoureux de deux femmes qui tombent dans le coma: comment la passion passe-t-elle dans cette mise en abyme? Comment le sentiment amoureux peut-il fleurir? Après avoir filmé les femmes avec éclat et générosité, les liens entre les femmes, leurs forces et leurs faiblesses, Almodovar s’est penché sur les hommes qui les aiment. Pedro le magnifique devra-t-il faire encore un petit tour à Hollywood au printemps prochain?

V.O. anglaise

Quelques noms synonymes de talent apparaissent sur la grille automnale: le tandem Charlie Kaufman et Spike Jonze (Being John Malkovich) est de retour avec Adaptation, une histoire pas très claire, avec un maniaque d’orchidées, une journaliste (Meryl Streep) et un scénariste en panne (Nicolas Cage). Steven Spielberg sort aussi son film, Catch Me If You Can, qu’il s’est décidé à réaliser à la dernière minute sur une histoire vraie, celle d’un arnaqueur de talent, avec Tom Hanks et Leonardo Di Caprio. Todd Haynes? On avait adoré l’ambiance de Safe, et le look de Velvet Goldmine; voici Far From Heaven, une histoire d’amour très fifties à la Douglas Sirk, avec son actrice de Safe, Julianne Moore. Curtis Hanson? Excellent metteur en scène de L.A. Confidential et de Wonder Boys, Hanson a pris Mr. Rebelle lui-même, Eminem, pour en faire le héros de son drame urbain qui bat au rythme du hip-hop, 8 Mile. Dans All or Nothing, de Mike Leigh, chronique sociale britannique sombre comme il se doit, les acteurs, Timothy Spall en tête, tirent les larmes. Jonathan Demme (Philadelphia), quant à lui, ose un remake de son film fétiche – le divin Charade, de Donen – qu’il "retricote" avec Mark Wahlberg et Thandie Newton dans The Truth About Charlie. Il n’est pas anglais, mais il peut être génial: Werner Herzog met un juif et un nazi face à face dans Invicible, avec Tim Roth. Et enfin Paul Schrader (Affliction), qui met en scène un des tandems les plus étranges des années 70, l’acteur Bob Crane (Greig Kinnear) et John Carpenter (Willem Dafoe), dans un délire sexuel assez glauque.

Viennent ensuite les productions en masse, qui peuvent être aussi inquiétantes qu’un dessin animé mettant en vedette Adam Sandler (Adam Sandler’s 8 Crasy Nights); une histoire de Blue Lagoon avec Madonna (Swept Away), de son mari Guy Ritchie; une romance au couple incongru qui rappelle celui de Laurence Olivier-Marilyn: Ralph Fiennes et Jennifer Lopez dans The Chambermaid; un Eddy Murphy (I Spy); un Jackie Chan (The Tuxedo); et une bio qui traîne depuis longtemps dans les couloirs: Frida, avec Salma Hayek et Alfred Molina en Diego Riviera. Suite après suite, il ne manquait plus que Red Dragon pour celui qui avait annoncé sa retraite mais qui semble ne pas y tenir: Anthony Hopkins reprend du service dans la peau d’Hannibal Lecter, sous la direction de Brett Ratmer (Family Man). Dans le genre inquiétant, Kevin Bacon et Courtney Love jouent un couple de malades dans Trapped, de Luis Mandoki; mais on ne prévoit pas un nouveau Michael Haneke. Par contre, après avoir été très troublée et troublante dans Mulholland Drive, Naomi Watts revient dans un psycho thriller corsé, The Ring, de Gore Verbinski (Arlington Road). The Grey Zone a quelques éléments intéressants: le film est basé sur un essai de Primo Levi, il est réalisé par l’acteur-réalisateur d’O, Tim Blake Nelson, et Harvey Keitel, Mira Sorvino et Steve Buscemi font partie de la distribution. Joel Schumacher l’avait découvert dans Tigerland, il le reprend dans le thriller Phone Booth: Colin Farrell ne doit pas raccrocher sous peine de mort. Petit drame bien ficelé, Blue Car, de Karen Moncrieff, est un coming of age movie, mais il est surtout très bien interprété par Agnès Bruckner. Drôle de drame également que celui de Peter Kosminsky, White Oleander, avec Michelle Pfeiffer, Renée Zellweger et Robin Wright Penn, un film de filles et de prisons. Avec Personnal Velocity, de Rebecca Miller, salué à Sundance, trois femmes cherchent à fuir leur vie triste et leurs hommes. Par contre, il a gagné à Sundance et on a hâte de voir ce que va donner cette histoire d’amour tordu avec James Spader: Secretary, de Steven Shainberg. Dans Rabbit-Proof Fence, Phillip Noyce met en lumière une page noire de l’histoire australienne envers les aborigènes, avec Kenneth Branagh. Et dans About Schmidt, d’Alexander Payne (excellent Election), Jack Nicholson joue presque différemment, mais ses vieux tics le reprennent vite. Dommage. Mais on ne passera pas à côté de Igby Goes Down, présenté au FFM, un jet de vitriol lancé à la gueule des États-Unis signé Burr Steer, avec, entre autres, Kieran Culkin et Susan Sarandon, membres d’une famille hautement dysfonctionnelle.

Dans le genre grand déploiement, impossible d’éviter un nouveau James Bond, Die Another Day, de Lee Tamahori, avec Halle Berry qui, paraît-il, donne à ce brave 007 de sérieuses bouffées de chaleur. On aura aussi droit au Harry Potter numéro 2, La Chambre des secrets, toujours avec Chris Columbus aux commandes; et à la suite du Seigneur des anneaux, The TwoTowers, aussi de Peter Jackson. Puis n’oublions pas Appolo 13, de Ron Howard, qui passe en format IMAX, pour ceux qui n’avaient pas bien entendu le bruit au décollage… Restent deux objets cinématographiques qui risquent d’en mettre plein les yeux: Pinocchio, de Roberto Begnini; un gars avec qui il aurait en effet des airs de ressemblance, et Chicago, un drame musical 1930, avec plumes et paillettes, de Rob Marshall, avec Renée Zellwegger, Catherine Zeta-Jones et Richard Gere.

L’international

De France, on pourra voir comment la réalité se mêle à la fiction avec Ma femme est une actrice, d’Yvan Attal et avec son épouse, Charlotte Gainsbourg. Présenté à Cannes, le dernier film de Robert Guédiguian est plus intime que les précédents: Marie-Jo et ses deux amours se regarde comme une romance amère mais marseillaise. À noter, l’excellente prestation de Michel Bouquet dans Comment j’ai tué mon père d’Anne Fontaine (Nettoyage à sec); et les paysages somptueux et l’amour de la littérature dans Balzac et la petite tailleuse chinoise écrit et réalisé par Dai Sijie. Gérard Jugnot met en scène un homme simple dans des événements qui ne le sont pas avec Monsieur Batignole, et Michel Blanc ne fait pas non plus dans le très comique avec un film choral et en demi-teintes, Embrassez qui vous voulez. Et on verra de quoi ont l’air les amours difficiles dans Peau d’ange, le premier film réalisé par Vincent Perez.

Québec: belles promesses

Un petit tour à l’ouest d’abord: Ararat, le film-souvenir généreux et émouvant sur le génocide arménien, d’Atom Egoyan, sera en salle en décembre, et on verra bientôt le drame The Bay of Love and Sorrows, de Tim Southam. La saison automnale s’annonce riche et on attend avec impatience quelques titres étranges venus de chez nous: Le Neg’, dernière production au vitriol du gars qui pense ne faire que des vues, Robert Morin, avec une histoire d’intolérance et de racisme. Toutes les difficultés pour couper le cordon sont dans Comment ma mère accoucha de moi durant sa ménopause, d’un nouveau venu, Sébastien Rose, avec Paul Ahmarani, Micheline Lanctôt et Sylvie Moreau. Il y aurait de l’étrange, voire du féerique, dans Le Marais, de Kim Nguyen, avec encore Paul Ahmarani, un film angoissant rien qu’à l’affiche. Mentionnons aussi The Baroness and The Pig, écrit et réalisé par Michael MacKenzie (scénariste du Polygraphe), une histoire un peu dingue d’enfant sauvage pour un film en numérique haute définition, une production de Daniel Langlois avec Patricia Clarkson, Colm Feore, Louise Marleau, sur une musique de Philip Glass. Dans un genre plus réaliste, on retrouve Michel Jetté (Hochelaga) avec Histoire de Pen, des récits de haine, de loyauté et de vengeance dans l’univers carcéral d’après les écrits de Léo Lévesque. Et puis, dans Secret de banlieue, le monde non plus n’est pas rose, quand on prend les conséquences d’un divorce sur des individus, un film de Louis Choquette avec, entre autres, Jean François Pichette et Élise Guilbault. Enfin, la promo est en ville depuis fort longtemps et on y voit toutes les stars du grand et du petit écran: Un homme et son pêché prend un coup de jeune sous la direction de Charles Binamé, avec Roy Dupuis en Alexis, Karine Vanasse en Donalda et Pierre Lebeau en Séraphin. Et pour clore la saison, si c’est signé Louis Saia, ça a tout l’air d’une comédie: Les Dangereux réunit Stéphane Rousseau en comptable peu taillé pour l’aventure et Véronique Cloutier en chanteuse rock kidnappée.

Quelques documentaires s’ajoutent à la liste: Chacabuco, la mémoire du silence, de Gaston Ancelovici; l’expo démantelée par Drapeau est mise au clair dans À propos de l’affaire Corridart, de Bob McKenna; Musique rebelles Québec, de Marie Boti, sur quatre groupes de musique; Home, de Phyllis Katrapani, film-quête, qui a été présenté avec succès en première à la fois sur Internet et sur écran lors du 26e FFM. Enfin, Squat! Comme son nom l’indique, un film sur les squatteurs signé Ève Lamont.

Côté thèmes et festivals, l’automne est un feu roulant: comme tous les ans, Découvertes allemandes offre un pot-pourri. Cette année, ce sont les meilleurs films des années 90: en tout, 14 longs métrages dont le premier film de Tom Tykwer (Deadly Maria), Changing Skins de l’excellent Andreas Dresen, et le très nouvelle vague No Place to go, d’Oskar Roehler. Allemagne toujours, puisque la Cinémathèque rend encore hommage à la chaîne ARTE en mettant l’accent sur des documentaires d’ARTE Deutschland. Le festival des films gais et lesbiens Image + Nation fêtera ses 15 ans du 19 au 29 septembre; le FCMM (Festival du nouveau cinéma et des nouveaux médias, s’il se nomme toujours ainsi) se tiendra du 10 au 20 octobre et promet quelques belles choses de Cannes, en plus d’une rétrospective de Michael Snow, l’homme à la caméra rotative; un hommage à Dennis Potter, l’auteur britannique de Pennies from Heaven et The Singing Detective; des films de Nicolas Philibert (dont le dernier, Être et avoir) et une présentation des oeuvres animées de Jerzy Kucia. Ensuite viendront la huitième édition de Cinémania, le festival de films français sous-titrés en anglais (du 7 au 17 novembre), et la cinquième édition des Rencontres du documentaire, du 15 au 21 novembre, qui donnent cette année carte blanche au festival Vision du réel, de Nyon, et au Yamagata Documentary Film Festival, du Japon. Bref, beaucoup de films, puissance rétinienne à son maximum. Bon automne!